Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen (1998)/06

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Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen  (1998)  by [[Author:{{{author}}}|{{{author}}}]]
Pensier la frontière: notions et approches
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[ 63 ]PENSER LA FRONTIÈRE - NOTIONS ET APPROCHES


Wolfgang Kaiser


Zusammenfassung


Nachdenken über die Grenze - Begriff und Forschungsansätze


Im Zusammenhang der Tagung wird der Begriff der Grenze, der ein weitgefasstes, je nach Sprache unterschiedlich differenziertes Anwendungsfeld umfasst, in einem auf den Bereich herrschaftlicher Kontrolle eingeengten Sinn verwendet. Die Orientierung am Prozess der Ausbildung des frühmodernen Staates, dessen «Haut» nach zeitgenössischer Auffassung die Grenze bildete, birgt die Gefahr, die Beobachtungsebene auf die historischen Akteure im Zentrum oder das Beobachtungsfeld auf bestimmte Formen des herrschaftlichen Handelns einzugrenzen. Die Grenze wird zudem im Hinblick auf die Mobilität nur äusser-lich als quellenproduzierend gefasst. Die Frage, wie die Grenze in das gesellschaftliche Leben und die Praxis der Menschen in den Grenzregionen eingebaut wird, gibt den Blick frei auf Formen des listigen Umgangs mit Grenzen, die zugleich geschaffen und erlitten werden.

La frontière semble faire partie des concepts de base «simples et fondamentaux»[1] de la recherche sur les formes d’organisation spatiale et sociale de groupes humains. Or dans un environnement plurilinguistique comme l’espace historique alpin ou le temps d’un colloque international, c’est la terminologie même qui pose déjà problème. En effet, au terme anglais de boundaries, à l’usage très général dans les sciences humaines, correspondrait en français dans un contexte politique et étatique plutôt le terme de «frontière», tandis que l’allemand désigne par le mot Grenze confins. [ 64 ]frontières et limites.[2] Par le titre français «Mobilité et frontières dans les Alpes», on a cependant déjà opéré un choix limitatif: en effet, les frontières y sont évoquées dans le contexte des barrières qui empêchent ou freinent les migrations et, inversement, des passages qui s’offrent aux flux migratoires. On se limite ainsi aux aspects de défense et contrôle d’un territoire à ses confins; cette notion reste proche de l’usage du 17e siècle qui désigne la frontière comme «l’extrémité d’un Royaume, d’une Province, que les ennemis trouvent de front quand ils veulent entrer».[3] Si cette limitation peut se justifier aisément, il faut aussi être conscient du coût qu’elle implique.[4] Ce choix limitatif n’interdit cependant pas de traiter le problème de la frontière sous des angles différents: dans une perspective étatique, comme un fait social et relationnel, pour enfin en esquisser des usages et pratiques.

1. D’où vient l’intérêt pour les frontières dans ce sens d’une domination politico-territoriale? Il tient surtout à l’effet révélateur de la frontière. L’histoire européenne récente, voire l’histoire du présent en présente un exemple évident. Les passions suscitées par les nationalismes et les luttes pour l’autodétermination semblent se focaliser dans le phénomène des frontières qui en permet une lecture et interprétation concentrées où l’on peut distinguer les frontières «froides» des frontières «chaudes», objets de virulents conflits.[5] Les frontières permettent donc de repérer, voire de mesurer des degrés de conflictualité. Leur délimitation de plus en plus précise dans un système territorial reflète le passage au monde des nations contemporaines.[6] Des limites de la puissance du souverain, définies militairement et juridiquement, on passe au 18e siècle, aux frontières territoriales clairement définies et pacifiées avant que l’époque des nationalismes ne charge cette frontière de passions et de haine.[7]

La frontière apparaît ainsi comme un élément particulièrement révélateur des changements intervenus avec la formation de l’État moderne: l’histoire du monde s’observerait le mieux depuis la frontière; ou, «penser l’Europe à ses frontières», permettrait de s’interroger sur la naissance de la nation ce qui «impose de remonter le long de la frontière vers l'État».[8] Centre et périphérie sont liés dans un rapport étroit où les deux pôles renseignent réciproquement sur l'état de l’autre: dans l’analyse de la frontière, il faut partir de l’État et non pas de la frontière, soutint Lucien Febvre jadis dans un article influent;[9] mais la frontière apparaît en même temps comme «le meilleur indicateur de l’état de l’État».[10] En effet, le regard depuis la périphérie vers le centre pourrait renouveler une histoire de la formation de [ 65 ]l'État moderne qui reste myope si elle se limite aux seules instances centrales et leurs agents.[11]

2. Même si l’on démontre la part jouée par des acteurs locaux, il y a dans cette perspective focalisée sur la formation de l’État encore des éléments d’une téléologie implicite dans la mesure où l’on est tenté d’interpréter le processus depuis son «aboutissement». Ainsi, parler pour l’Andalousie médiévale de «frontières» et «micro-frontières»,[12] présuppose l’existence d’un système territorial-étatique. La manière de parler fait encore écho de la distinction du géographe allemand Friedrich Ratzel, toujours présent dans les modélisations géopolitiques actuelles, entre les frontières extérieures et intérieures. Pour Ratzel aussi, la périphérie est dans ce système relationnel un élément particulièrement significatif. On trouve chez lui la distinction entre une zone frontalière et la frontière linéaire qui aura la vie longue en histoire et dans les sciences sociales. L’existence d’une zone frontalière plus ou moins épaisse est pour Ratzel la réalité (Wirklichkeit) de la frontière. En revanche, la frontière linéaire ne serait qu’une abstraction, une ligne entre deux points - des places fortes - qui traduirait plutôt un contrôle étatique incertain, réalisé seulement dans un passé assez récent.[13]

On trouve l’idée d’une évolution à l’époque moderne en Europe d’une zone frontalière assez floue vers des tracés linéaires des frontières entre États non seulement chez Lucien Febvre, mais plus récemment encore dans des recherches sur la frontière franco-espagnole ainsi que dans l’analyse de la notion médiévale de frontière dans le Saint-Empire.[14] Et elle reste toujours présente dans les travaux récents d’anthropologues qui par ailleurs mettent en question l’idée reçue que l’homme serait par nature un «animal territorial».[15] Or en réalité, il y a pendant l’époque médiévale une coexistence entre des conceptions linéaires et zonales de la frontière[16] ainsi que celle corrélative entre des rapports personnalisés du pouvoir et la notion de territoire.[17] L’idée d’une évolution chronologique traduit plutôt un effort de modélisation de la formation de l’État moderne et une limitation implicite de l’échelle d’observation au centre qui aurait déterminé ce processus historique.

