Page:Labi 1998.djvu/150

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et qu’il est impossible de mettre sur le compte de la seule répression religieuse les nombreux feux vacants de telle vallée.

En revanche, la confrontation de listes proches dans le temps (dix à douze ans) et établies selon des critères indépendants - listes de Vaudois cités à comparaître et interrogés ou listes de bannis d’une part (1487-1488), et listes résultant de la documentation fiscale, classant les foyers contribuables (1474-1475) -.peut aboutir à des résultats probants, loin de l’approximation purement descriptive du phénomène.[7]


Les faits

a) La chronologie est bien connue à partir de 1335. Elle se caractérise par sa continuité - pas de décennie sans poursuite - et l’existence de phases de paroxysme, les années 1335-1336,1380, puis 1487-1488. Morts, confiscation de biens, exils en sont les résultats. C’est ce dernier aspect de la répression qui nous intéresse ici, dans la mesure où il détermine une hémorragie des vallées. Ainsi, en Valcluson, «pays presque détruit du fait de la vaudoiserie» (1387), la révision de feux de 1434 montre qu’il ne subsiste que 102 feux, 129 étant vacants, du fait, pour la plupart, disent les témoins interrogés, de la fuite des habitants lors de la persécution d’il y a «40 ou 45 ans», et du fait que «peu sont revenus».[8]

b) Les formes et les lieux: on ne saurait se satisfaire, bien entendu, d’une perception aussi morcelée d’un phénomène que l’abondance de ces notations ponctuelles répétées révèle capital. Les travaux menés sur ce point ont fait apparaître, au-delà de la distinction évidente entre exilés volontaires et bannis par sentence, deux types de migrations:

- La fuite temporaire le plus près possible, en attendant que l’orage passe et, même s’il faut s’éloigner davantage, avec le constant espoir d’un retour.

- Le départ, en vue d’une implantation «ailleurs», attesté dès le 14e siècle, mais plus solidement organisé, parfois par contrat, et surtout beaucoup plus ample à partir du milieu du 15e siècle.

- Les migrations temporaires obéissent au rythme aléatoire mais constant des poursuites. Elles permettent d’analyser l’espace vaudois, son évolution à travers le temps. Benoît XII, dénonçant en 1336 la «Lombardie» - en fait le Piémont - comme lieu de refuge, désigne le foyer le plus habituel, attesté par une longue tradition et dont on constate la permanente attirance jusqu’à la fin du 15e siècle. La constance dans la durée de ce choix par des paysans farouchement attachés à leur vallée résulte d’abord de l’intime con-

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3