Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/170

From Wikisource
Jump to navigation Jump to search
This page has not been proofread.

la vie quotidienne, nous pouvons constater à quel point nos connaissances sont incomplètes et peu satisfaisantes. Qu’on écoute seulement deux personnes ayant reçu les mêmes impressions extérieures (qui ont, par exemple, fait un voyage ensemble) échanger, au bout d’un certain temps, leurs souvenirs. Ce qui s’est fixé dans la mémoire de l’un est souvent oublié par l’autre comme si cela n’avait jamais existé, et sans qu’on puisse dire que l’impression dont il s’agit ait eu plus de signification pour l’un que pour l’autre. Il est évident qu’un grand nombre des facteurs qui président à la sélection des faits à retenir échappe à notre connaissance.

Désireux d’apporter une petite contribution à la connaissance des conditions de l’oubli, j’ai pris l’habitude de soumettre à une analyse psychologique tous les cas d’oublis qui me sont personnels. Je m’occupe généralement d’un certain groupe de ces cas, ceux notamment dans lesquels l’oubli me cause une surprise, parce que le fait oublié me semblait devoir être retenu. Je dois ajouter que je n’ai guère de tendance à oublier facilement ce qui fait partie de mon expérience personnelle, et non de ce que j’ai appris !) et que j’ai eu dans ma jeunesse une brève période pendant laquelle ma mémoire a fonctionné d’une façon extraordinaire. Quand j’étais écolier, c’était pour moi un jeu de répéter par cœur une page entière que je venais de lire, et peu de temps avant de devenir étudiant, j’étais capable de réciter presque mot pour mot une conférence populaire, au caractère scientifique, que je venais d’entendre. Dans la tension d’esprit imposée par ma préparation aux derniers examens de médecine, j’ai dû encore faire usage de ce qui me restait de cette faculté, car sur certaines matières j’ai donné aux examinateurs des réponses pour ainsi dire automatiques, exactement conformes au texte du manuel, que je n’avais parcouru qu’une fois, et à la hâte.