Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen (1998)/22

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Commerce et instruction ou la mobilité organisée. L'exemple du Queyras au 19e siècle
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[ 281 ]COMMERCE ET INSTRUCTION OU LA MOBILITÉ ORGANISÉE L'EXEMPLE DU QUEYRAS AU 19E SIÈCLE


Anne-Marie Granet-Abisset


Zusammenfassung


Handel und Bildung oder die organisierte Mobilität. Das Beispiel des Queyras im 19. Jahrhundert

Im Queyras, einem durch seine Natur und seine Grenze scheinbar isolierten Hochtal in den Südalpen, herrschte seit langem ein reges Fortgehen und Zurückkehren. Wie im nahen Briançonnais kennt die Migration hier eine mehrhundertjährige Tradition. Gewiss, die Gelehrten und die Historiker haben das Fortgehen der Verzweiflung oder zumindest der Notwendigkeit zugeschrieben, was von der individuellen und kollektiven Erinnerung aufgenommen wurde. Folgt man den Migrations bewegungen aber anhand der Familiengeschichten, die sie erzeugt und aktiviert haben, so zeigt sich eine überaus wirksame Organisation der Mobilität. Durch die Wertschätzung von Handel und Schulbildung - erstaunlich für eine als bergbäuerlich und ärmlich präsentierte Gesellschaft - machen die Familien- und Verwandtschaftsnetze die Lehre zu einem Kernstück der Erziehung, welche die vorherrschende Pluriaktiviät zu meistern erlaubt. Durch die Untersuchung dieser essentiellen Migrationsfaktoren kann man die Wirklichkeit der alpinen Gesellschaften also in ihrer ganzen Komplexität neu entziffern.
[ 282 ]

«LES QUEYRASSINS ÉTAIENT TRÈS NOMBREUX À ÉMIGRER ET ILS ÉTAIENT TOUS OU COMMERÇANTS OU INSTITUTEURS»

Parole d’un témoin[1] et plus largement adage de la mémoire collective queyrassine, cette formule n’est pas sans interroger l’historien travaillant sur les sociétés alpines, en l’occurrence celles vivant sur un territoire modeste de 543 km2 qui nous sert de référence, le Queyras.[2] Cet exemple, quoique très cerné géographiquement, présente en raison de sa situation un intérêt par rapport aux thématiques développées dans le cadre de ce colloque.

Tout d’abord, ce territoire des Alpes méridionales françaises est un territoire de haute altitude. Sans être insérés dans des massifs alpins de très [ 283 ]

haute montagne,[3] les sept villages formant le Queyras historique[4] s’étagent entre 1200 m et 2040 m, soit une altitude moyenne de 1600 m. Comme tous les villages de la région, leur implantation les situent dans une proximité des alpages mais aussi des cols et des passages. Qu’est-ce en effet, pour des montagnards habitués à de longues marches à pied derrière les troupeaux, que de gravir 500 m pour gagner le col le plus proche. D’autre part, ces villages du Queyras se rattachent administrativement, mais aussi économiquement et culturellement au Briançonnais. Effectivement durant plus de quatre siècles[5] leurs communautés étaient associées avec celles de trois autres espaces piémontais dans une structure autonome, appelée la République des Escartons. Véritable ensemble transnational, l’ensemble des cinq [ 284 ]territoires partageait une organisation similaire d’autoadministration et possédait des prérogatives obtenues par le rachat d’un certain nombre de privilèges.[6] La frontière avec le Piémont, officielle en 1713, ne devient véritablement effective qu’un siècle plus tard, avec la fin du système des Escartons, mais les échanges privilégiés entre les communautés continuent à exister de part et d’autre de la ligne de crête. Espace frontière enfin, en raison de la convergence des influences méditerranéennes[7] et septentrionales. La longue appartenance au Dauphiné crée des habitudes et des relations, au même titre que celles plus classiques vers la Provence et les espaces méditerranéens.

Pour en revenir à l’interrogation initiale, la formule proposée n’est pas sans surprendre, puisque sont évoqués deux métiers plus classiquement associés aux communautés du «plat pays». Ils sont beaucoup plus rarement attribués aux sociétés rurales de montagne plus traditionnellement présentées par les mémoires savantes (historiens et érudits) mais aussi par la mémoire commune, comme des sociétés du retard, sur les plans politique, économique, social et culturel. Voilà une proposition en parfaite contradiction avec l’image de pays isolés, fermés, cloisonnés, habités par des paysans besogneux et médiocres.

