Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen (2009)/04

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Les migrations de retour dans l'espace préalpin et alpin suisse: un essai de typologie des ambivalences (17e siècle - première moitié du 20e siècle)
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[ 41 ]Les migrations de retour dans l'espace préalpin et alpin suisse


Un essai de typologie des ambivalences (XVIIe siècle-première moitié du XXe siècle)


Anne-Lise Head-Konig


Zusammenfassung


Rückwanderungen im schweizerischen Voralpen- und Alpenraum. Ein Blick auf Mehrdeutigkeiten (17. bis erste Hälfte 19. Jahrhundert)


Rückwanderung muss, als Begriff, für den schweizerischen Raum notwendigerweise präziser definiert werden. Der bürgerliche Gesetzeskorpus vereitelte bis in die Mitte des 19. Jahrhunderts zahlreiche Rückwanderungen, aber die gleichen Gesetze erlaubten später, ab dem Ersten Weltkrieg, vielen Menschen die «Rückkehr ins Vaterland», die dort allerdings weder geboren wurden noch dort gelebt hatten. Die verschiedenen Formen der Migration hatten einen starken Einfluss darauf, ob eine Rückwanderung möglich war oder nicht; zudem unterschied sich die städtische Emigration stark von den verschiedenartigen Ausprägungen der ruralen Wanderungsbewegungen. Rückwanderungen waren aber auch ein Abbild der früheren Umstände und Bedingungen bei der Auswanderung. Migrierte man freiwillig oder unter Zwang? Ebenfalls kam es zu erzwungenen Rückwanderungen. Festzuhalten ist, dass der Erste Weltkrieg eine bedeutende Zäsur darstellte, und zwar nicht nur aus der Sicht der Rückwanderer, sondern auch in begrifflicher Hinsicht.


Introduction


Les migrations temporaires de tous genres, l’émigration définitive des Suisses en Europe et outre-mer ont fait l’objet d’innombrables publications. Rien de tel ne se constate pour les migrations de retour, tout au moins jusqu’ au sortir de la [ 42 ]Première Guerre mondiale et dans l’entre-deux-guerres, et la question a alors une très forte connotation politique avec les retours forcés. Même l’ouvrage classique de W. Bickel ne leur consacre que quelques lignes très sommaires.[1] La perception différente de ces deux phénomènes - émigration et migration de retour - pourtant étroitement corrélés résulte de plusieurs facteurs. En Suisse, la migration de retour n’est pas un phénomène de masse, au contraire de l’émigration. Avant la Première Guerre mondiale, elle est un phénomène larvé, le fait de familles ou d’individus isolés, et se perçoit essentiellement au niveau communal. Comme l’écrit O. Blättler, la très grande majorité de ceux qui sont alors revenus au pays n’avaient guère frappé l’opinion publique, sinon positivement,[2] parce qu’«après une vie de labeur et de succès à l’étranger, ils étaient revenus au pays pour y passer leurs vieux jours et ils étaient perçus soit comme le riche oncle d’Amérique (der reiche Onkel aus Amerika) ou l’émigré taciturne de retour d’outre-mer (der schweigsame Ueberseer)».[3] Il en va tout autrement de la migration de retour qui répercute des bouleversements politiques ou belliqueux - Venise expulsant les ressortissants des Grisons au XVIIIe siècle, la France licenciant les régiments suisses à la Révolution française, la Lombardie expulsant les Tessinois en 1853, la dissolution des régiments étrangers dans nombre de pays après 1830 - et qui, du fait de son ampleur, frappe l’opinion publique, et dont témoignent les gazettes de l’époque. Mais c’est surtout avec le retour de Suisses expulsés de divers pays européens durant la Première Guerre mondiale, le retour massif de Suisses démunis à la suite de la Révolution russe, de même qu’avec les retours nombreux dans le contexte économique difficile de l’entre-deux-guerres que la notion de migration de retour prend de l’importance.[4] Les retours deviennent un objet d’intérêt pour la Berne fédérale, les autorités cantonales et communales et le grand public, aussi en raison du rôle joué par la Confédération dans les décisions concernant les secours et leur attribution, puisque ce ne sont plus seulement les cantons et les communes qui sont responsables des questions de migrations, comme c’était le cas encore au XIXe siècle.

Dans cette contribution, je me propose d’analyser trois points essentiellement, tout d’abord l’évolution de la définition de l’émigration et son corollaire qu’est le retour, ensuite les raisons qui expliquent la non-appartenance de la Suisse à un modèle de fortes pratiques de retour telles que l’ont été des pays comme l’Italie, certaines régions de l’Espagne et l’Angleterre et finalement, en analysant les formes de l’émigration, montrer que dans nombre de cas la décision du retour a été fortement dépendante des conditions de départ. [ 43 ]La migration de retour: un contexte ambigu et mal défini


La «migration de retour» est difficile à cerner dans le contexte suisse, pour trois raisons principalement: la définition du retour n’ est souvent pas démographique -tune personne quitte le pays, puis elle revient -, le laps de temps écoulé entre le départ et le retour pour qu’ il y ait migration de retour est variable, l’espace dans lequel s’effectue le retour est mal défini.