La linéarité de la frontière s’impose d’abord au niveau de la théorie: selon les historiens du droit, le passage à la modernité se traduit par une transformation de l’ancienne notion du territoire, fondée essentiellement sur la juridiction, dans une notion moderne basée sur la souveraineté.Cite error: Invalid <ref> tag; refs with no name must have content Cette transformation correspond en fait au transfert du thème de la frontière du [ 66 ]droit privé (limites entre propriétés privées) au droit public. En effet, on voit apparaître par exemple dans le Saint-Empire des traités juridiques sur la frontière comme thème du droit public et du droit des gens. La reconnaissance d’une frontière stable entre les peuples et états devient «un signe de l’histoire moderne politique, au niveau de l’histoire réelle ainsi qu’au niveau des idées».[18] La frontière devient le lieu de convergence entre deux sujets du droit public, ce qui est devenu possible parce qu’il y a un ius pablicum Europaeum, une communauté de droit supérieure aux états. L’État est représenté dans l’image ancienne du corps dont la peau est la frontière - une image d’ailleurs encore présente chez Ratzel dans la définition de la frontière comme «organe périphérique de l’État»[19] qui est l’objet d’un «surinvestissement» étatique. Dans certains traités de l’époque moderne, l’État est conçu comme un Faustkâmp fer, un «pugiliste» qui doit avoir une peau lisse et brillante.[20]

Or ce corps-État à la peau lisse n’est qu’une fiction politico-juridique aux paradoxes évidents. S’il doit avoir une peau intacte pour se défendre, celle-ci doit être en même temps perméable, si cet État veut s’agrandir et s’accroître. Prenons l’exemple de la montagne. La notion de «frontière naturelle» au sens large est bien une notion ancienne et devient à l’époque moderne un «phénomène d’opinion».[21] Même les plus hautes montagnes, si elles restent jusqu’au 18e siècle pour un regard extérieur un espace sauvage,[22] possèdent cette double qualité de barrière naturelle et passages à contrôler. On l’a dit pour la frontière franco-espagnole dans les Pyrénées: là où les géographes du roi au 17e siècle n’ont vu que des barrières naturelles, ses militaires, eux, ont aperçu des cols et passages possibles.[23] Et ils n’ont rien inventé dans la matière: une description des Alpes qui séparent la France et les états cisal¬ pins donne au 16e siècle déjà l’image d’une frontière-membrane trouée de passages «es Ytalies».[24] Leur vulnérabilité et perméabilité fait que les frontières sont des zones de surinvestissement étatique. La puissance publique y est confrontée à des exigences contradictoires. Un exemple significatif, étudié récemment, est le conflit dans la Valteline pendant la guerre de Trente Ans où l’Espagne doit maintenir les passages ouverts pour acheminer des troupes vers les Pays-Bas et faire en même temps barrage au protestantisme.[25]

En adoptant cette approche, on s’intéresse en principe à la frontière comme un élément extérieur du phénomène étudié en réalité. La frontière est conçue comme un filtre des flux d’hommes et de marchandises qui passent à travers les postes de douanes et de contrôle. Les cols des Alpes tout comme [ 67 ]des passages fluviaux ou les détroits dans les mers sont sans doute des points d’observation privilégiés. Les Alpes n’en sont qu’un champ de recherche possible. La même approche peut s’appliquer en principe partout où un pouvoir de contrôle exercé a laissé des traces: aux contrôles des étrangers dans les villes modernes, aux mesures d’isolement pendant des épidémies, etc. Les postes de contrôle produisent des sources qui nous permettent de saisir partiellement la mobilité très diversifiée à l’époque moderne.[26] Ainsi on tire profit d’une fonction essentielle de la frontière politico-étatique - une frontière-membrane qui produit des sources. Cette production même donne un indice du pouvoir réel de l’État moderne en question et de son efficacité relative.

3. La réflexion sur la frontière débute souvent par une question: Les frontières, sont-elles des barrières ou des lignes de convergence? La question n’est pas purement rhétorique: elle permet de dégager certaines précisions nécessaires. En effet, cette question est toujours posée de l’extérieur, d’une perspective distanciée de l’espace considéré qui ôte à celui-ci toute épaisseur et en fait une réalité abstraite. Or la frontière fonctionne de manière dialectique: elle sépare et lie en même temps des espaces et groupes humains de part et d’autre d’une ligne (ou plusieurs) de démarcation.[27] Comment s’y prendre si l’on veut savoir comment la frontière s’intégre dans les pratiques des populations locales? On peut prendre appui chez des auteurs de l’époque. Dans le Weltbuoch de Sébastian Franck (1534), la frontière est conçue comme un seuil - «ein Geschwell».[28] Elle est le seuil d’une porte qui sépare et lie à la fois l’espace et les hommes de part et d’autre de la frontière. L’idée inhérente à la définition de Ratzel de la zone frontalière comme la réalité de la frontière, c’est que les relations transfrontalières produisent par leur intensité un réseau relationnel spécifique.

Cette vue relationnelle d’un espace frontalier de voisinage n’exclut point que ce «seuil» ne soit clairement et linéairement défini: non pas par une seule frontière territoriale définie par un souverain ou des seigneurs, mais par une pluralité de limites, si l’on pense aux définitions précises des finages et terroirs des villages et villes, des limites d’une juridiction, etc. Aucune incertitude ou zone floue ici, les populations locales savaient parfaitement où passaient les limites d’une seigneurie, d’une ville ou d’une paroisse, la ligne de démarcation entre deux confessions, etc.: elles avaient «la frontière dans la tête», une sorte de carte mentale qui influençait leurs pratiques au quotidien.[29] Or ce ne fut point une situation idyllique d’un voisinage local [ 68 ]en dehors des enjeux étatiques, bien au contraire. L’État moderne a pu et su se greffer sur les limites préexistantes pour définir ses frontières qui ont été créées ou façonnées aussi par l’intervention des populations sur place. Dans l’Europe de la première modernité, le conflit confessionnel ainsi que les rivalités entre États ont contribué à surdéterminer les limites existantes dans un voisinage conflictuel et à charger cette conflictualité d’un sens nouveau - confessionnel ou national.[30] La frontière, disait Georg Simmel, n’est pas un fait spatial mais un fait social qui trouve son expression dans l’espace.[31] Elle est une création humaine et le reste même si les hommes ne s’en rendent plus compte.[32] Une autre approche possible du phénomène de la frontière s’intéresse donc aux usages de la frontière et aux pratiques liées à son existence, à l’intérieur d’un espace transfrontalier.