Déformation, reconstruction de la mémoire, dira-t-on. Pourtant cette récurrence, chez la plupart des témoins rencontrés et qui ont livré le récit de leur parcours personnel ou familial, renvoie sans conteste à une réalité. Celle-ci doit nécessairement être prise en compte malgré un raccourci fictionnel évident. Certes, il n’entre pas dans mon propos immédiat de décortiquer ces mémoires, de déconstruire ces récits de vie pour faire émerger des faits et des représentations, de conduire une analyse de la mémoire et de ses significations.[8] Je me contenterais dans ce cadre précis, de reprendre les trois termes proposés, «commerce», «instruction» et «mobilité organisée», non pour seulement les détailler mais pour les insérer dans l’optique d’une approche de la nature des migrations queyrassines. Ajoutons également que la perspective retenue s’inscrit plus largement dans l’idée que les migrations sont une clef de lecture, si ce n’est de relecture, de l’essence même de ces sociétés alpines qui produisent ces migrations.

La première remarque, essentielle pour définir ces migrations alpines, est de rappeler leur inscription dans la longue durée. Nombreux sont les exemples qui attestent d’un tel ancrage dans le temps long. Trois exemples significatifs éclairent cette réalité, et laissons à Alain Belmont le soin d’en évoquer un autre, celui des peigneurs de chanvre de l’espace briançonnais.[9] [ 285 ]Le premier exemple concerne une migration de la très longue durée, celle des régents d’école, qui depuis le début du 16e siècle vont s’engager pour la saison hivernale dans les villages du Comtat venaissin, du Dauphiné et de la Provence. Ainsi, en 1504, Pierre Brutinel de Saint Véran et Jean Vasserot d’Aiguilles enseignent la jeunesse du Crestet et de Caderousse.[10] Migration de la longue durée puisque tout au long des siècles suivants, et en particulier tout au long du 18e siècle, les migrants s’engagent de plus en plus loin.[11] Ils sont même devenus une figure littéraire, évoquée par V. Hugo dans les Misérables, mais aussi par les enquêteurs et les voyageurs du début du 19e siècle, qui popularisent ces colporteurs en écriture, identifiés par leurs plumes au chapeau.

Dans cette tradition de la longue durée, il faut citer les travaux de R. Chanaud et ceux récemment publiés par H. Falque-Vert,[12] qui permettent de prendre la mesure de la fréquence des habitudes migratoires des communautés de part et d’autre de l’actuelle frontière entre Briançonnais et Piémont, au cœur du Moyen Âge. C’est grâce aux relations commerciales suivies que ces communautés ont, en particulier, pu dégager la somme nécessaire au rachat de leurs privilèges et mettre en place le système des Escartons. L’étude plus circonscrite d’Harriet Rosenberg,[13] à propos d’Abriès, a aussi montré comment, tout au long des 17e et 18e siècles, cette bourgade de 1900 habitants entretenait des relations suivies, tant pour la transhumance que pour d’autres échanges commerciaux, de part et d’autre de la frontière[14] et comment cette activité a contribué à apporter d’importantes ressources à une grande partie de ses habitants.

Bref, il n’est pas exagéré de dire que migrer est un des traits constitutifs de la société queyrassine et briançonnaise.[15] Il reste clair que les coupures chronologiques séculaires n’ont guère de pertinence pour l’étude des migrations, d’où mon choix de les considérer sur un 19e siècle élargi. En second lieu, il faut insister sur la complexité de ces mouvements migratoires. Coexistent une alternance des départs et des retours des habitants, longtemps majoritairement les hommes, avec des passages nombreux et répétés de migrants piémontais qui se contentent de traverser le pays ou qui y séjournent pour s’engager comme domestiques pendant la courte saison des travaux des champs. Le balancement des départs saisonniers suivis des départs définitifs, s’il correspond à une réalité, ne rend compte que d’une partie du fonctionnement de ces mouvements. Il en va de même des facteurs habituellement avancés, qui retiennent uni [ 286 ]quement le départ de la nécessité pour échapper à la misère ou au trop plein démographique. En effet, si l’on revient aux trois termes de la formule, ceux-ci sont en parfaite contradiction avec la mémoire dominante du départ de la désespérance ou du décalage.

Si l’on en reste à l’idée d’une société queyrassine uniquement composée d’agriculteurs, petits propriétaires routiniers, partageant la même médiocrité voire la même misère, en tout cas le même retard,[16] la première contradiction réside dans l’importance accordée au commerce. On comprend bien davantage lorsque l’on situe ces communautés dans leur activité majeure et essentielle: l’élevage. C’est lui qui fournit les produits (les produits laitiers mais aussi les laines, les peaux et les bêtes sur pied pour la viande), les surplus pour la vente et donc le numéraire pour ne pas dire la richesse. C’est aussi lui qui, comme le montre si bien J.-C. Duclos dans cette même revue, a créé et entretient les habitudes et les directions des déplacements.[17]

La lecture attentive des archives écrites[18] comme la mémoire de témoins montrent, en dernier ressort, quelle place essentielle le commerce occupe dans la réalité des familles mais aussi dans la culture collective. Parler du commerce c’est bien sûr évoquer des formes très variées dans leur réalité et leur évolution, avec une volonté de s’adapter constamment aux conditions politiques et économiques.

