Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/41

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la circulation et par l’intoxication, une force inconnue m’ôte la faculté de disposer des noms propres déposés dans ma mémoire, et c’est la même force qui, dans d’autres cas, peut produire les mêmes troubles de la mémoire, en dépit d’un état de santé parfait et d’un fonctionnement normal.

Lorsque j’analyse les cas d’oubli de noms que j’ai observés sur moi-même, je constate presque régulièrement que le nom oublié se rapporte à un sujet qui touche ma personne de près et est capable de provoquer en moi des sentiments violents, souvent pénibles. Me conformant à l’usage commode et vraiment recommandable introduit par l’école suisse (Bleuler, Jung, Riklin), je puis exprimer ce que je viens de dire sous la forme suivante : le nom oublié frôle chez moi un « complexe personnel ». Le rapport qui s’établit entre le nom et ma personne est un rapport inattendu, le plus souvent déterminé par une association superficielle (double sens du mot, même consonance); on peut le qualifier, d’une façon générale, de rapport latéral. Pour bien faire comprendre sa nature, je citerai quelques exemples très simples :

a) Un de mes patients me prie de lui indiquer une station thermale sur la Riviera. Je connais une station de ce genre tout près de Gênes, je me rappelle même le nom du collègue allemand qui y exerce, mais je suis incapable de nommer la station que je crois pourtant bien connaître. Il ne me reste qu’à prier le patient d’attendre quelques instants et à aller me renseigner auprès d’une personne de ma famille. – Comment donc s’appelle cet endroit près de Gênes, où le Drͤ N. possède un petit établissement dans lequel toi et telle autre dame avez été si longtemps en traitement ? – « Et dire que c’est toi qui oublies son nom ! Il s’appelle Nervi. » C’est que Nervi sonne comme Nerven (nerfs), et les nerfs constituent l’objet de mes occupations et préoccupations constantes.

b) Un autre de mes patients parle d’une villégiature