Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/126

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souligner l’aveu de celui qui parle, que d’orienter l’auditeur qui se trouve hors de la scène. Cet exemple nous montre que le poète qui se sert de ce moyen connaissait bien le mécanisme et la signification du lapsus. Dans la scène précédente, Max Piccolomini avait passionnément pris parti pour le duc, en exaltant les bienfaits de la paix, dont il a eu la révélation au cours du voyage qu’il a fait pour accompagner au camp la fille de Wallenstein. Il laisse son père et l’envoyé de la cour dans la plus profonde consternation. Et la scène se poursuit :

QUESTENBERG. – Malheur à nous! Où en sommes-nous, amis? Et le laisserons-nous partir avec cette chimère, sans le rappeler et sans lui ouvrir immédiatement les yeux?

OCTAVIO (tiré d’une profonde réflexion). – Les miens sont ouverts et ce que je vois est loin de me réjouir.

QUESTENBERG. – De quoi s’agit-il, ami?

OCTAVIO. – Maudit soit ce voyage!

QUESTENBERG. – Pourquoi? Qu’y a-t-il?

OcTAvio. – Venez! Il faut que je suive sans tarder la malheureuse trace, que je voie de mes yeux... Venez! (Il veut l’emmener.)

QUESTENBERG. – Qu’avez-vous? Où voulez-vous aller?

OCTAVIO (pressé). – Vers elle!

QUESTENBERG. – Vers...

OCTAVIO (se reprenant). – Vers le duc! Allons! etc.

Ce petit lapsus : « vers elle », au lieu de « vers lui », est fait pour nous révéler que le père a deviné la raison du parti pris par son fils, pendant que le courtisan se plaint de « ne rien comprendre à toutes ces énigme ».

M. Otto Rank a trouvé dans le Marchand de Venise, de Shakespeare, un autre exemple d’utilisation poétique du lapsus. Je cite la communication de Rank d’après Zentralbl.f Psychoanalyse, I, 3 :