Ces formes variées nous pouvons les décliner selon la taille. Coexistent, en effet, tout au long de la période des associations commerciales de taille et d’envergure très diverses. C’est bien sûr le colportage modeste, toujours décrit comme individuel, dont la mémoire retient surtout les exemples des marchands de châtaignes, des beurriers ou des instituteurs. En réalité, tous, comme les marchands de peaux ou de mulets,[19] sont déjà dans une logique d’associations,[20] même si les termes de l’association sont inégalitaires et reposent sur des avances d’argent ou de produits. Le cas est autre avec les instituteurs qui, comme les salariés agricoles auxquels on les a souvent comparés, apportent leurs savoir et savoir-faire, sans mise de fonds initiale.

Le commerce au sens le plus commun est largement représenté par le niveau de la boutique. Faire l’acquisition d’une boutique, au terme d’un parcours professionnel commencé comme commis, reste l’objectif avoué de bon nombre de ces migrants, dans la deuxième moitié du 19e siècle. À cet endroit, le modèle dominant de la boutique spécialisée dans la vente des produits laitiers et produits d’épicerie[21] voile toutefois une grande diversité. Selon les périodes [ 287 ]et les villes, que de cas distincts dans l’envergure et les domaines d’activité, que ce soit avec le textile, la librairie[22] ou d’autres produits. En effet, il suffit de citer l’exemple des grands magasins, voire des magasins à succursales multiples, tels que les organisent les «Américains» partis, durant un siècle,[23] investir les nouveaux marchés en Amérique latine. Mais là encore, coexistent au sein d’une même Maison de commerce la structure de grands magasins et des formes d’un colportage classique, nécessaire pour investir de nouveaux territoires dans ces pays encore peu équipés, à la fin des années 1880.[24] De même, les acteurs dirigeant ces maisons de commerce associent des formes juridiques qui évoluent avec la législation (sociétés en commandite, S. A. R. L., voire sociétés anonymes avec capitaux d’origine familière) et des pratiques de banques et d’organisation familiales tout à fait traditionnelles, couramment employées dans le Queyras par les associations familiales organisant les migrations. Il est cependant clair qu’à la fin du siècle, à ce niveau, les associations à caractère familial, voire même clanique, changent de nature, et parfois de partenaires, pour s’adapter structurellement.

La diversité se repère aussi dans le choix des spécialités ou plutôt dans les produits vendus. C’est aussi dans ce domaine que l’on peut le mieux mesurer leur aptitude à s’adopter aux circonstances et leur sens des opportunités. Bien entendu, on valorise avant tout la production locale, depuis la vente du lait ou du beurre[25] jusqu’aux produits laitiers manufacturés. En effet, dès la fin du 18e siècle, et bien avant les fruitières, ont été fondées des sociétés regroupant des fabricants de fromage. Le curé Albert[26] évoque d’ailleurs avec une certaine admiration celle d’Aiguilles, car elle lui semble exprimer le dynamisme de ses habitants. C’est aussi le commerce lié à l’élevage, déjà évoqué et qui, très durablement, sous-tend les échanges, dans un rayon d’action souvent réduit. Un domaine fait exception, celui du commerce des mulets dont certaines familles se font la spécialité. Commerce souvent lucratif que ce négoce de jeunes mulets que l’on va chercher dans le Poitou[27] et que l’on revend dans la région après une courte période d’élevage ou même après quelques saisons de dur labeur. Certaines familles expliquent ainsi leurs ressources et parfois le début de la bonne santé économique de leur maison. «Si l’on remonte aux origines connues de la famille, on sait que la maison a été construite en 1714 par deux frères, Étienne et Pierre, qui avaient réalisé un certain pécule dans leur commerce de mulets en Espagne puis ensuite dans le Languedoc.»[28] Ce que la mémoire a retenu [ 288 ]est confirmé par d’autres archives. Ainsi des correspondances attestent du rendement de ce commerce,[29] mais aussi de la mise en place de véritables organisations pour l’assurer vers des destinations encore plus lointaines comme l’Algérie.

Classiquement attendus dès que l’on parle de colportage, tissus, produits de mercerie ou même petits objets fabriqués et sculptés sur place[30] font partie des ballots. La mémoire aime à retenir l’exemple des «Américains» ayant eu l’idée d’aller écouler les rebuts des Grands Magasins parisiens comme Le Bon Marché ou la Belle Jardinière. En réalité les correspondances et autres cahiers de compte renseignent sur la nature des cargaisons comme sur le système des participations dans les affaires menées. Il y a bien duplication du système des grands magasins, mais l’évocation des avances demandées aux Grands Magasins parisiens renvoie davantage au système des commissionnaires et autres fournisseurs intermédiaires, essentiels dans l’organisation du commerce international comme, d’ailleurs au niveau de boutiques plus modestes en France.

