Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/272

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mon erreur. Je n’ignorais pas que les Médicis n’avaient rien à voir avec Venise; mais au moment où j’enlevais ce dernier livre du rayon de la bibliothèque, je ne pensais pas du tout qu’un ouvrage sur les Médicis n’avait rien à apprendre à quelqu’un qui s’intéressait à Venise. Or, il fallait être franc; ayant si souvent reproché à mon malade ses propres actes symptomatiques, je ne pouvais sauver mon autorité qu’en usant de sincérité et en lui avouant sans ambages les motifs cachés de mes préventions contre son voyage.

On est étonné de constater que le penchant à la vérité est beaucoup plus fort qu’on n’est porté à le croire. Il faut peut-être voir une conséquence de mes recherches psychanalytiques dans le fait que je suis devenu presque incapable de mentir. Toutes les fois où j’essaie de déformer un fait, je commets une erreur ou un autre acte manqué qui, comme dans ce dernier exemple et dans les exemples précédents, révèle mon manque de sincérité.

Le mécanisme de l’erreur est beaucoup plus lâche que celui de tous les autres actes manqués; je veux dire par là que, d’une façon générale, une erreur se produit lorsque l’activité physique correspondante doit lutter contre une influence perturbatrice, sans que toutefois le genre de l’erreur soit déterminé par la qualité de l’idée perturbatrice dissimulée dans les profondeurs du domaine psychique. J’ajouterai cependant qu’on observe le même état de choses dans beaucoup de cas de lapsus linguae et de lapsus calami. Toutes les fois où nous commettons l’un ou l’autre de ces lapsus, nous devons conclure à un trouble produit par des processus psychiques qui échappent à nos intentions, mais nous devons aussi admettre que le lapsus de la parole ou de l’écriture obéit souvent aux lois de la ressemblance, ou correspond au désir de la commodité ou de la rapidité, sans que l’auteur du lapsus réussisse à trahir dans l’erreur commise