Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/280

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venant à propos pour permettre la satisfaction d’un désir auquel on croyait avoir renoncé.

« Je devais un jour faire dans un village une conférence avec projections. La date de cette conférence se trouva subitement reculée d’une huitaine. Après avoir répondu à la lettre m’annonçant ce changement de date, j’inscrivis la nouvelle date sur mon agenda. Je me serais très volontiers rendu dans ce village dès l’après-midi, pour avoir le temps de faire une visite à un écrivain de mes connaissances qui y habitait. Malheureusement, je ne pouvais pas disposer de mon après-midi et je renonçai à ce dernier projet.

Lorsqu’arriva le soir de la conférence, je m’empressai de me rendre à la gare, ayant à la main un sac plein de clichés à projections. Je fus obligé de prendre un taxi pour arriver à temps (il m’arrive souvent, lorsque je dois prendre un train, de sortir de chez moi au dernier moment et d’être obligé de prendre un taxi). Arrivé à destination, je fus tout étonné de ne trouver à la gare personne pour me recevoir (comme cela se fait habituellement dans les petites localités qui invitent des conférenciers). Tout à coup, je me rappelai que ma conférence avait été reculée d’une semaine et que j’avais fait un voyage pour rien, car je pensais toujours à la date primitivement fixée. Après avoir maudit, dans mon for intérieur, mon oubli, je me demandai si je ne ferais pas bien de reprendre le premier train pour rentrer chez moi. Mais aussitôt après je me dis que j’avais là une excellente occasion de voir l’écrivain dont j’ai parlé plus haut. C’est ce que je fis. C’est seulement en cours de route que je constatai que mon désir de faire cette visite (qui autrement aurait été impossible) avait fort bien arrangé le complot. Le fait que je m’étais chargé d’un lourd sac plein de clichés à projections et que je m’étais hâté pour arriver à l’heure à la gare, avaient servi à me dissimuler d’autant mieux à moi-même mon intention inconsciente. »