Les activités commerciales trouvent parfois un prolongement dans le secteur industriel, mais celui-ci reste largement minoritaire. L’exemple le plus fameux est celui d’une famille aiguillonne qui, fortune faite au Brésil, s’est lancée dans l’exploitation de mines de nickel en Nouvelle-Calédonie, sans le succès escompté. Ce passage au secteur secondaire est souvent une activité dérivée du commerce et aussi celle des générations suivantes. Ainsi, la famille Toy-Riont, après la phase commerciale classique des produits laitiers, a étendu son affaire en créant une entreprise d’huileries et savonneries à Marseille. Pendant quelques années également, certaines familles américaines ont ajouté à leurs magasins des usines de fabrication, leur permettant de produire sur place et à moindre coût les objets de leur négoce.[31]

Quel qu’il soit, le commerce explique les directions suivies par les migrants. Selon les circonstances, elles éloignent parfois très durablement les membres d’une même famille. Il y aurait beaucoup à dire sur ces directions tout à la fois préférentielles mais aussi très complexes, qui ne conduisent pas les migrants uniquement vers la Provence ou le Dauphiné.[32] Il reste qu’une tendance générale s’esquisse au cours du 19e siècle, celle d’une relative spécialisation et d’un resserrement du nombre des destinations face à l’extrême diversité du siècle précédent. C’est encore plus vrai dans la première moitié du 20e siècle, expliquant la focalisation de la mémoire sur Marseille, Toulon, Lyon et l’Amérique. [ 289 ]Lorsque l’on choisit une approche généalogique du problème, en suivant des lignées familiales, l’étude fine des directions montre toutes les nuances à apporter au schéma classique, saisonnier-définitif. Loin de correspondre à une période chronologique et de décrire une réalité historique bien datée, le système migratoire s’avère aussi complexe dans les rythmes. Au sein de chaque lignée familiale et à chaque génération, coexistent des migrations saisonnières, d’autres temporaires de plus longue durée, avec les départs définitifs des cadets[33] pour laisser vivre et survivre la cellule économique que symbolise la maison familiale.[34]

Mais l’essentiel est encore ailleurs. Comme l’a si magistralement montré Laurence Fontaine, c’est la modélisation de ce système migratoire qui est à retenir. Dans le Queyras aussi et encore au 19e siècle, les migrations fonctionnent sous l’égide de réseaux familiaux pour ne pas dire claniques, à la fois précis et complexes.

La mémoire familiale et collective a souvent retenu les exemples quasi mythiques de réussite, renforcés par les récits des correspondances ou les résultats affichés, véritables incitations au départ. Encore faut-il avoir la possibilité comme l’envie de partir.

Certes, le migrant peut être, dans son déplacement, un homme seul, même si cela ne semble pas être la tendance majoritaire. Il est surtout inséré dans un réseau qui, du village à la ville, organise le système dans lequel il s’insère. L’homme solitaire est, en règle générale, voué à l’échec. Il se contente de pourvoir le flot de ces migrants décrits comme ceux de la misère et de l’exode. Ce ne sera pas le cas de celui qui entre dans le système le plus durable, évoqué précédemment.

Celui-ci sait où aller, d’où les directions préférentielles. Il dispose d’adresses même s’il s’agit d’un simple garni où l’on se regroupe, faisant attribuer aux Gavots[35] le synonyme de migrants besogneux. Il sait aussi qu’il peut disposer de capitaux, à charge pour lui de les faire fructifier ou de rembourser grâce à sa terre ou celle de son patrimoine familial. S’il fait ses preuves, il peut demeurer dans le réseau et en tirer parti. C’est aussi grâce à ce réseau qu’il peut bénéficier d’une formation pratique, franchissant les différents stades de l’apprentissage ou restant simple commis. Le tandem oncle-neveu, si souvent décrit par la mémoire, et corroboré par les archives directes ou indirectes,[36] fonctionne avec efficacité, bien au-delà de la période retenue.

Ainsi, on est face à un système migratoire géré par les familles aux assises économiques et sociales les plus affirmées. Celles-ci organisent la migration [ 290 ]en procurant des possibilités à leurs descendants mais aussi aux membres de leur parenté ou à ceux de la proximité amicale ou villageoise tout en fournissant les modèles incitateurs. Néanmoins, pour être efficient, ce système s’appuie sur l’existence d’une formation initiale de base, acquise au village.

