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entre la migrance et l’errance, tout spécifiquement par leur chute narrative. L’annonce de la mort du Grand Pan, et leur «incipit». La Procession des Morts, soit une liaison entre les Fées ou les Êtres sauvages et les Morts. Les Italiens migrants, en l’occurrence ces troupes de moissonneurs ou faucheurs saisonniers, bien présents dans la région, vont donc se montrer d’abord pensés dans une théorie ou procession d'Êtres sauvages.


DEUX RÉCITS DE «PASSANTS» SAUVAGES


Les deux documents suivants ont été recueillis, avec la précision de leur confession, protestante, de la bouche de deux témoins différents, dans une vallée qui a connu la persécution des Vaudois. Nous retrouverons ces Vaudois devenus légendaires dans une vallée voisine. Mais pour l’instant les Italiens seront des sauvages et des anachorètes ... Un «mélange culturel» pour le moins dur à saisir, en tous cas pour notre éducation, habitués que nous sommes à rencontrer des objets de mémoire policés, aussi simples que nos animaux de connaissance, donc aussi peu étranges que des canards, des castors, et pas des ornithorynques, a priori soupçonnés d’être un montage d’antiquaire, un bricolage, pour reprendre un terme qui a des sens très différents dans la combinatoire mythique et dans l’évolution biologique.19 Tel un zoologiste ou un botaniste, le folkloriste sera bien le seul à prendre, sans soupçon, ni condescendance, ces objets pour ce qu’ils sont: les produits d’une «histoire naturelle» de l’esprit. Au contraire, il s’émerveillera, en l’occurrence, de la durabilité des indices d’une culture de l’Écriture dans le Protestantisme, à travers ses réinterprétations.

Les sauvages, c’étaient des Italiens qui passaient dans le mois de juillet. Ils se laissaient pousser la barbe et les cheveux, ils étaient tout déguenillés. Un nommé Pavie, des Viollins, était un jour dans les prairies à ramasser du foin aux Deyets, au-dessus des Mensals; il avait que son mulet avec lui. Il est venu à passer cette caravane de sauvages et alors cet homme leur a dit: «Donnez-moi la main pour charger mon mulet.» Les sauvages l’ont aidé, mais ils ne sont presque pas restés. Et une jeune fille qui se trouvait avec eux [entendez: de leur tribu] est restée un moment de plus pour tenir le mulet. Pendant ce temps les autres ont filé et elle s’est mis à dire: «Oh! Qu’est-ce que vous avez fait, maintenant je ne pourrai plus retrouver mes parents.» Ses parents avaient déjà disparu derrière les rochers. Alors ce Pavie lui a dit: «Si vous voulez rester, je vous garde avec moi à la maison.» La jeune fille est restée avec lui quelques années. Elle gardait les moutons jusque tard dans la nuit, tellement que ses moutons étaient les plus jolis du village, à cet homme. Ça lui faisait rien de rester la nuit comme

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3