4. Prenons un exemple, celui du conflit confessionnel dans l’espace allemand et helvétique. La politique de durcissement, de définition claire de la carte confessionnelle provoque et finit par admettre des pratiques pour contourner la contrainte. Il y a dans des régions pluriconfessionnelles une sorte de «petit commerce frontalier» au quotidien pour rester fidèle à ses convictions ou traditions religieuses. Ainsi les domestiques catholiques des bourgeois de Bâle quittent le dimanche matin la ville, avec un certificat de leurs patrons, pour entendre la messe ailleurs. Ou, plus rusé encore, on les fait agir par procuration: des bourgeois protestants de Bâle les chargent, si nécessaire, d’un pèlerinage qu’ils ne peuvent plus effectuer eux-mêmes. La situation se brouille encore plus en période de guerre. Pendant la guerre de Trente Ans, les réformés de Colmar, persécutés par les luthériens revenus au pouvoir avec l’occupation suédoise, se voient offrir par le commandant de Brisach, officier du roi très chrétien, mais réformé, la possibilité de suivre le culte dans le fort.[33] Mais ces ruses de la frontière, si elles paraissent comme des pratiques astucieuses pour contourner une contrainte extérieure, présupposent en fin de compte d’accepter la légitimité de la frontière qui est incorporée dans ces pratiques. La frontière est certes une ressource exploitée pour persister dans sa foi ancienne, mais non pas en dehors des pouvoirs sur place, bien au contraire.

L’exercice de la puissance publique sur un territoire déterminé, loin d’être celui d’un pouvoir absolu, nécessite en effet l’intervention et la coopération d’autres acteurs. Ceci est bien visible aussi sur le plan des flux commerciaux et des communications où la puissance publique doit assumer la double tâche d’assurer la fluidité des échanges, de garantir l’ouverture des passages [ 69 ]et en même temps d’en maintenir le contrôle. Les formes concrètes dépendent largement du contexte et de l’importance stratégique et autre. On peut citer pour exemple deux situations presque opposées. Le contrôle d’un espace frontalier assez périphérique et pauvre en ressources naturelles et des routes de transport peut procurer une ressource de substitution à des groupes de familles. C’est le cas par exemple des lignages à la périphérie de l’État génois qui contrôlent au 17e siècle les échanges avec Milan et la plaine du Pò; c’est un pouvoir qui tient pendant longtemps tête à la puissance publique génoise.Cite error: Invalid <ref> tag; refs with no name must have content En revanche, les grands passages des Alpes font intervenir des acteurs privés qui ne sont souvent pas présents à la frontière même - ce qui demande un autre changement d’échelle dans l’observation de l’historien. En témoignent les formes différentes de l’organisation du transport à travers le Saint-Gotthard, contrôlé en grande partie par des rouleurs (condottieri) - en fait des marchands italiens ou flamands - qui s’en assurent le monopole auprès des puissances publiques,[34] au détriment des voituriers et muletiers (Säumer) locaux.[35] Dans ce contexte interviennent des rivalités et des intérêts politiques et commerciaux qui sont largement extérieurs à l’espace frontalier proprement dit. Si l’intervention de l’État demeure un point de repère central, il n’exerce le contrôle qu’à travers des négociations, pour utiliser un terme à la mode, avec des groupes locaux ou lointains.

L’ambiguïté de l’exploitation d’une position frontalière comme ressource devient évident dans les formes de lutte économique violente, de la Raubökonomie,Cite error: Invalid <ref> tag; refs with no name must have content ainsi que la transgression organisée des interdits: le vol et le chantage, la course et la piraterie, la contrebande et la contrefaçon. Ces activités «illégales» présupposent l’existence d’une interdiction qui vient d’ailleurs, d’une puissance publique. La frontière devient la ressource même à exploiter. Classées facilement parmi les ruses de la frontière, ces pratiques font en même temps partie de l’arsenal étatique de la (petite) guerre et de la guerre commerciale.[36] Ce sont des armes puissantes d’un État pour nuire à la position de rivaux, miner un monopole et, inversement, pour offrir par exemple aux marchands sous son pavillon une «rente de protection» par rapport aux autres, victimes de la violence hors la loi ou de la contrebande.Cite error: Invalid <ref> tag; refs with no name must have content L’idée de Ratzel que le surinvestissement étatique dans les zones frontalières crée, par la politique de franchises envers une population frontalière, une culture spécifique de la frontière, trouve ici sa part de vérité. Mais il faut la dépouiller de son côté romantisant: ces outlaws sont souvent en compli[ 70 ]cité avec une ou plusieurs puissances;[37] la répression sévère et le regard complaisant sur la contrebande ne sont que les deux faces de la médaille. Même l’image d’une confrontation sans merci, d’une frontière absolue et étanche comme celle avec l’«infidèle» ne sert souvent que d’écran pour un commerce intense, assuré il est vrai par des «gens de la frontière» agissant en complicité avec un État. On a vu que les limites multiples dans un voisinage ancien et familier peuvent se transformer et se charger d’un sens nouveau qui contribue à transformer les limites en frontières nationales. Mais on peut trouver aussi le cas inverse où une frontière apparemment absolue est démultipliée en pratique dans des formes assez souples de cohabitation hostile.