C’est la fameuse instruction généralisée des populations briançonnaises et queyrassines, bien avant la mise en place de l’école obligatoire. L’intérêt marqué pour l’instruction dans ces hautes vallées est un phénomène trop connu pour y insister longuement. Grâce aux résultats des enquêtes lancées sous l’égide du recteur Maggiolo,[37] on connaît l’alphabétisation précoce de ces hautes vallées dès le 17e siècle. Si l’on sait toutes les nuances à apporter à ces enquêtes, il reste que les hautes vallées du département des Hautes Alpes sont un réel isolât dans une France méridionale largement analphabétisée. Quelques chiffres suffisent à étayer ce fait. Dès la fin du 17e siècle, en Queyras, les hommes savent en moyenne signer à 75% et les femmes à 55%. Un siècle plus tard, la proportion est passée à 95 et 75%,[38] chiffres remarquables pour une région rurale de montagne. Le plus remarquable aussi est, malgré un certain décalage,[39] cette alphabétisation partagée hommes/femmes. De plus, leurs performances respectives sont bien au-dessus de la moyenne nationale. Il faut ajouter que cette alphabétisation s’accompagne d’une maîtrise et d’un emploi précoce et généralisé du français.

Rien d’étonnant à ce phénomène, lorsque l’on sait, grâce aux enquêtes du début du 19e siècle,[40] que le moindre hameau de chaque village dispose d’une école temporaire, où les jeunes régents font leur apprentissage avant de se placer dans des écoles plus rentables ou de s’orienter vers d’autres formes de commerce. Au-delà de la performance et des chiffres un peu secs, d’autres éléments, d’autres comportements matérialisent un goût tangible pour l’instruction et la chose écrite. Je me contenterais ici d’en pointer quelques-uns.[41]

C’est d’abord l’importance numérique et l’intérêt accordé aux papiers de famille, précieusement conservés pendant des générations.[42] Ils concernent au premier chef les habituels contrats notariés mais aussi les actes des fréquentes procédures, souvent à fondement économique, comme les attestations d’emprunts entre voisins ou les aides financières déguisées. Ce sont aussi l’ensemble des précieuses correspondances et des livres de compte, d’ailleurs essentiels pour comprendre la nature et la réalité du fonctionnement du système migratoire. [ 291 ]Dans un autre ordre d’idée, l’habitude de l’écriture est incarnée par la tradition des Transitons, véritable journal tenu par un habitant sur les principaux événements survenus dans le village ou même dans la vallée. Au cours des 17e et 18e siècles, période majeure de leur rédaction, plusieurs auteurs, souvent anonymes, se sont ainsi succédés. Cette pratique de l’écrit n’est pourtant pas réservée à quelques individus. Elle s’inscrit matériellement sur tous les objets du quotidien, puisque chacun aime à inscrire son nom sur les objets qu’il sculpte, sur le linteau de sa porte, puisque l’on marque des aphorismes et des pensées morales sur les meubles pour éduquer les générations suivantes. Il en va de même des apophtegmes que l’on fait écrire en français ou en latin sur les cadrans solaires.

C’est aussi la possession relativement diffuse et précoce d’ouvrages imprimés qui ne sont pas le seul fait des prêtres ou des protestants. On a pu également recenser dans quelques familles de véritables bibliothèques où apparaissent des ouvrages autres que religieux, même si ceux-ci constituent l’essentiel.[43] C’est enfin le goût pour les pièces de théâtre, empruntées au répertoire classique et jouées à la veillée, ce qui surprend tellement les quelques voyageurs s’aventurant au 19e siècle dans ce pays reculé.[44]

À travers ces quelques exemples, on perçoit que l’intérêt pour la culture écrite va bien au-delà des savoirs élémentaires. La poursuite des études, via le séminaire, mais aussi les collèges d’Embrun ou de Briançon, est la règle dans les familles les plus aisées. Certains vont même jusqu’à faire le voyage en Allemagne ou en Angleterre pour acquérir les compétences à la maîtrise du commerce international et à celle de la concurrence.

Signe fort de cet attachement à l’écrit, la mémoire collective conserve le souvenir de cette avance en matière d’alphabétisation. Signe de reconnaissance, signe identitaire d’autant plus essentiel que le développement de l’école républicaine a fait disparaître la spécificité de ces hautes vallées au même titre que la Révolution avait supprimé l’autonomie, les privilèges et l’avance démocratique que représentaient les Escartons.

On peut bien entendu s’interroger sur les raisons de cette alphabétisation précoce. Dans le cadre de cette courte présentation, prétendre apporter des réponses tient de la gageure. On se contentera d’apporter très ponctuellement quelques réflexions dans la perspective de cette communication.

