Page:Labi 1998.djvu/167

From Wikisource
Jump to navigation Jump to search
This page has not been proofread.

le territoire étranger, ce qui fut réalisé notamment dans le Nord, le Nord-Est et le Sud-Est.

Au siècle suivant, particulièrement sous Louis XIV (1661-1715), la politique de fortification des frontières est connue, tout autant que l’importance des rôles joués dans ce domaine par Louvois et Vauban, dont les réalisations nous ont valu les fameux plans-reliefs exposés aux Invalides.

Pourtant, une situation originale, créée par Louis XIV lui-même, allait rendre à la fois plus nécessaire et plus ardue la surveillance des frontières et, notamment, celle des Alpes, entre, d’une part, la France avec ses provinces limitrophes de Provence et surtout du Dauphiné et, d’autre part, la Savoie. Ce qui suit voudrait contribuer à une réflexion sur l’écart qui a pu exister entre un projet politique et les moyens de le réaliser à travers l’exemple des Alpes en 1685-1686.


LA FRONTIÈRE ALPINE


Nous savons aujourd’hui que la notion de «frontière naturelle» est une construction intellectuelle, d’ailleurs relativement récente même si le droit public européen - héritage de l’empire romain puis carolingien - était d’une certaine façon supérieur à celui des États et si la notion elle-même peut remonter à l’Antiquité. En tout cas si elle existe au 17e siècle c’est davantage comme une sorte d’idéal qui se met progressivement et lentement en place.

Ainsi la ligne de crête reliant les sommets alpins ne constituait pas nécessairement, ni même le plus souvent, une frontière entre les États limitrophes. Quant aux cols, chacun le sait maintenant suite notamment à des études linguistiques et ethnologiques, ils étaient plus des passages et donc des points de jonction, de rencontre et de liaison que des éléments de distinction et de séparation.

En outre, depuis les travaux de Jean Nouzille entre autres, nous savons également que la frontière ne se concevait alors pas tant, du moins pas encore, comme des lignes que comme des zones, sur le type des «marches» médiévales.[1] La mutation conceptuelle était en cours à la fin du 17e siècle; elle se poursuivit et s’affirma au cours du siècle suivant pour triompher au 19e et devenir ce que nous connaissons aujourd’hui: la frontière linéaire.

À vrai dire ce qui continue à structurer les mentalités politiques, plus que l’appartenance à un État, est l’ancienne et traditionnelle conception médiévale

192
HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3