Page:Labi 1998.djvu/154

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entendu être pris en compte. Demeure, au-delà de l’ampleur des départs, le fait fondamental, dans la physionomie de la haute vallée de l’écrasante majorité vaudoise dans les 84 patronymes que l’on peut suivre sur l’ensemble de la longue durée considérée. Leurs notables assurent l’indéracinabilité de la présence vaudoise dans la vallée et constituent le fondement des établissements futurs après l’adhésion à la Réforme.[16]


MIGRATIONS ET IDENTITÉ VAUDOISE

1. L’aboutissement de cette longue histoire des migrations est double: d’une part la définition d’un nouvel espace, d’autre part le refus de l’abandon définititif du berceau initial, en dépit de tant de vicissitudes. L’étude du cas des quatre vallées envisagées ici et de l’espace nouveau que les leurs ont défini et créé dessine l’image d’un monde cohérent, celui des Vaudois romans, qu’on ne saurait regarder comme celui de victimes passives des événements. Entre ceux qui persistèrent à lutter pour «vivre en minorité» à Vallouise et à L’Argentière et ceux qui parvinrent longtemps à maintenir contre vents et marées un enracinement vaudois largement prédominant en Valcluson et total à Freissinières, un point commun: leur égal attachement à leur différence génératrice de solidarités entre vallées, à leur pays surtout, leur propre vallée natale, berceau de lignages étroitement unis par la pratique des intermariages et des cousinages et dont chaque foyer constituait le point focal de la mémoire familiale.[17]

2. Leur histoire ne devait donc pas s’achever avec les sentences d’expulsion de 1489-1490. J’en veux pour preuve la capacité à s’unir en constituant des listes d’appelants et en désignant comme mandataires les plus efficaces d’entre eux, pour la plupart héritiers des lignages dominants du passé, pour obtenir en remuant ciel et terre, le pape et le roi, la remise en cause des jugements portés contre eux, un procès du procès. Ce sont précisément ses actes qui nous permettent de constater la vitalité des communautés exilées. Il devait se terminer en 1509 par la défaite du Parlement de Grenoble, qui perdit son long combat de retardement, et par la réhabilitation des communautés vaudoises. Le Valcluson du 16e siècle devait particulièrement illustrer le nouvel avenir qui s’ouvrait.

3. Il suffit de considérer le témoignage que donnait Georges Morel en 1530 de ces communautés visitées et donc unies par les missionnaires qui les

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3