Page:Labi 1998.djvu/227

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À quatre exceptions près, tous les commerçants ne font que traverser la ville pour se rendre ailleurs: Berne et Neuchâtel sont les destinations les plus fréquemment mentionnées, mais ils vont aussi à Francfort, à Strasbourg et dans d’autres villes suisses, allemandes ou alsaciennes. Certains sont des négociants aisés, d’autres des maquignons, qui côtoient de très nombreux commerçants ambulants spécialisés, souvent venus d’Allemagne.[34] Le tableau 1 (pp. 262-263) recense les commerçants venant de lieux cités plus de trois fois dans les tabelles bâloises de 1799. Plus de la moitié d’entre eux sont originaires du plat pays (113 au moins, soit 54% ). Les négociants neuchâtelois, suivis par ceux de Mulhouse, sont en tête; d’autres, nettement moins nombreux, viennent de villes allemandes (Francfort) ou françaises (Lyon, Genève ou Paris). Les Alsaciens sont très présents. Des Juifs, qui représentent 10 à 20% de la population des villages,[35] ont fait porter dans leur passeport le titre de négociant (Handelsmann), plus honorable que celui de colporteur ou de marchand de bétail. La réglementation suisse contre les colporteurs est rigoureuse et le terme acquiert, de plus en plus, un sens dépréciatif.[36]

Si les montagnards sont moins nombreux que les gens des plaines à passer à Bâle en 1799, ils sont proportionnellement mieux représentés: au moins 40% de l’effectif, pour des régions beaucoup moins peuplées que les plaines alsaciennes ou les grandes villes. Les marchands de fer du Sauerland - ou comté de Mark - dominent. Cette région, sise dans le Massif schisteux rhénan (Rheinisches Schiefergebirge), au sud de la Ruhr, culmine à 841 m. Elle est riche en métaux, mais son climat est pluvieux et ses terres acides et froides.[37] Ces marchands ambulants vendent des faux, des faucilles, des scies ou de la coutellerie. Ils pratiquent le colportage depuis le 17e siècle au moins. La plupart voyagent à pied; ils emballent les faux dans de la toile cirée et les portent sur le dos, tandis que les petits objets, comme les couteaux, trouvent place dans un coffret. Ces marchandises ne viennent pas toujours de leur région d’origine mais peuvent être achetées en cours de route; dans la mesure du possible, les marchands les stockent dans divers abris situés dans les régions où ils les vendent plutôt que de les ramener chez eux à la fin de leur tournée.[38] D’autres montagnards viennent de régions plus élevées. Les négociants et les horlogers du Jura neuchâtelois habitent des villages situés à plus de 900 m. Une douzaine de personnes sont descendues du Jura souabe, qui longe la frontière nord de la Suisse et culmine à 1015 m:[39] ces montagnards sont des Juifs originaires de Hechingen ou des habitants de Gônningen, qui vendent à l’étranger des semences, des oignons de fleurs, des boutures.

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DES MONTAGNARDS SÉDENTAIRES RADEFF: MONTAGNES, PLAT PAYS ET «REMUES D'HOMMES»»