5. L’analyse des usages et des pratiques sociales de la frontière devrait immuniser contre une lecture simpliste. Elle invite à varier l’échelle et à rester attentif aux intérêts et forces divergents qui interviennent dans la création et le façonnement de la frontière conçue comme un champ d’action. Dans la tradition européenne, la territorialité est conçue comme une constante anthropologique. La frontière étatique renvoie à une genèse dont l’origine pour le droit naturel serait, selon John Locke, la délimitation de la propriété privée. Si la frontière ne désigne pas comme chez Frederick J. Turner clairement un clivage entre civilisation et vie primitive, la description des formes de territorialité (en géographie et dans les sciences naturelles) garde souvent un schéma évolutionniste qui rapproche niveau culturel et territorialité.[38] Ici, les avertissements des anthropologues qui ont travaillé sur les sociétés nomades sont salutaires. Ils insistent sur le fait que l’homme n’est pas nécessairement un «animal territorial» et essayent de donner une définition plus ouverte de la territorialité comme action temporaire visant le contrôle de ressources, un contrôle spatial ou social de l’accès exclusif.[39] Or si l’effort de récuser l’idée que la territorialité est une constante anthropologique est utile, force est de constater que dans le contexte de l’Europe moderne, l’emprise et le contrôle d’un territoire ainsi que la maîtrise de l’accès aux ressources constituent des enjeux majeurs. Dans le même ordre d’idées, la vision des frontières comme un système interrelationnel et un réseau organisateur continuellement recréé qui donnerait à la frontière sa «porosité» ne saurait faire oublier qu’on se retrouve toujours dans un contexte de l’exercice du pouvoir, dans un monde de contraintes. On n’échappe pas aux phénomènes de pouvoir et de domination inhérents à ces sociétés. La contrainte et le souci de contrôle sont implicitement présents - sous forme de «membrane» ou «filtre» - dans la notion de «perméabilité» de la [ 71 ]frontière, ce qui ne détermine en rien qui sont concrètement les acteurs qui exercent ce pouvoir coercitif.

Dans le même ordre d’idées, le succès récent de l’approche de la frontière proposée par Georg Simmel s’explique par son refus d’«ontologiser» la catégorie de l’espace. Or les tendances actuelles dans les sciences humaines de lutter contre les bêtes noires de la téléologie, du fonctionnalisme et du déterminisme[40] ne devraient pas faire oublier qu’on rencontre en Europe des formes très anciennes de territorialité et des segmentations d’une pluralité de pouvoirs. On n’échappe pas à l’État. Pour sauver l’horizon historique ouvert d’une histoire sociale de la frontière, la distinction établie par Michel de Certeau entre stratégie sociale et tactique du «faire avec»[41] semble essentielle pour éviter le piège du romantisme et de l’éloge de la ruse, et pour analyser la frontière sous le double aspect de création humaine et de contrainte subie.

L’attention prêtée aux frontières par les sciences humaines est somme toute un fait assez banal: ces disciplines se ressourcent en fin de compte en regardant la réalité humaine autour d’elles. L’affaiblissement apparent des frontières étatiques en Europe occidentale semble s’accompagner d’un sentiment de perte, d’une perte de repères. On se rend compte de la valeur des frontières pour se définir par rapport aux autres, et on (re)valorise d’autres frontières communautaires ou culturelles.[42] Que le souci de frontière traduit ainsi le besoin de construire l’image de l’autre pour donner du sens à son existence et de se conférer une identité n’est pas une idée nouvelle. Frederick J. Turner a voulu faire de Topen frontier la clé de l’identité américaine. Ainsi il a transformé et hissé en concept théorique un mythe fondateur largement répandu qu’on trouve dans la littérature américaine depuis le 17e siècle.[43] Plus récemment, on a soutenu que la création de frontières identitaires serait consubstantielle du projet (inachevé) de la modernité.[44]

Le thème du colloque, «Mobilité et frontières», évoque implicitement l’idée que la frontière ne devient un objet intéressant que dans le contexte d’une mobilité qui fait qu’on se trouve à un moment ou l’autre ailleurs - et cela même si l’on reste dans une «micro-région» -, en un lieu où une identité temporaire est attribuée par d’autres.[45] L’analyse historique des phénomènes de frontière contribue ainsi à la réflexion sur une porosité sociétale potentielle: accepter l’étranger comme un «hôte qui reste», souffrir les tensions d’un voisinage conflictuel et d’une assimilation incomplète qui donne du piment à la vie commune. [ 72 ]

Notes

1 Edward T. Hall, «Foreword», in: Deborah Pellow (ed.). Setting Boundaries. The Anthropology of Spatial and Social Organization. Westport-London 1996, p. vii.

2 Lucien Febvre, «Frontière: le mot et la notion», in: id.. Pour une histoire à part entière , Paris 1962, pp. 11-24. Article «Grenze», in: Jacob et Wilhelm Grimm, Deutsches Wörterbuch. vol. 9, Leipzig 1935, col. 124-128. Hans-Werner Nicklis, «Von der <Grenitze> zur Grenze. Die Grenzidee des lateinischen Mittelalters (6.-15. Jhdt.)», in: Blätter für deutsche Landesgeschichte 128, 1992, pp. 1-29: Hans Medick, «Grenzziehungen und die Herstellung des politisch-sozialen Raumes. Zur Begriffsgeschichte und politischen Sozialgeschichte der Grenzen in der frühen Neuzeit», in: Bernd Weisbrod (éd.), Grenzland. Beiträge zur deutsch-deutschen Grenze. Hannover 1993, pp. 195-207.

3 Antoine de Furetière, Dictionnaire universel. La Haye 1690, t. II, N 2.

4 D’autres approches dans un contexte urbain: Ruth E. Mohrmann, «Raumerfahrung und Raumaneignung in frühneuzeitlichen Städten aus ethnologischer Sicht», in: Andreas Kunz (éd.). Lokale und biographische Erfahrungen. Studien zur Volkskunde «Gast am Gabelmann». Münster 1995, pp. 25-32: Robert Scribner, «Symbolising Boundaries: Defining Social Space in the Daily Life of Early Modern Germany», in: Symbole des Alltags-Alltag der Symbole. Festschrift für Harry Kühnei zum 65. Geburtstag. Graz 1992, pp. 821-841.

5 J. V. Minghi, «Grenzen in der politischen Geographie» (1963), in: J. Matznetter, Politische Geographie. Darmstadt 1977, pp. 338-397. Malcolm Anderson, Frontiers: territory and state formation in the modern world. Cambridge 1996.

