Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/153

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la Caisse d’épargne postale une somme de 300 couronnes pour l’envoyer à un parent auquel un traitement thermal a été prescrit. Je m’aperçois que mon compte se monte à 4380 couronnes et je me propose de le réduire à la somme ronde de 4000 couronnes, qui ne devra plus être entamée de sitôt. Après avoir établi régulièrement le chèque et indiqué les chiffres qui doivent représenter la somme correspondante, je m’aperçois subitement que ce n’est pas 380 couronnes que je réclame, mais 438, et je suis effrayé de mon erreur. Je me rends cependant compte qu’il n’y a pas de quoi s’effrayer car le fait de retirer 438 couronnes, au lieu de 380, ne me rendra pas plus pauvre. Mais il me faut quelques longs instants pour découvrir l’influence qui, sans se manifester à ma conscience, est venue troubler ma première intention. Je commence par faire fausse route . je fais la soustraction 438-380, mais ne sais que faire de la différence. 438 couronnes représentent cependant les 10% de mon dépôt total, qui est de 4380 couronnes! Or, chez le libraire on a 10% de réduction. Je me rappelle avoir réuni, plusieurs jours auparavant, un certain nombre d’ouvrages de médecine qui ne m’intéressaient plus, pour les offrir au libraire pour le prix total de 300 couronnes. Il trouva ce prix trop élevé et me promit la réponse pour bientôt. S’il accepte ma proposition, je récupérerai la somme que j’aurai dépensée pour le malade. Il est évident que cette dépense me tourmente. L’émotion que j’ai éprouvée, en m’apercevant de mon erreur, se laisse mieux expliquer par la crainte de m’appauvrir, de me ruiner par de telles dépenses. Mais aussi bien le regret d’avoir fait la dépense que la crainte d’appauvrissement qui s’y rattache sont étrangers à ma pensée consciente; je n’ai éprouvé aucun regret en promettant la somme en question, et les raisons qu’on pourrait me citer pour en prouver la réalité me paraîtraient ridicules. Je ne me croirais pas capable de sentiments pareils,