Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/201

From Wikisource
Jump to navigation Jump to search
This page has not been proofread.

notes, sans en avoir demandé l’autorisation à l’auteur, et j’ai eu quelques années plus tard l’occasion de m’assurer que celui-ci n’était pas du tout content de mon sans-gêne.

Il existe un proverbe témoignant que le bon sens populaire sait bien qu’il n’y a rien d’accidentel dans l’oubli de projets : « Ce qu’on a oublié de faire une fois, on l’oubliera encore bien d’autres fois. »

Sans doute, on ne peut pas ne pas reconnaître que tout ce qu’on pourrait dire sur l’oubli et sur les actes manqués est considéré par la plupart des hommes comme connu et comme allant de soi. Mais pourquoi est-il nécessaire de présenter chaque fois à leur conscience ce qu’ils connaissent si bien? Que de fois ai-je entendu dire : « Ne me charge pas de cette commision, je l’oublierai certainement. » Dans cette prédiction il n’y avait sûrement rien de mystique. Celui qui parlait ainsi sentait en lui vaguement le projet de ne pas s’acquitter de la commission et hésitait seulement à l’avouer.

L’oubli de projets reçoit d’ailleurs une bonne illustration de ce qu’on pourrait appeler « la conception de faux projets ». J’avais promis à un jeune auteur de rendre compte d’un petit ouvrage qu’il avait écrit. Des résistances intérieures, dont je ne me rendais pas compte, m’ont fait différer ce projet, jusqu’à ce que, l’ayant rencontré un jour et cédant à ses instances, j’aie fini par lui promettre de lui donner satisfaction le soir même. J’étais tout à fait décidé à tenir ma promesse, mais j’avais oublié que j’avais ce même soir à rédiger d’urgence un rapport d’expertise médicale. Ayant fini par me rendre compte que j’avais conçu un faux projet, j’ai renoncé à lutter contre mes résistances et j’ai fait savoir à l’auteur que je retirais ma promesse.