6 J. Ancel, Géographie des frontières. Paris 1938. J. R. V. Prescott, The Geography of Frontiers and Boundaries. New York 1965: id.. Boundaries and Frontiers. London 1978. Paul Guichonnet, Claude Raffestin, Géographie des frontières. Paris 1974. Carlo Ossola, Claude Raffestin, Mario Ricciardi (éd.). La frontiera da Stato a Nazione. II caso Piemonte. Roma 1987. Michel Foucher, L’invention des frontières. Paris 1986: id.. Fronts et Frontieres: un tour du monde géopolitique. Paris 1988. Frank Ebeling, «Die Grenze in der Betrachtung der Geopolitik in Deutschland», in: Markus Bauer,Thomas Rahm ( éd. ), Die Grenze. Begriff und Inszenierung. Berlin 1997, pp. 73-81.

7 Daniel Nordman, Frontière. Etat et territoire. La construction de l’espace français (XVIe-début du XIXe siècle). Paris 1998. Lucien Febvre, Albert Demangeon, Le Rhin. Problèmes d’histoire et d’économie. 2e éd., Paris 1935 (réimpr. Paris 1997).

8 Penser l’Europe à ses frontières (Géophilosophie de l’Europe), Paris 1993, p. 49.

9 Lucien Febvre, «Frontière», art. cit.

10 Pierre Toubert, «Frontière et frontières: un objet historique», in: Frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen Age. Actes du colloque d’Erice, Trapani (Italie), tenu du 18 au 25 septembre 1988, recueillis et présentés par Jean-Michel Poisson. Roma 1992, pp. 9-17, ici p. 16.

11 Hans Medick, «Zur politischen Sozialgeschichte der Grenzen in der Neuzeit Europas», in: Sowi 20/3, 1991, pp. 157-163: id., «Grenzziehungen», art. cit.

12 Pour l’Andalousie médiévale, cf. Frontière et peuplement, op. cit.

13 Friedrich Ratzel, Politische Geographie (1897), München 1923 (éd. revue et remaniée; posthume), pp. 384-446.

14 Peter Sahlins, Boundaries. The Making of France and Spain in the Pyrenees. Berkeley 1989. Hans-Werner Nicklis, «Von der <Grenitze> zur Grenze», art. cit.

15 Michael J. Casimir, Rao Aparna (éd.).Mobility and territoriality: social and spatial boundaries among foragers, fishers, pastoralists and peripatetics. New York 1992.

16 Patrick Gautier Dalché, «De la liste à la carte: limite et frontière dans la géographie et la cartographie de l’occident médiéval», in: Frontière et peuplement, op. cit., pp. 19-31, ici p. 29: «[...] en dernière analyse, la notion abstraite de frontière linéaire est une conquête [ 73 ]des géographes de l’Antiquité, que le Moyen Âge s’est appliqué à préciser, mais que les cartographes n’ont pas toujours songé à représenter.»

17 Voir Claudius Sieber-Lehmann, «<Regna colore rubeo circumscripta). Überlegungen zur Geschichte weltlicher Herrschaftsgrenzen im Mittelalter», in: Guy P. Marchai (dir.). Frontières et conceptions de l’espace, Zurich 1996, pp. 79-91; Hans Joachim Schmidt, «Grenzen in der mittelalterlichen Kirche. Ekklesiologische und juristische Konzepte», in: Guy P. Marchai (dir.). Frontières et conceptions, op. cit., pp. 137-162.

18 Dieter Willamowitz, Rechtsgrundlagen der Territorialgewalt. Landesobrigkeit, Herrschaftsrechte und Territorium in der Rechtswissenschaft der Neuzeit, Wien 1975, pp. 17-63, 121-172. Michael Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland, vol. 1: Reichspublizistik und Policeywissenschaft 1600-1800, München 1988, pp. 146-186.

19 Mario Scattola, «Die Grenze der Neuzeit. Ihr Begriff in der juristischen und politischen Literatur der Antike und Frühmoderne», in: Markus Bauer,Thomas Rahn (éd.). Die Grenze, op. cit., pp. 7-72: «Diese Anerkennung ist aber das eigentümliche Kennzeichen der neuzeitlichen politischen Geschichte sowohl in real- wie auch in ideengeschichtlicher Hinsicht» (p. 45).

20 Friedrich Ratzel, Politische Geographie, op. cit., pp. 428-446.

21 Nicolas Rigault, «Ludovico regi Christianissimo», in: id. (éd.), Autor es finium regundorum. Nicolai Rigalti observationes et notae Item glossae agrimensoriae, Lutetiae 1614, fol. aijre. Sur la métaphore du corps politique voir Gerhard Frühsorge, Der politische Körper, Stuttgart 1974, pp. 59-74.

22 Daniel Nordman, «Des limites d’Etat aux frontières nationales», in: Pierre Nora (dir.). Les lieux de mémoire, t. II, 2: La Nation, Paris 1986, pp. 35-61, ici p. 39.

23 Jacek Wozniakowski, Die Wildnis. Zur Deutungsgeschichte des Berges in der europäischen Neuzeit, Frankfurt a. M. 1987 (orig. Warszawa 1974).

24 Peter Sahlins, Boundaries, op. cit., p. 42.

25 Jacques Signot, La totale et vraye description de tous les passaiges ... par lesquelz on peut passer et entrer des Gaules es Ytalies .... Paris 1515; cf. Patrick Gautier Dalché, «Limite, frontière et organisation de l’espace», art. cit., pp. 113-114 et notes.

26 Andreas Wendland, Der Nutzen der Pässe und die Gefährdung der Seelen. Spanien, Mailand und der Kampf ums Veltlin (1620-1641), Zürich 1995.

27 Pour les cordons sanitaires de l’époque moderne voir Carlo Cipolla, Contro un nemico invisibile. Epidemie et strutture sanitarie nell’Italia del rinasciomento, Bologna 1985. Un exemple d’une utilisation des sources émanant du contrôle sanitaire dans l’espace westphalien: Wolfgang Kaiser et al., «Unterwegs auf lippischen Strassen am Ende des 17. Jahrhunderts», in: Wilfried Reininghaus (éd.). Wanderhandel in Europa, Dortmund 1993,tpp. 157-172.