Reprenons les explications classiques. En premier lieu sont toujours mis en évidence la longueur des hivers et le temps à occuper, alors que l’activité agricole est réduite par la neige et le froid. D’autres régions connaissent [ 292 ]des hivers rigoureux et longs sans pour autant présenter les mêmes caractéristiques. En second lieu, la tradition protestante, très prégnante en Queyras, joue à un double niveau. D’abord par la relation au Livre qui habitue à la culture écrite et revendique une formation nécessaire. Ensuite par la concurrence suscitée auprès des populations catholiques dans la perspective d’une reconquête des âmes. Il faut toutefois remarquer que dans le Queyras, à la différence du Lubéron par exemple, on ne distingue pas de supéririté affirmée des familles protestantes dans la maîtrise de l’écrit. On a réellement une alphabétisation partagée par les deux communautés.

Ces deux ensembles de raisons sont importants. Ils ne suffisent pas à expliquer cette culture précoce et diffuse. Aussi il semble intéressant d’ajouter deux motifs pour comprendre cette réalité. Posséder les savoirs élémentaires est également une nécessité dans la gestion de la pluriactivité. On retrouve alors le commerce et les affaires. En effet, comme le montrent les exercices inscrits dans les cahiers d’écoliers,[45] le souci majeur est de savoir faire du commerce, de maîtriser les calculs les plus essentiels mais aussi les procédures d’associations. Derrière le goût, l’utilitarisme n’est jamais loin. Il trouve aussi ses racines dans la tradition des Escartons. Prendre part aux affaires de la communauté nécessite la maîtrise de l’écrit, pour participer aux délibérations, pour voter, et bien sûr pour devenir consul. Il y a sans doute, avec ce motif, l’explication de la compétence des femmes qui, lorsqu’elles ont la responsabilité du domaine, collaborent à l’Escarton.

Esquissant à travers deux de ses composantes la mobilité au sein d’une société alpine, il faut redire avec force combien celle-ci s’éloigne de l’image dominante de l’exode rural et de la migration subie de la désespérance. Non pas, bien sûr que les candidats au départ sont tous favorisés ou qu’ils appartiennent à des milieux sociaux dominants. S’ils sont favorisés, c’est par leur appartenance familiale ou familière à un système organisé qui leur permet de disposer de modèles, de réseaux, procurant à ceux qui savent les utiliser l’occasion de réaliser de solides pour ne pas dire de fructueuses affaires durant ce long 19e siècle. Cette mobilité qui est, sans conteste, orientée vers la réussite, renvoie à d’autres motivations et d’autres explications que celles trop classiquement présentées. Elle s’inscrit dans une société hiérarchisée économiquement et socialement. Elle est aussi une des clefs du système économique et culturel, organisé autour de la maison familiale, dans ce lien entretenu entre la montagne et le «plat pays» et qui fonctionne [ 293 ]jusqu’aux années ’20 de ce siècle. Il reste que cet exemple n’a d’autre ambition que d’apporter des éléments de comparaison et d’interroger sur le maintien tardif de ce système au sein de l’ensemble des migrations alpines.


Notes

1 O. Garcin, entretien n° 1, 1981.

2 Situé dans le département des Hautes Alpes et rattaché depuis 1961 à la région Provence-Alpes-Côte dAzur.

3 Comme l’Oisans ou le massif du Mont-Blanc.

4 Ce territoire correspond au canton dAiguilles. Depuis la création du Parc naturel régional, le Queyras comprend aussi la commune de Ceillac.

5 De 1343 à 1789, sous le régime des Escartons concédé par le Dauphin Humbert II par l’octroi d’une charte.

6 André Fauché Prunelle, Essai sur les anciennes institutions, autonomes ou populaires, des Alpes Cottiennes briançonnaises, Grenoble 1856-1857.

7 En particulier culturelles et linguistiques. Voir le programme de recherches «frontières culturelles entre les mondes alpins et méditerranéens», Christian Bromberger (dir). Laboratoire d’ethnologie méditerranéenne et comparative. Aix en Provence.

8 Pour ce faire, se reporter à Anne-Marie Granet-Abisset, La route réinventée. Les Migrations des Queyrassins aux XIXe et XXe siècles. Grenoble 1994.

9 Voir dans ce volume Alain Belmont, «L’artisan et la frontière: l’exemple des peigneurs de chanvre du Briançonnais aux 17e et 18e siècles».

10 Anne-Marie Granet-Abisset, «Entre autodidaxie et scolarisation. Les Alpes briançonnaises», in: Histoire de l'Éducation 70, 1996, pp. 111-141.

11 Bourgogne, pays de l’Ain, Languedoc, etc.

12 Robert Chanaud, Le Briançonnais aux XlVe et XVe siècles. Aspects de la vie économique. Paris 1974; et Henri Falque-Vert, Les hommes et la montagne en Dauphiné au XHIe siècle. Grenoble 1997.

