Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/71

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Les souvenirs des adultes portent, on le sait, sur des matériaux psychiques divers. Les uns se souviennent d’images visuelles : leurs souvenirs ont un caractère visuel. D’autres sont à peine capables de reproduire les contours les plus élémentaires de ce qu’ils ont vu . selon la proposition de Charcot, on appelle ces sujets « auditifs » et « moteurs » et on les oppose aux « visuels ». Dans les rêves, toutes ces différences disparaissent, car nous rêvons tous de préférence en images visuelles. Pour les souvenirs d’enfance, on observe, pour ainsi dire, la même régression que pour les rêves : ces souvenirs prennent un caractère plastiquement visuel, même chez les personnes dont les souvenirs ultérieurs sont dépourvus de tout élément visuel. C’est ainsi que les souvenirs visuels se rapprochent du type des souvenirs infantiles. En ce qui me concerne, tous mes souvenirs d’enfance sont uniquement de caractère visuel; ce sont des scènes élaborées sous une forme plastique et que je ne puis comparer qu’aux tableaux d’une pièce de théâtre. Dans ces scènes, vraies ou fausses, datant de l’enfance, on voit régulièrement figurer sa propre personne infantile, avec ses contours et dans ses vêtements. Cette circonstance est faite pour étonner, car les adultes du type visuel ne voient plus leur propre personne dans leurs souvenirs à propos des événements ultérieurs de leur vie[1]. Il est également contraire à toutes nos expériences d’admettre que, dans les événements dont il est l’auteur ou le témoin, l’attention de l’enfant se porte sur lui-même, au lieu de se concentrer sur les impressions venues de l’extérieur. Tout cela nous oblige à admettre que ce qu’on trouve dans les soi-disant souvenirs de la première enfance, ce ne sont pas les vestiges d’événements réels, mais une élaboration ultérieure de ces vestiges, laquelle a dû s’effectuer sous l’influence de différentes forces

  1. Je crois pouvoir l’affirmer à la suite de certains renseignements que j’ai obtenus.