28 Jean-François Bergier, «Obstacles ou lignes de convergence», in: id. (éd.). Montagnes, fleuves, forêts dans l’histoire. Barrières ou lignes de convergence? / Berge, Flüsse, Wälder in der Geschichte: Hindernisse oder Begegnungsräume?, Travaux présentés au XVIe Congrès international des sciences historiques. Stuttgart, août 1985. St. Katharinen 1989, pp. 1-5.

29 Sebastian Franck, Weltbuoch, Tübingen 1534, fol. xxijre, xxiiivo.

30 Wolfgang Kaiser, « Vicini stranieri. L’uso dei confini nell’area di Basilea (secolo XVI-XVII)», in: Quaderni storici 30/3, 1995, pp. 601-630.

31 Claudius Sieber-Lehmann, Spätmittelalterlicher Nationalismus. Die Burgunderkriege am Oberrhein und in der Eidgenossenschaft, Göttingen 1995.

32 Georg Simmel, Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung ( 1908), cité d’après: Gesamtausgabe, vol. 11, éd. Oskar Rammstedt, Frankfurt a. M. 1992.

33 Guy P. Marchai, «Grenzerfahrung und Raumvorstellungen», in: id. (dir.). Frontières et conceptions de l’espace, op. cit., p. 11.

34 Augustin Güntzer, «Lebensbeschreibung», Universitätsbibliothek Basel, Handschriften[ 74 ]abteilung, Ms H IV 165 fol. 136re-225vo. Publication partielle, avec des erreurs: Augustin Güntzers merkwürdige Lebensgeschichte: ein Kulturbild aus dem Jahrhundert des 30jährigen Krieges. Erzählt von ihm selbst (Barmer Bücherschatz 3-4), Barmen 1896. Kaspar von Greyerz, «Religion in the Life of German and Swiss Autobiographers (sixteenth and early seventeenth centuries)», in: id. (éd.), Religion and Society in Early modern Europe 1500-1800. London 1984, pp. 223-241. Dominik Sieber, «<Mihr waren 2 gudte Reß brie- der ... Mein gesel ist zwar der babistischen Religion>: die Autobiographie des calvini- stischen Kannengiessers Augustin Güntzer (1596-1657?)», Lizentiatsarbeit (Ms.), Universität Basel 1994.

35 Osvaldo Raggio, Faide et parentele. Lo stato genovese visto dalle Fontanabuona, Torino 1990.

36 Fritz Glauser, «Der Gotthardtransit von 1500 bis 1660. Seine Stellung im Alpentransit», in: Histoire des Alpes. Perspectives Nouvelles / Geschichte der Alpen in neuer Sicht, pubi, sous la dir. de Jean-François Bergier pour la Journee nationale des historiens suisses, Schweizer Historikertag, 19 mai 1979. Basel 1979 (Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 1979/1), pp. 16-52. Uta Lindgren (éd.). Alpenübergänge vor 1850. Landkarten. Strassen. Verkehr. Stuttgart 1987.

37 Pio Caroni, «Zur Bedeutung des Warentransports für die Bevölkerung der Passgebiete», in: Histoire des Alpes, op. cit., pp. 84-100.

38 Werner Sombart, Der moderne Kapitalismus, vol. 1.2, 3e éd., München, 1919, 5e partie, chap. 44-45.

39 Esquisse d’un projet qui ne s’est pas réalisé: Paolo Preto, «Il contrabbando e la frontiera: un progetto di ricerca», in: Carlo Ossola et al. (éd.). La frontiera da stato a nazione, op. cit., pp. 311-327.

40 Cf. pour les échanges avec la «Barbarie» Wolfgang Kaiser, «Kaufleute, Makler und Korsaren. Karrieren zwischen Marseille und Nordafrika im 16. und 17. Jahrhundert», in Ursula Fuhrich-Gruber, Angelus H. Johansen (éd.), Schlaglichter: Preussen - Westeuropa. Festschrift für Ilja Mieck zum 65. Geburtstag. Berlin 1997, pp. 11-31.

41 Pour les Uskoks dans les zones de contacts avec les Ottomans aux Balkans: Andreas Rieger, Die Seeaktivitäten der muslimischen Beutefahrer als Bestandteil der staatlichen Flotte während der osmanischen Expansion im Mittelmeer im 15. und 16. Jahrhundert. Berlin 1994, pp. 178-185. Voir plus généralement Janice E. Thompson, Mercenaries. Pirates and Sovereigns. State-Building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe. Princeton 1994.

42 Frederick Jackson Turner, The Frontier in American History. New York 1920. Robert David Sack, Human Territoriality. Its theory and history. Cambridge 1986.

43 Michael Casimir, «Introduction», in: Michael J. Casimir, Rao Aparna (éd.). Mobility and territoriality, op. cit., p. 20.

44 Janice E.Thompson, Mercenaries. op. cit., p. 4: «[...] explaining that system’s unique features in nonteleological, nonfunctionalist, nondeterministic terms [...].»

45 Michel de Certeau, L’invention du quotidien 1. Arts de faire. Paris 1990, Introduction et chap. 3.

46 Peter Weichhart, Raumbezogene Identität. Bausteine zu einer Theorie räumlich-sozialer Kognition und Identifikation. Stuttgart 1990: Ina-Maria Greverus, Der territoriale Mensch: ein literaturanthropologischer Versuch zum Heimatphänomen. Frankfurt a. M. 1972: Richard Faber, Barbara Naumann (éd.). Literatur der Grenze - Theorie der Grenze. Würzburg 1995.

47 Frederick J. Turner, The Frontier, op. cit. Richard Slotkin, Regeneration through violence: the mythology of the American frontier, 1600-1860. New York 1996: id.. The fatal environment: the myth of the frontier in the age of industrialization, 1800-1890, New York 1994.

