Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/222

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l’impression d’un rêve que m’avait raconté la veille un jeune homme et que j’avais cru pouvoir interpréter comme se rapportant à des relations sexuelles de ce jeune homme avec sa propre mère 76. Le fait assez bizarre que la légende grecque ne tient aucun compte de l’âge de Jocaste me semblait s’accorder très bien avec ma propre conclusion que dans l’amour que la mère inspire à son fils, il s’agit non de la personne actuelle de la mère, mais de l’image que le fils a conservée d’elle et qui date de ses propres années d’enfance. Des inconséquences de ce genre se manifestent toutes les fois qu’une imagination hésitant entre deux époques s’attache définitivement, une fois devenue consciente, à l’une d’elles. Absorbé par ces idées, je suis arrivé chez ma patiente nonagénaire et j’étais sans doute sur le point de concevoir le caractère généralement humain de la légende d’Œdipe, comme étant en corrélation avec la fatalité qui s’exprime dans les oracles, puisque j’ai aussitôt après commis une méprise dont « la vieille fut victime ». Cependant cette méprise fut encore inoffensive : des deux erreurs possibles, l’une consistant à instiller de la morphine dans les yeux, l’autre à injecter sous la peau du collyre, j’ai choisi la moins dangereuse. Il reste à savoir si, dans les erreurs pouvant avoir des conséquences graves, il est possible de découvrir par l’analyse une intention inconsciente.

Sur ce point les matériaux me font défaut, et j’en suis réduit à des hypothèses et à des rapprochements. On sait que dans les psychonévroses graves on observe souvent, à titre de symptômes morbides, des mutilations que les malades s’infligent eux-mêmes, et l’on peut toujours s’attendre à ce que le conflit psychique aboutisse chez eux au suicide. Or, j’ai pu constater