Page:Labi 1998.djvu/60

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tasmes que l’on avait activés sur les flux précédents, en particulier sur l’immigré transalpin, l’italien. Notre propos sera de répéter, tout aussi justement, qu’à ce titre nous devons convoquer par priorité historique, et avant les Italiens: les Hommes et les Femmes Sauvages, les hérétiques Vaudois, le Juif Errant ou le Roi Hérode et la Procession des Morts.[1]

Est-ce bien à ce titre que nous devons les convoquer? Et comment éviter de jouer à un jeu des ressemblances et des différences oubliées? Au titre de l’histoire des mémoires et par défiance vis-à-vis des analogies de pensée, auxquelles on se livre à plaisir sur l’imaginaire des autres, voici une défense et illustration d’homologies historiques narratives.

Iltsera donc démontré sur un ensemble de récits de même nature:

(i) Que le canevas narratif - matrice transmise et mémorisée - par lequel il faut passer pour identifier la chute du récit, est L’annonce de la mort du Grand Pan, récit-type connu avant tout dans les Alpes et au nord de celles-ci,[2] même s’il émerge pour la première fois via Plutarque, dans le milieu des marins méditerranéens.[3]

(ii) Que les récits sur les Êtres Sauvages sont le milieu narratif endémique auquel appartient cette matrice.[4]

(iii) Que l’homologie avec les Italiens est bien sûr une intégration historique régionale, de même type que pour les Sarrasins et les Bohémiens ou les bandes armées de Bretons et autres avatars savoyards ou dauphinois.[5]

(iv) Que les Êtres Sauvages permettent de mémoriser l’hérésie, en l’occurrence celle des Vaudois de Pierre Valdo dans les vallées de Dauphiné et Piémont,[6] comme celle des Protestants, voire des Jansénistes.[7]

(v) Qu’ils permettent, plus fondamentalement que la migrance ou les déplacements de populations persécutées et/ou mues par une forme de messianisme, de mémoriser l’errance, en la personne du Juif Errant, dont le cycle est très riche dans les Alpes,8 une errance d’ailleurs plus «éternelle» qu’«eschatologique-tu-meurs-et-tu-ressuscites», puisque la périodicité fixée avant le Jugement Dernier est en l’occurrence de 500 à 1000 ans.

(vi) Enfin que cette errance, en allant toujours plus avant, doit anthropologiquement,9 et historiquement avec l’invention du Purgatoire,10 être comprise comme celle des morts, du retour des morts.[11]

En clair notre but est de rappeler comment, dans la narration de tradition orale, la migrance peut se penser en errance. Dans cette approche, il y a deux voies qu’aujourd’hui nous ne suivrons pas.

La première peut être illustrée par le numéro spécial d’avril 97 du Magazine

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3