48 Peter Wagner, Soziologie der Moderne: Freiheit und Disziplin, Frankfurt a. M. 1995.

49 Voir par exemple Zygmunt Baumann, Modernity and Ambivalence, Oxford 1991.

  1. 1 Edward T. Hall, «Foreword», in: Deborah Pellow (ed.). Setting Boundaries. The Anthropology of Spatial and Social Organization. Westport-London 1996, p. vii.
  2. 2 Lucien Febvre, «Frontière: le mot et la notion», in: id.. Pour une histoire à part entière , Paris 1962, pp. 11-24. Article «Grenze», in: Jacob et Wilhelm Grimm, Deutsches Wörterbuch. vol. 9, Leipzig 1935, col. 124-128. Hans-Werner Nicklis, «Von der <Grenitze> zur Grenze. Die Grenzidee des lateinischen Mittelalters (6.-15. Jhdt.)», in: Blätter für deutsche Landesgeschichte 128, 1992, pp. 1-29: Hans Medick, «Grenzziehungen und die Herstellung des politisch-sozialen Raumes. Zur Begriffsgeschichte und politischen Sozialgeschichte der Grenzen in der frühen Neuzeit», in: Bernd Weisbrod (éd.), Grenzland. Beiträge zur deutsch-deutschen Grenze. Hannover 1993, pp. 195-207.
  3. 3 Antoine de Furetière, Dictionnaire universel. La Haye 1690, t. II, N 2.
  4. 4 D’autres approches dans un contexte urbain: Ruth E. Mohrmann, «Raumerfahrung und Raumaneignung in frühneuzeitlichen Städten aus ethnologischer Sicht», in: Andreas Kunz (éd.). Lokale und biographische Erfahrungen. Studien zur Volkskunde «Gast am Gabelmann». Münster 1995, pp. 25-32: Robert Scribner, «Symbolising Boundaries: Defining Social Space in the Daily Life of Early Modern Germany», in: Symbole des Alltags-Alltag der Symbole. Festschrift für Harry Kühnei zum 65. Geburtstag. Graz 1992, pp. 821-841.
  5. 5 J. V. Minghi, «Grenzen in der politischen Geographie» (1963), in: J. Matznetter, Politische Geographie. Darmstadt 1977, pp. 338-397. Malcolm Anderson, Frontiers: territory and state formation in the modern world. Cambridge 1996.
  6. 6 J. Ancel, Géographie des frontières. Paris 1938. J. R. V. Prescott, The Geography of Frontiers and Boundaries. New York 1965: id.. Boundaries and Frontiers. London 1978. Paul Guichonnet, Claude Raffestin, Géographie des frontières. Paris 1974. Carlo Ossola, Claude Raffestin, Mario Ricciardi (éd.). La frontiera da Stato a Nazione. II caso Piemonte. Roma 1987. Michel Foucher, L’invention des frontières. Paris 1986: id.. Fronts et Frontieres: un tour du monde géopolitique. Paris 1988. Frank Ebeling, «Die Grenze in der Betrachtung der Geopolitik in Deutschland», in: Markus Bauer,Thomas Rahm ( éd. ), Die Grenze. Begriff und Inszenierung. Berlin 1997, pp. 73-81.
  7. 7 Daniel Nordman, Frontière. Etat et territoire. La construction de l’espace français (XVIe-début du XIXe siècle). Paris 1998. Lucien Febvre, Albert Demangeon, Le Rhin. Problèmes d’histoire et d’économie. 2e éd., Paris 1935 (réimpr. Paris 1997).
  8. 8 Penser l’Europe à ses frontières (Géophilosophie de l’Europe), Paris 1993, p. 49.
  9. 9 Lucien Febvre, «Frontière», art. cit.
  10. 10 Pierre Toubert, «Frontière et frontières: un objet historique», in: Frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen Age. Actes du colloque d’Erice, Trapani (Italie), tenu du 18 au 25 septembre 1988, recueillis et présentés par Jean-Michel Poisson. Roma 1992, pp. 9-17, ici p. 16.
  11. 11 Hans Medick, «Zur politischen Sozialgeschichte der Grenzen in der Neuzeit Europas», in: Sowi 20/3, 1991, pp. 157-163: id., «Grenzziehungen», art. cit.
  12. 12 Pour l’Andalousie médiévale, cf. Frontière et peuplement, op. cit.
  13. 13 Friedrich Ratzel, Politische Geographie (1897), München 1923 (éd. revue et remaniée; posthume), pp. 384-446.
  14. 14 Peter Sahlins, Boundaries. The Making of France and Spain in the Pyrenees. Berkeley 1989. Hans-Werner Nicklis, «Von der <Grenitze> zur Grenze», art. cit.
  15. 15 Michael J. Casimir, Rao Aparna (éd.).Mobility and territoriality: social and spatial boundaries among foragers, fishers, pastoralists and peripatetics. New York 1992.
  16. 16 Patrick Gautier Dalché, «De la liste à la carte: limite et frontière dans la géographie et la cartographie de l’occident médiéval», in: Frontière et peuplement, op. cit., pp. 19-31, ici p. 29: «[...] en dernière analyse, la notion abstraite de frontière linéaire est une conquête
  17. 17 Voir Claudius Sieber-Lehmann, «<Regna colore rubeo circumscripta). Überlegungen zur Geschichte weltlicher Herrschaftsgrenzen im Mittelalter», in: Guy P. Marchai (dir.). Frontières et conceptions de l’espace, Zurich 1996, pp. 79-91; Hans Joachim Schmidt, «Grenzen in der mittelalterlichen Kirche. Ekklesiologische und juristische Konzepte», in: Guy P. Marchai (dir.). Frontières et conceptions, op. cit., pp. 137-162.
  18. 19 Mario Scattola, «Die Grenze der Neuzeit. Ihr Begriff in der juristischen und politischen Literatur der Antike und Frühmoderne», in: Markus Bauer,Thomas Rahn (éd.). Die Grenze, op. cit., pp. 7-72: «Diese Anerkennung ist aber das eigentümliche Kennzeichen der neuzeitlichen politischen Geschichte sowohl in real- wie auch in ideengeschichtlicher Hinsicht» (p. 45).
  19. 20 Friedrich Ratzel, Politische Geographie, op. cit., pp. 428-446.
  20. 21 Nicolas Rigault, «Ludovico regi Christianissimo», in: id. (éd.), Autor es finium regundorum. Nicolai Rigalti observationes et notae Item glossae agrimensoriae, Lutetiae 1614, fol. aijre. Sur la métaphore du corps politique voir Gerhard Frühsorge, Der politische Körper, Stuttgart 1974, pp. 59-74.
