Page:Labi 1998.djvu/178

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lité et qui a fourni de loin, les plus gros bataillons: le Briançonnais. La région du Briançonnais se situe dans la partie orientale du Dauphiné et dans l’actuel département des Hautes-Alpes (voir carte 1). Elle se compose de la haute vallée de la Durance et des vallées affluentes, notamment les vallées de la Clarée, de la Guisanne et de la Vallouise. C’est une région de hautes montagnes puisque sa capitale, Briançon, se trouve à 1300 mètres d’altitude et est dominée par des sommets culminant à 3000 voire 4000 mètres, comme la Barre des Écrins. Le Briançonnais se caractérise aussi par sa position frontalière: il est bordé au nord et à l’est par le royaume de Piémont-Savoie.

Jusqu’au traité d’Utrecht, qui met fin en 1713 à la guerre de Succession d’Espagne, la frontière passe non loin de Suse, sur le versant italien des Alpes, et inclut dans le Dauphiné les vallées «d’outre-monts» de la Doire Ripaire et du Valcluson. Mais en 1713, les négociateurs du traité de paix modifient le tracé de la frontière; celle-ci longe désormais les crêtes partageant les eaux du bassin du Pô et du bassin de la Durance, abandonnant du coup le Briançonnais d’outre-monts au Piémont.

C’est cette particularité - l’existence d’un fort courant migratoire dans une région frontalière - qui a motivé la présente étude. Il ne s’agira pas d’évoquer de manière exhaustive la migration des peigneurs, car ni les impératifs de la publication ni l'état d’avancement de nos recherches ne le permettent. Nous nous contenterons de brosser à gros traits le portrait de cette communauté itinérante, après quoi nous examinerons les influences qu’a pu exercer sur elle la frontière piémontaise avant et après son changement de tracé.


UNE MIGRATION DE MASSE

L’origine de la migration des peigneurs briançonnais n’est pas encore connue. Une historienne du début du siècle,Thérèse Sclafert, estimait qu’elle pouvait remonter au Moyen Âge.[1] Les chercheurs plus récents pensent plutôt qu’elle s’est développée au cours de l’Époque Moderne, lorsque les progrès de la fiscalité royale ont forcé les montagnards à aller chercher dans les bas pays l’argent liquide nécessaire au payement de leurs impôts.[2] Une chose est sûre en tous cas, aux 17e et 18e siècles, cette migration compte parmi les plus importantes des Alpes occidentales. Une enquête ordonnée en 1699 par l’intendant du Dauphiné Bouchu atteste de son ampleur.[3] Toutes les

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