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Les Archives Municipales de la commune de Delle conservent six registres d’arrivées et de départs des étrangers de 1909 à 1989 permettant de recons- truire les itinéraires de certains Trentins pendant l’entre-deux-guerres.[19] La reconstruction de leurs trajectoires individuelles permet de mieux appréhender l’évolution de l’idée de retour. Ainsi le parcours d’un maçon nommé Pietro R. Iltquitte Delle à fin janvier 1930, mais y revient une dizaine de jours plus tard, cette fois-ci comme manœuvre. En mars 1931, il déclare rentrer d’Italie. Ensuite nous perdons sa trace jusqu’en octobre 1931. Il est alors de retour à Delle, ve- nant de la commune voisine de Fêche-l’Eglise, toujours en tant que manœuvre. En décembre 1931, il repart en Italie. Rentré à Delle, il quitte de nouveau la commune en août 1932 pour une autre ville de France dont le nom est illisible dans les registres. En octobre 1934, il revient à Delle, venant de Bourguignon dans le département voisin. En décembre 1934, il part en Italie. En février 1935, il se réinstalle à Delle. En décembre 1935, il part en Italie pour revenir en février 1936. En décembre 1936, il repart au Trentin et revient en février de l’année suivante. Il disparaît ensuite des registres, car il s’installe durablement à Delle. Il y amène sa famille et semble abandonner l’idée du retour au village d’origine durant les mois d’hiver.

Durant les premières années de l’émigration en France, les hésitations entre rester, partir ailleurs ou revenir en Italie étaient particulièrement prononcées.

Durant mes recherches dans des archives privées, j’ai ainsi retrouvé des do- cuments sur un Trentin, Arturo S., arrivé en 1924 dans le Territoire de Belfort pour y exercer le métier de menuisier et qui, en 1928, adresse une demande de remboursement de ses frais de retour au Consulat Général d’Italie de Strasbourg. Le remboursement lui est refusé pour plusieurs raisons et, peu après, en 1929, il se marie avec une Française et ne quitte plus jamais le Territoire de Belfort, sauf pour quelques vacances au Trentin.

Du côté trentin, les archives du diocèse et les archives municipales fournissent des informations supplémentaires. Ainsi, dans les Atti Visitali de 1936, le curé de Terragnolo, dans une de ses réponses au questionnaire de préparation à la visite de l’évêque, se plaint du fait que les migrants de retour de France revien- nent avec des idées entièrement nouvelles. Il ajoute que de tels changements lui paraissent incroyables et que, pour ces travailleurs, la France semble être un paradis où l’on a tout et où la terre produit au centuple sans qu’aucune prière ni messe ne soit nécessaire.[20]

Certains documents conservés dans les Archives Municipales de Terragnolo permettant de se faire une idée de la formation et de l’évolution de la communauté

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Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen 2009/14