Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/75

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Elle m’apprit beaucoup de choses, et entre autres que cette femme rusée et malhonnête avait, pendant que ma mère était retenue au lit par ses couches, commis de nombreux vols à la maison et qu’elle avait été, sur la plainte de mon demi-frère, déférée devant les tribunaux. Ce renseignement me fit comprendre la scène enfantine décrite plus haut, comme sous le coup d’une révélation. La disparition brusque de la bonne ne m’avait pas été tout à fait indifférente ; j’avais même demandé à mon frère ce qu’elle était devenue, car j’avais probablement remarqué qu’il avait joué un certain rôle dans sa disparition ; et mon frère m’avait répondu évasivement (et, selon son habitude, en plaisantant) qu’elle était « coffrée ». J’ai interprété cette réponse à la manière enfantine, mais j’ai cessé de questionner, car je n’avais plus rien à apprendre. Lorsque ma mère s’absenta quelque temps après, je me mis en colère, et convaincu que mon frère lui avait fait la même chose qu’à la bonne, j’exigeai qu’il m’ouvrît le coffre. Je comprends aussi maintenant pourquoi, dans la traduction de la scène visuelle, la sveltesse de ma mère se trouve accentuée : elle m’était apparue comme à la suite d’une véritable résurrection. J’ai deux ans et demi de plus que ma sœur, qui était née à cette époque-là, et lorsque j’atteignis ma troisième année, mon demi-frère avait quitté le foyer paternel.