Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/131

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On m’avait bien dit que la fin de la représentation était annoncée pour avant dix heures. Lorsque je suis arrivé devant le théâtre, les lumières du vestibule étaient éteintes, et il n’y avait plus personne. l’a représentation s’était terminée plus tôt, et ma femme était partie sans m’attendre. En regardant ma montre, j’avais constaté qu’il était dix heures moins cinq. Mais je me suis proposé de présenter à la maison mon cas sous un aspect plus favorable et de dire qu’il était dix heures moins dix. Le lapsus a malheureusement neutralisé mon intention et révélé mon petit mensonge, en me faisant avancer une faute plus grave que celle dont j’étais réellement coupable.

De ces troubles de la parole, on passe à d’autres qui ne peuvent plus être décrits comme de simples lapsus, parce que, tels le bredouillement et le bégaiement, ils portent non sur tel mot isolé, mais sur le rythme et le mode de prononciation du discours tout entier. Mais dans les cas de cette catégorie, comme dans ceux de la première, c’est le conflit intérieur qui nous est révélé par le trouble de la parole. Je ne crois vraiment pas que quelqu’un puisse commettre un lapsus au cours d’une audience auprès de Sa Majesté, dans une sérieuse déclaration d’amour ou lorsqu’il s’agit de défendre devant les jurés son honneur et son nom, bref dans tous les cas où, comme on le dit avec juste raison, on est tout entier à ce qu’on fait et dit. Nous devons (et nous avons l’habitude de le faire) introduire, jusque dans l’appréciation du style dont se sert un auteur, le principe d’explication qui nous est indispensable, lorsque nous voulons remonter aux causes d’un lapsus isolé. Une manière d’écrire claire et franche montre que l’auteur est d’accord avec lui-même, et toutes les fois où nous rencontrons un mode d’expression contraint, sinueux, fuyant, nous pouvons dire, sans risque de nous tromper, que nous nous trouvons en présence d’idées compliquées,