naissance d’un milieu aux conditions de vie comparables dans le cadre des escartons. Les liens humains anciens noués à l’occasion des mêmes foires et marchés se trouvent exaltés par l’adhésion à une même foi, entretenue par les mêmes missionnaires qui constituent un élément de liaison aussi efficace qu’insaisissable dans sa fluidité. De plus, la parfaite connaissance des limites politiques ou religieuses dont l’existence segmente ce monde cohérent permet longtemps un jeu subtil et efficace sur les frontières institutionnelles: celles des dominations politiques, mais aussi celles de l’organisation religieuse. Le Piémont, donc le Valcluson dauphinois, relève de l’inquisition dominicaine, alors que les vallées du diocèse d’Embrun sont en territoire franciscain. On a des preuves que ce n’est pas indifférent et qu’il en résulte une inévitable discontinuité dans la répression.
- La deuxième forme, le transfert définitif ailleurs, surtout caractéristique de la deuxième moitié du 15e siècle dans ses aspects les plus structurés, correspond à un temps où, à la lassitude née d’une érosion ininterrompue, plus tard aggravée par la tentative d’éradication brutale de 1488, des possibilités nouvelles d’accueil existent dans un monde dépeuplé et en reconstruction; à un temps aussi où le monde hétérodoxe a élargi son horizon à la faveur d’affinités spirituelles loin de la région considérée ici. Deux directions essentielles correspondant à ces mutations, l’Italie du Sud, la Provence.
Cette situation résulte d’un ensemble de données révélatrices d’une évolution du phénomène migratoire. D’abord le choix avoué d’un départ définitif. La révision de feux de Vallouise le montre en 1447: beaucoup, disent les témoins, ont émigré et leurs enfants accablés par les frais de rachat de leurs biens, envisagent à leur tour de «partir vers le Piémont, vers Embrun, vers la Provence et le comtat Venaissin, sans espoir de retour». Il y a toute chance pour ce que soit également l’option des trois chefs de feux vacants connus ici même par la révision de feux de 1474 comme «partis en Pouilles pour hérésie»: on imagine mal que ce puisse être dans l’espérance d’un retour et sans leur famille abandonnée.[9]
- Départ vers l’Italie du Sud: il s’agit de choix résolument novateurs sans autres motivations que religieuses. L’historiographie italienne contemporaine a bien éclairé le rôle de refuge pour les chrétiens en rupture de ban que jouent les Pouilles et la Calabre. Innocent VI désignait déjà ce foyer au milieu du 14e siècle sans qu’il soit possible de préciser s’il s’agit d’un véritable courant. Vincent Ferrier, au moment de sa mission dans les vallées de 1399 à