Page:Labi 1998.djvu/231

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spécialisés dans le commerce des grains. On retrouve pour d’autres métiers «la persistance atténuée d’anciens courants: rémouleurs, aiguiseurs de la Vallée verte (Boëge, Habère-Lullin, Mégevette), chaudronniers de Sallanches».[51] Des laboureurs, la plupart venus des Gets, complètent le tableau.

Les Valdôtains sont des marchands généralement originaires du Gressoney. Dès 1750, les Valdôtains ont commencé «à se tourner vers la France (le Dauphiné, puis le Midi et enfin Paris)», mais les alémaniques du Gressoney «restent fidèles à la Bavière et au Brisgau».[52] Quant aux voyageurs venus de la région actuelle du Piémont, il sont majoritairement des montagnards: 70 à 80 entrées sur un total d’une centaine. La guerre qui ravage alors l’Italie, d’où Souvorov chasse les Français en 1799, ne les empêche pas de continuer à se rendre en Suisse pour leurs affaires. Ils viennent du Val d’Ossola et des vallées voisines, qui montent du lac Majeur vers la Suisse.

Un mémoire de 1711 décrit ce pays «tout en montagnes, ravines et vallées pierreuses, [qui] ne porte fruit que deux mois de l’année à ses habitants; ce qui les contraint à s’en aller par le monde en quête de nourriture pour soi-même aussi bien que pour leurs femmes et leurs jeunes enfants qui eux restent au foyer».[53] Cette approche misérabiliste, très fréquente dans les docu¬ ments anciens et souvent reprise par les historiens, est maintenant remise en question. Raffaello Ceschi a montré que l’émigration obéit à des stratégies complexes et n’est pas seulement une réponse à une contrainte. Dans la région d’Ossola, comme dans d’autres vallées piémontaises, les marchés du travail alpins sont en interaction; à l’émigration vers la Suisse correspond une immigration tessinoise.[54] Les Piémontais qui entrent dans le canton du Léman sont souvent des commerçants: une quarantaine de marchands, qui passent en toute saison, l’emportent nettement. Les maçons (une douzaine de passages) et les charbonniers (14) sont plutôt des migrants d’été. Les préfets des départements voisins du Simplon et de la Doire expliquent en 1810-1812 que les maçons quittent leurs villages pendant sept mois environ, d’avril à novembre, les charbonniers six, de mai à octobre.[55] Quant aux chaudronniers (une douzaine de passages), ils voyagent en hiver d’après le préfet de la Doire (de septembre à juin ou même juillet), en été selon celui du Simplon (d’avril à novembre). Dans le canton du Léman, on les voit passer toute l’année, sans que les retours dominent dans l’une ou l’autre saison; par exemple, deux d’entre eux rentrent chez eux en décembre tandis que trois autres, qui passent le même mois, se rendent en Suisse. Les chaudronniers, magnins, fondeurs ou potiers (d’étain), appelés encore quincailliers, ne sont pas seulement des

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DES MONTAGNARDS SÉDENTAIRES RADEFF: MONTAGNES, PLAT PAYS ET «REMUES D'HOMMES»»