Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/133

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elle ordonne de changer de blouse, ce que celle-ci fait dans une pièce voisine. Lorsqu’elle vient rejoindre sa mère, elle la trouve occupée à se nettoyer les ongles. Et le dialogue suivant se déroule :

La fille. – Tu vois bien : je suis déjà prête, et toi, tu ne l’es pas encore.

La mère. – C’est que tu n’as qu’une blouse et moi, j’ai douze ongles.

La fille. – Comment?

La mère (impatiente). – Mais naturellement, puisque j’ai douze doigts.

« A un collègue qui assiste à ce récit et qui lui demande quelle idée éveille en elle le nombre douze, elle répond aussi promptement que résolument : « Le nombre douze ne constitue pas pour moi une date (significative). »

« Doigts éveillent, après une légère hésitation, cette association : « Dans la famille de mon mari, on a six orteils aux pieds. Dès que nos enfants venaient au monde, on s’empressait de s’assurer s’ils n’avaient pas six orteils. » Pour des raisons extérieures, l’analyse n’a pas été poussée plus loin ce soir-là.

« Le lendemain matin, 12 décembre, la dame revient me voir et me dit, visiblement émue : « Imaginez-vous ce qui m’est arrivé : c’est aujourd’hui l’anniversaire de l’oncle de mon mari; depuis 20 ans, je ne manque pas de lui écrire la veille, 11 décembre, pour lui adresser mes vœux; cette fois j’ai oublié de le faire, ce qui m’a obligé à envoyer un télégramme. »

« Je me rappelle et je rappelle à la dame avec quelle assurance elle a répondu la veille à mon collègue que le « douze » ne constituait pas pour elle une date significative, alors que sa question était de nature à lui rappeler le jour de l’anniversaire de l’oncle.

« Elle avoue alors que cet oncle de son mari est un oncle à héritage, qu’elle a toujours compté sur