Page:Labi 1998.djvu/65

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[L'appel de la mère-fée] Dans une maison du Villard, les fades descendaient par la cheminée, le soir à la veillée, et elles venaient danser autour de l’âtre. Un soir, l’une d’elles a dit en patois: «Tsaou que me n’ani, que ma maïre me cride.» (Il faut que je m’en aille, car ma mère m’appelle, «me crie»). Elle est repartie par le même chemin. On l’appelait Marioune. Elle s’appelait peut-être Marie? On lui disait Marioune en patois. J’entendais dire ça à l’arrière-grand-mère Millon. (Mme Sidonie Bonnardel, 70 ans. Les Guérins, Sigoyer, Hautes-Alpes, 1961)

[La fée servante à qui l'on apprend que sa sœur est morte] Une fade était restée douze ans dans une maison de Barcillonnette, dite «le Château», dont le propriétaire était Monsieur Augier. Elle ne parlait et mangeait jamais. Elle ne faisait que la vaisselle, le reste du temps, elle s’asseyait sans bouger devant la cheminée, près du feu. Un jour. Monsieur Augier est parti de Barcillonnette pour aller à Veynes, monté sur le bast [grande selle] de sa mule. Quand il eut passé Espréaux et qu’il se trouva dans la Gorge, une fée est venue s’asseoir derrière lui sur le dos de la mule et lui a dit: «Dirès a miouna sourouna Bouroulouna / Que miouna sourouna Bouroulouna es mouorta.» (Tu diras à ma sœur Bouroulouna que ma sœur Bouroulouna est morte). Et allez! Elle saute de sur le dos de la mule et il ne la voit plus. En rentrant chez lui, il le dit à la fée qui répond: «Puisque miouna sourouna Bouroulouna es mouorta, ièou m’en vaou.» (Puisque ma sœur Bourouloune est morte, je m’en vais). Elle passe par la cheminée et on ne l’a plus jamais revue. (Mme Thérèse Garcin, 62 ans. Le Plan de Vitrolles, Vitrolles, Hautes-Alpes, 1960)

Épithersès, le témoin auquel on se réfère d’autorité dans Plutarque, où il s’agit de prouver que les démons comme Pan sont différents des dieux, et qu’ils sont en l’occurrence mortels (on sait que le fait que les Crétois montraient la tombe de Zeus n’était guère apprécié des Grecs), n’entend bien sûr ni Bourouloune, ni Nicole, ni Miton-Mitaine, ni Mistoudine, et autres noms qui courent les Alpes, noms de fées qui n’ont point d’âge tout en étant mortelles pour la narration (on montre aussi leurs tombes). Mais surtout il n’y a pas départ (séparation) de l’être sauvage qui s’était familiarisé au foyer des humains, voire «domestiqué». Juste le transport de l’annonce de la mort, depuis le large de l'île de Paxos jusqu’au large du port de Palodès, avec ce grand bruissement de sanglots mêlés de surprise qui s’élève de la terre. La Méditerrannée n’est plus le lieu de la légende.


AUTRES THÉORIES D'ERRANCE

[Le Juif Errant et ses compagnons ou le Roi Hérode et ses soldats] C’est l’usage au Val d’Arvieux [en Queyras, Hautes-Alpes] que, lorsque le foin est coupé dans la vallée, on aille compléter la récolte insuffisante par la fenaison de plusieurs vallons situés au-dessus de la zone boisée (à une altitude variant de 2000 à 2500 mètres) où

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ABRY ET JOISTEN: DE LA MIGRANCE A L'ERRANCE