Page:Labi 2009.djvu/44

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jamais question d’un retour.[32] Les «expéditions» de personnes outre-atlantique ont touché un large pan de la population, souvent les personnes en infraction avec les normes de la société d’alors: vagabonds, heimatloses, faillis, infirmes, voire orphelins,[33] et la formule utilisée par une commune glaronaise pour se débarrasser d’un citoyen ne laisse aucun doute sur l’aspect contraignant du départ: «von der Gemeinde nach Nordamerika geliefert». On rappellera, pour mémoire, que dans certains cantons, dont Genève, la pratique de l’expulsion était encore monnaie courante avant la Première Guerre mondiale. Elle concernait quelques centaines de personnes chaque année, aussi bien des étrangers, que des Suisses, renvoyés dans leur pays ou commune d’origine, et quelques dizaines de Genevois qui, selon la formule utilisée alors, étaient «expédiées à l’étranger», généralement vers l’Amérique du Sud.[34] Les raisons de ces expulsions étaient soit d’origine économique, les personnes ne pouvant légitimer leurs moyens d’existence, soit d’origine morale, à savoir un comportement jugé contraire aux bonnes mœurs de l’époque.

D’autres pratiques communales ont également rendu le retour difficile. Dans bon nombre de régions de montagne (Schwyz, Glaris, etc.), la population la plus pauvre souhaitant émigrer recevait l’aide de la commune pour financer son passage. Mais la contrepartie en était la suspension du droit de bourgeoisie pour une période plus ou moins longue - parfois jusqu’à 20 ans. Et parfois aussi, le retour n’était autorisé qu’au prix du remboursement des sommes avancées par la commune.

Contrepartie des départs forcés, il existait aussi des retours forcés résultant de circonstances très variées: criminalité, vagabondage, mais aussi maladie et pauvreté sont des motifs de rapatriement par suite d’accords internationaux. Une spécificité suisse est le rapatriement suite à une analyse de la situation de l’émigré et de sa famille par la Confédération, son canton et sa commune d’origine. Ce type de rapatriement (Heimnahme) qui existe depuis la fin du XIXe siècle était en général précédé d’une prise en charge par la Suisse au lieu d’expatriation. Il était jugé préférable, dans une première démarche, d’assister le migrant et/ou sa famille dans son lieu de résidence plutôt que de le rapatrier en Suisse, pour deux raisons.[35] La première était financière, une prise en charge sur place étant moins coûteuse. La seconde était qu’il était jugé préférable de laisser l’émigré dans son environnement familier, plutôt que de provoquer une acculturation susceptible de diminuer ses chances de retrouver un emploi.[36] Cette politique explique les écarts très importants observés en comparant les effectifs d’assistés dans les pays d’immigration et le nombre de personnes effectivement rapatriées.[37]