13 Harriet Rosenberg, A negociated World: three centuries of change in a french alpine community. Toronto 1988.

14 Sans oublier d’autres directions vers la Provence ou le Dauphiné.

15 Anne-Marie Granet-Abisset, «La mobilité: trait majeur de comportement des sociétés alpines», in: Villages d’altitude. Paris 1997, pp. 87-99.

16 Philippe Vigier, La seconde République dans la région alpine. Paris 1963.

17 Constatons que ces directions ne tiennent pas forcément compte des frontières politiques.

18 Les archives privées surtout, car ce sont elles qui permettent de mesurer les formes de cette activité commerciale que les archives administratives laissent moins directement déceler.

19 Pour ne citer que deux autres spécialités moins connues.

20 Archives privées Laurens et Richard-Calvé, AD HA, F1282 et F2065.

21 Pour citer un métier commun aux Queyrassins à la fin du 19e siècle et dans la première moitié du 20e siècle.

22 Laurence Fontaine, Histoire du colportage en Europe XVe-XIXe siècles. Paris 1993.

23 À partir des années 1840.

24 Archives privées Gorlier.

25 Ayant donné le nom de beurriers aux marchands allant vendre les productions locales pendant l’hiver, cf. Jean Tivollier et Pierre Isnel, Le Queyras. Laffitte Reprints, 1977. [ 294 ]26 Curé Albert, Histoire géographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun, 1783.

27 Dans la région de Melle. Pierre Berge, Monographie de Saint-Véran, Gap 1928.

28 O. Garcin, entretien déjà cité.

29 ADHA, F2063-2065-2067.

30 C’est le cas d’objets en bois sculptés que l’on retrouve diffusés en Bourgogne.

31 Archives privées Villan-Rey.

32 Pour cela, se reporter à A.-M. Granet-Abisset, 1994 (note 8), pp. 107-126.

33 Qui peuvent être aussi les aînés.

34 A.-M. Granet-Abisset, 1997 (note 15).

35 Quolibet et surnom attribués par les citadins, marseillais en général, à tous les Alpins, c’est-à-dire les habitants des Hautes et Basses Alpes arrivant à Marseille. Depuis, ce terme a perdu de sa connotation sociale pour recouvrir le signe identitaire de l’origine géographique.

36 Directes, passeports ou indirectes. Les séries sont alors très nombreuses. Citons par exemple celles de l’enregistrement, les archives communales pour les contrats d’engagement, et bien-sûr les archives notariées et privées.

37 François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire, l’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris 1977.

38 René Favier, Les villes du Dauphiné, aux XVIIe et XVIIIe siècles, Grenoble 1993.

39 À titre de comparaison, la Vallouise toute proche présente les mêmes performances pour les hommes. En revanche, les femmes manifestent un grand retard dans ce domaine et sont plus proches des chiffres nationaux

40 ADHA 1M24 et AN F17 10381. Voir aussi les indications de Nadine Vivier-Plisson, Le Briançonnais rural aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris 1993. Elle indique une moyenne de 70 écoles pour 10 villages.

41 A. M. Granet-Abisset, 1996 (note 10).

42 Jusqu’aux derniers aménagements qui font que les papiers ont souvent été jetés en même temps que le réaménagement des maisons. Ce goût durable n’est toutefois plus aussi affirmé qu’aux générations précédentes.

43 A. M. Granet-Abisset, art. cit. et Valérie Feschet, Des livres dans les Alpes. Notes sur la variation du rapport à l’écrit du Dauphiné à la Provence, Aix 1994.