  21. 22 Daniel Nordman, «Des limites d’Etat aux frontières nationales», in: Pierre Nora (dir.). Les lieux de mémoire, t. II, 2: La Nation, Paris 1986, pp. 35-61, ici p. 39.
  22. 23 Jacek Wozniakowski, Die Wildnis. Zur Deutungsgeschichte des Berges in der europäischen Neuzeit, Frankfurt a. M. 1987 (orig. Warszawa 1974).
  23. 24 Peter Sahlins, Boundaries, op. cit., p. 42.
  24. 25 Jacques Signot, La totale et vraye description de tous les passaiges ... par lesquelz on peut passer et entrer des Gaules es Ytalies .... Paris 1515; cf. Patrick Gautier Dalché, «Limite, frontière et organisation de l’espace», art. cit., pp. 113-114 et notes.
  25. 26 Andreas Wendland, Der Nutzen der Pässe und die Gefährdung der Seelen. Spanien, Mailand und der Kampf ums Veltlin (1620-1641), Zürich 1995.
  26. 27 Pour les cordons sanitaires de l’époque moderne voir Carlo Cipolla, Contro un nemico invisibile. Epidemie et strutture sanitarie nell’Italia del rinasciomento, Bologna 1985. Un exemple d’une utilisation des sources émanant du contrôle sanitaire dans l’espace westphalien: Wolfgang Kaiser et al., «Unterwegs auf lippischen Strassen am Ende des 17. Jahrhunderts», in: Wilfried Reininghaus (éd.). Wanderhandel in Europa, Dortmund 1993,tpp. 157-172.
  27. 28 Jean-François Bergier, «Obstacles ou lignes de convergence», in: id. (éd.). Montagnes, fleuves, forêts dans l’histoire. Barrières ou lignes de convergence? / Berge, Flüsse, Wälder in der Geschichte: Hindernisse oder Begegnungsräume?, Travaux présentés au XVIe Congrès international des sciences historiques. Stuttgart, août 1985. St. Katharinen 1989, pp. 1-5.
  28. 29 Sebastian Franck, Weltbuoch, Tübingen 1534, fol. xxijre, xxiiivo.
  29. 30 Wolfgang Kaiser, « Vicini stranieri. L’uso dei confini nell’area di Basilea (secolo XVI-XVII)», in: Quaderni storici 30/3, 1995, pp. 601-630.
  30. 31 Claudius Sieber-Lehmann, Spätmittelalterlicher Nationalismus. Die Burgunderkriege am Oberrhein und in der Eidgenossenschaft, Göttingen 1995.
  31. 32 Georg Simmel, Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung ( 1908), cité d’après: Gesamtausgabe, vol. 11, éd. Oskar Rammstedt, Frankfurt a. M. 1992.
  32. 33 Guy P. Marchai, «Grenzerfahrung und Raumvorstellungen», in: id. (dir.). Frontières et conceptions de l’espace, op. cit., p. 11.
  33. 34 Augustin Güntzer, «Lebensbeschreibung», Universitätsbibliothek Basel, Handschriften-
  34. 36 Fritz Glauser, «Der Gotthardtransit von 1500 bis 1660. Seine Stellung im Alpentransit», in: Histoire des Alpes. Perspectives Nouvelles / Geschichte der Alpen in neuer Sicht, pubi, sous la dir. de Jean-François Bergier pour la Journee nationale des historiens suisses, Schweizer Historikertag, 19 mai 1979. Basel 1979 (Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 1979/1), pp. 16-52. Uta Lindgren (éd.). Alpenübergänge vor 1850. Landkarten. Strassen. Verkehr. Stuttgart 1987.
  35. 37 Pio Caroni, «Zur Bedeutung des Warentransports für die Bevölkerung der Passgebiete», in: Histoire des Alpes, op. cit., pp. 84-100.
  36. 39 Esquisse d’un projet qui ne s’est pas réalisé: Paolo Preto, «Il contrabbando e la frontiera: un progetto di ricerca», in: Carlo Ossola et al. (éd.). La frontiera da stato a nazione, op. cit., pp. 311-327.
  37. 41 Pour les Uskoks dans les zones de contacts avec les Ottomans aux Balkans: Andreas Rieger, Die Seeaktivitäten der muslimischen Beutefahrer als Bestandteil der staatlichen Flotte während der osmanischen Expansion im Mittelmeer im 15. und 16. Jahrhundert. Berlin 1994, pp. 178-185. Voir plus généralement Janice E. Thompson, Mercenaries. Pirates and Sovereigns. State-Building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe. Princeton 1994.
  38. 42 Frederick Jackson Turner, The Frontier in American History. New York 1920. Robert David Sack, Human Territoriality. Its theory and history. Cambridge 1986.
  39. 43 Michael Casimir, «Introduction», in: Michael J. Casimir, Rao Aparna (éd.). Mobility and territoriality, op. cit., p. 20.
  40. 44 Janice E.Thompson, Mercenaries. op. cit., p. 4: «[...] explaining that system’s unique features in nonteleological, nonfunctionalist, nondeterministic terms [...].»
  41. 45 Michel de Certeau, L’invention du quotidien 1. Arts de faire. Paris 1990, Introduction et chap. 3.
  42. 46 Peter Weichhart, Raumbezogene Identität. Bausteine zu einer Theorie räumlich-sozialer Kognition und Identifikation. Stuttgart 1990: Ina-Maria Greverus, Der territoriale Mensch: ein literaturanthropologischer Versuch zum Heimatphänomen. Frankfurt a. M. 1972: Richard Faber, Barbara Naumann (éd.). Literatur der Grenze - Theorie der Grenze. Würzburg 1995.
  43. 47 Frederick J. Turner, The Frontier, op. cit. Richard Slotkin, Regeneration through violence: the mythology of the American frontier, 1600-1860. New York 1996: id.. The fatal environment: the myth of the frontier in the age of industrialization, 1800-1890, New York 1994.
  44. 48 Peter Wagner, Soziologie der Moderne: Freiheit und Disziplin, Frankfurt a. M. 1995.
  45. 49 Voir par exemple Zygmunt Baumann, Modernity and Ambivalence, Oxford 1991.