Page:Labi 1998.djvu/105

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temporairement dans les Alpes pour les nécessités du service impérial[12] et appréciaient parfois modérément leur lieu de résidence provisoire. Ainsi, dans la seconde moitié du 2e siècle ou au début du 3e de notre ère, un gouverneur-poète, Titus Pomponius Victor, procurateur des Augustes de la province des Alpes Graies/Atréctiennes, a-t-il offert à Silvain un beau poème, quelque peu nostalgique. Bien qu’il ait apprécié «d’arpenter sans danger les prairies et les monts alpestres et de fréquenter les hôtes» des bois, il demandait pourtant au dieu de le ramener à Rome avec les siens et faisait le vœu de lui consacrer «un millier de grands arbres».[13] Je n’ai pas non plus tenu compte des aristocrates ou des hommes d’affaires italiens qui, après la conquête, avaient acheté des propriétés, notamment des pâturages et des forêts, dans les Alpes, car ils n’étaient pas résidents et se contentaient d’encaisser les revenus. C’était le cas, par exemple, de P. Quinctius, de son frère, C. Quinctius et de S. Naevius, qui possédaient en commun des terres chez les Voconces, sans doute près de Sisteron.[14]

Je n’ai donc retenu que les hommes et les femmes qui sont venus s’installer «définitivement» dans les Alpes, en espérant y trouver des conditions de vie meilleures, soit dans le cadre d’une immigration institutionnelle, lors de la déduction d’une colonie par l’État romain, soit à titre individuel.


L'IMMIGRATION INSTITUTIONNELLE

À partir de 338 avant J.-C., Rome, qui avait atteint sa limite d’extension en tant qu’État unitaire, a commencé à fonder des colonies latines ou romaines en Italie, puis en Gaule Cisalpine; «défenses avancées de l’Empire»,[15] ces nouvelles cités bénéficiaient d’une certaine autonomie. Comme l’écrivait, au 2e siècle après J.-C., Aulu Gelle,[16] elles «étaient des images en réduction, en quelque sorte des reproductions» de la métropole. Mise à part la tentative avortée d’établir une colonie à Carthage en 123 avant J.-C.,[17] il fallut attendre César pour que Rome mène une réelle politique de fondation de colonies hors d’Italie avant tout pour fournir des terres aux très nombreux vétérans des armées des guerres civiles. Il n’est donc guère étonnant que les très rares déductions de colonies, qui fixaient au cœur des provinces une population spécifiquement romaine, aient été réalisées aux portes des Alpes, à Nyon (canton de Vaud) et à Aoste (val d’Aoste), car les autorités romaines n’osaient toujours guère s’aventurer au cœur du massif.

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RÉMY: L'IMMIGRATION DANS LES ALPES OCCIDENTALES