Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/194

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tiède que j’éprouve dans ces occasions. Depuis que je me suis rendu compte que j’ai souvent pris chez les autres une sympathie feinte pour une sympathie véritable, je me suis révolté contre les manifestations conventionnelles d’une sympathie de commande, manifestations dont je ne vois d’ailleurs pas l’utilité sociale. Seuls les décès trouvent grâce devant ma sévérité; et toutes les fois où je me suis proposé d’exprimer mes condoléances à l’occasion d’un décès, je n’ai pas manqué de le faire. Toutes les fois où mes manifestations affectives n’ont pas le caractère d’une obligation sociale, elles s’expriment librement, sans être entravées ou étouffées par l’oubli.

Le lieutenant T. rapporte un cas d’oubli de ce genre, survenu pendant sa captivité. Il s’agit également d’un projet qui, réprimé d’abord, n’en a pas moins réussi à se faire jour, créant ainsi une situation très pénible.

Un cas d’omission

« Le supérieur d’un camp d’officiers-prisonniers est offensé par un de ses camarades. Pour éviter des suites fâcheuses, il veut se servir du seul moyen radical dont il dispose, en éloignant ce dernier et en le faisant déplacer dans un autre camp. Cédant aux instances de plusieurs amis, il se décide cependant, bien à contre-cœur, à ne pas recourir à cette mesure et à se soumettre à une procédure d’honneur, malgré tous les inconvénients qui doivent en résulter.

« Ce même matin, le commandant en question devait, sous le contrôle d’un surveillant, faire l’appel de tous les officiers-prisonniers. Connaissant tous ses camarades depuis longtemps, il ne s’était jamais trompé en faisant l’appel. Mais cette fois il sauta le nom de son offenseur, de sorte que celui-ci dut rester à sa place après le départ de tous les autres, jusqu’à ce que le commandant se fût aperçu de l’erreur. Or, le nom omis était écrit très distinctement au milieu de la feuille.