Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/197

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fait une petite pause, après laquelle il tire de sa poche son bout de papier et dit en s’excusant : « J’ai noté sur ce papier certaines choses, sinon je ne me souviendrais de rien. » Dans la plupart des cas, rien ne se trouve noté sur ce papier qu’il n’ait déjà dit. Il répète donc tous les détails et se répond à lui-même : « cela, je l’ai déjà demandé ». Son bout de papier ne sert sans doute qu’à mettre en lumière un de ses symptômes, à savoir la fréquence avec laquelle ses projets sont troublés par des motifs étrangers.

Je vais avouer maintenant un défaut dont souffrent aussi la plupart des personnes saines que je connais; il m’arrive très facilement, peut-être moins facilement que lorsque j’étais plus jeune, d’oublier de rendre les livres empruntés ou de différer certains paiements en les oubliant. Il n’y a pas très longtemps, je suis sorti un matin du bureau de tabac où j’achète tous les jours mes cigares, en oubliant de payer. Ce fut une négligence tout à fait inoffensive étant donné que le tenancier du bureau me connaît et qu’il était sûr d’être payé le lendemain. Mais le petit retard, la tentative de faire des dettes n’étaient certainement pas étrangers aux considérations budgétaires qui m’avaient préoccupé la veille. Même chez les hommes dits tout à fait honnêtes, on découvre facilement les traces d’une double attitude à l’égard de l’argent et de la propriété. La convoitise primitive du nourrisson qui cherche à s’emparer de tous les objets (pour les porter à sa bouche) ne disparaît, d’une façon générale, qu’incomplètement sous l’influence de la culture et de l’éducation 70.