44 W. Beatties, The waldenses, or protestants valleys of Piémont and Dauphiny, London 1838.

45 A. M. Granet-Abisset, art. cit.

  1. 1 O. Garcin, entretien n° 1, 1981.
  2. 2 Situé dans le département des Hautes Alpes et rattaché depuis 1961 à la région Provence-Alpes-Côte dAzur.
  3. 3 Comme l’Oisans ou le massif du Mont-Blanc.
  4. 4 Ce territoire correspond au canton dAiguilles. Depuis la création du Parc naturel régional, le Queyras comprend aussi la commune de Ceillac.
  5. 5 De 1343 à 1789, sous le régime des Escartons concédé par le Dauphin Humbert II par l’octroi d’une charte.
  6. 6 André Fauché Prunelle, Essai sur les anciennes institutions, autonomes ou populaires, des Alpes Cottiennes briançonnaises, Grenoble 1856-1857.
  7. 7 En particulier culturelles et linguistiques. Voir le programme de recherches «frontières culturelles entre les mondes alpins et méditerranéens», Christian Bromberger (dir). Laboratoire d’ethnologie méditerranéenne et comparative. Aix en Provence.
  8. 8 Pour ce faire, se reporter à Anne-Marie Granet-Abisset, La route réinventée. Les Migrations des Queyrassins aux XIXe et XXe siècles. Grenoble 1994.
  9. 9 Voir dans ce volume Alain Belmont, «L’artisan et la frontière: l’exemple des peigneurs de chanvre du Briançonnais aux 17e et 18e siècles».
  10. 10 Anne-Marie Granet-Abisset, «Entre autodidaxie et scolarisation. Les Alpes briançonnaises», in: Histoire de l'Éducation 70, 1996, pp. 111-141.
  11. 11 Bourgogne, pays de l’Ain, Languedoc, etc.
  12. 12 Robert Chanaud, Le Briançonnais aux XlVe et XVe siècles. Aspects de la vie économique. Paris 1974; et Henri Falque-Vert, Les hommes et la montagne en Dauphiné au XHIe siècle. Grenoble 1997.
  13. 13 Harriet Rosenberg, A negociated World: three centuries of change in a french alpine community. Toronto 1988.
  14. 14 Sans oublier d’autres directions vers la Provence ou le Dauphiné.
  15. 15 Anne-Marie Granet-Abisset, «La mobilité: trait majeur de comportement des sociétés alpines», in: Villages d’altitude. Paris 1997, pp. 87-99.
  16. 16 Philippe Vigier, La seconde République dans la région alpine. Paris 1963.
  17. 17 Constatons que ces directions ne tiennent pas forcément compte des frontières politiques.
  18. 18 Les archives privées surtout, car ce sont elles qui permettent de mesurer les formes de cette activité commerciale que les archives administratives laissent moins directement déceler.
  19. 19 Pour ne citer que deux autres spécialités moins connues.
  20. 20 Archives privées Laurens et Richard-Calvé, AD HA, F1282 et F2065.
  21. 21 Pour citer un métier commun aux Queyrassins à la fin du 19e siècle et dans la première moitié du 20e siècle.
  22. 22 Laurence Fontaine, Histoire du colportage en Europe XVe-XIXe siècles. Paris 1993.
  23. 23 À partir des années 1840.
  24. 24 Archives privées Gorlier.
  25. 25 Ayant donné le nom de beurriers aux marchands allant vendre les productions locales pendant l’hiver, cf. Jean Tivollier et Pierre Isnel, Le Queyras. Laffitte Reprints, 1977.
  26. 26 Curé Albert, Histoire géographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun, 1783.
  27. 27 Dans la région de Melle. Pierre Berge, Monographie de Saint-Véran, Gap 1928.
  28. 28 O. Garcin, entretien déjà cité.
  29. 29 ADHA, F2063-2065-2067.
  30. 30 C’est le cas d’objets en bois sculptés que l’on retrouve diffusés en Bourgogne.
  31. 31 Archives privées Villan-Rey.
  32. 32 Pour cela, se reporter à A.-M. Granet-Abisset, 1994 (note 8), pp. 107-126.
  33. 33 Qui peuvent être aussi les aînés.
  34. 34 A.-M. Granet-Abisset, 1997 (note 15).
  35. 35 Quolibet et surnom attribués par les citadins, marseillais en général, à tous les Alpins, c’est-à-dire les habitants des Hautes et Basses Alpes arrivant à Marseille. Depuis, ce terme a perdu de sa connotation sociale pour recouvrir le signe identitaire de l’origine géographique.
  36. 36 Directes, passeports ou indirectes. Les séries sont alors très nombreuses. Citons par exemple celles de l’enregistrement, les archives communales pour les contrats d’engagement, et bien-sûr les archives notariées et privées.
  37. 37 François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire, l’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris 1977.
  38. 38 René Favier, Les villes du Dauphiné, aux XVIIe et XVIIIe siècles, Grenoble 1993.
  39. 39 À titre de comparaison, la Vallouise toute proche présente les mêmes performances pour les hommes. En revanche, les femmes manifestent un grand retard dans ce domaine et sont plus proches des chiffres nationaux
  40. 40 ADHA 1M24 et AN F17 10381. Voir aussi les indications de Nadine Vivier-Plisson, Le Briançonnais rural aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris 1993. Elle indique une moyenne de 70 écoles pour 10 villages.
  41. 41 A. M. Granet-Abisset, 1996 (note 10).
  42. 42 Jusqu’aux derniers aménagements qui font que les papiers ont souvent été jetés en même temps que le réaménagement des maisons. Ce goût durable n’est toutefois plus aussi affirmé qu’aux générations précédentes.
  43. 43 A. M. Granet-Abisset, art. cit. et Valérie Feschet, Des livres dans les Alpes. Notes sur la variation du rapport à l’écrit du Dauphiné à la Provence, Aix 1994.
  44. 44 W. Beatties, The waldenses, or protestants valleys of Piémont and Dauphiny, London 1838.
  45. 45 A. M. Granet-Abisset, art. cit.