La définition du migrant qui revient


Notion ambiguë s’il en est, et qui rend difficile un calcul précis de la migration de retour à l’échelle suisse, à plus forte raison cantonale. Une première difficulté résulte de la terminologie utilisée pour qualifier le «retour». Elle est souvent imprécise et recouvre une réalité qui s’est modifiée au fil du temps. Non seulement le phénomène du retour est mal cerné - un Suisse peut revenir, être un «Rückwanderer», sans jamais être parti de Suisse - mais aussi la réalité du phénomène migratoire. On peut observer que la définition du migrant a changé au cours des siècles, et comme l’écrit le Conseil fédéral, «tous les citoyens quittant le pays à la fin du XVIIIe siècle étaient considérés comme des émigrants», alors qu’au début du XXe siècle, ce mot avait un sens beaucoup plus restreint et les personnes quittant la Suisse pour un autre pays d’Europe n’étaient officiellement pas considérées comme étant des émigrants. «La législation suisse entend par <émigrants> les personnes qui se rendent dans un Etat d’outre-mer avec l’intention de s’y établir ou d’y rester en tout cas un certain temps.»[5] Cette perception étonnante explique les défaillances de la statistique nationale. Mais même la statistique de ceux qui sont partis outre-mer est défaillante, l’entre-deux-guerres y compris, ainsi qu’il ressort de la lecture attentive des rapports de gestion du Conseil fédéral. La statistique des émigrants de Suisse inclut non seulement les ressortissants suisses, mais aussi les étrangers établis en Suisse, et également ceux qui après être revenus au pays repartent outre-mer. Elle n’inclut pas, en revanche, les émigrants qui n’ont pas eu recours à l’entremise d’une agence d’émigration, voire tous ceux qui, au sortir de la Première Guerre mondiale se sont rendus à l’étranger, en 1919 par exemple en France et en Italie, pour y acheter leur billet de passage en raison d’un taux de change plus favorable obtenu dans ces pays.[6]

La terminologie allemande utilisée dans les documents officiels englobe sous [ 44 ]le terme de Rückwanderer toutes les catégories de migrants aussi bien ceux qui reviennent volontairement au pays après l’avoir quitté que ceux dont le retour est contraint, tout au contraire des textes plus précis de la version française qui font la distinction entre le «migrant qui revient» et le «rapatrié». Les circonstances politiques ont obligé dès 1917 et jusqu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale nombre de Suisses de quitter le pays où ils s’étaient établis. La notion de Rückwanderer revêt alors une connotation négative, liée à des questions d’assistance, de soutien, de dédommagement, une image qui a accru les difficultés d’intégration de ceux qui étaient concernés.[7] Ce groupe d’arrivants, d’origine urbaine surtout, inclut aussi bien des personnes qui ont quitté la Suisse et émigré en Russie à un moment donné que des personnes dont la mobilité n’est qu’apparente et qui, en fait, n’ont jamais habité la Suisse ni n’y sont nés. Ces derniers sont des descendants de Suisses émigrés, parfois depuis deux, trois ou quatre générations, et possèdent la nationalité suisse du fait des spécificités de la transmission et de la conservation de la citoyenneté suisse. Au fil des décennies, les règles concernant la nationalité se sont également modifiées. Avant 1848, les exigences de la citoyenneté cantonale et communale et surtout celles du renouvellement de la citoyenneté pour ceux qui s’étaient absentés longtemps du pays influençaient encore fortement les possibilités de retour.[8] Mais, devenues aussi une affaire fédérale, les règles de transmission de la citoyenneté se sont modifiées. Aussi les Suisses de Russie, dont certains ascendants avaient quitté la Suisse tout au début du XIXe siècle sont-ils réincorporés dans leur ancien droit de cité suisse au retour de Russie après la Révolution russe. Lorsque les instances politiques légifèrent à propos des Rückwanderer (Suisses rentrés au pays), il s’agit souvent de rapatriés qui n’ont jamais vécu en Suisse et qui, de ce fait, se heurtent à d’énormes difficultés d’insertion que souligne le Conseil fédéral. «Dans nombre de cas, le rapatrié demeure dans une situation fort précaire. Les rapatriés qui perdent leur emploi se trouvent dans une posture d’autant moins bonne qu’ils n’ont pas les relations et ressources dont disposent de nombreux autres Suisses [...]. Le fait d’être mal familiarisé avec le milieu suisse ajoute encore aux difficultés matérielles et psychologiques suscitées par cette situation [,..].»[9] Il est indéniable qu’avant la Première Guerre mondiale le terme de Rückwanderer était utilisé dans une acception plus large, comme en témoigne la version française - parfois maladroite - des documents officiels. Les Aus- und Rückwanderer sont des «allants et venants» en 1910,[10] et des «émigrés qui reviennent en 1913»,[11] le phénomène de l’émigration et du retour étant aussi [ 45 ]qualifié de «va-et-vient» en 1910. Et ce n’est qu’après la guerre qu’émerge le terme de «rapatriés», pour désigner des retours involontaires.

L’analyse des migrations dites de retour montre donc l’existence de deux groupes distincts de «migrants qui rentrent au pays». Le premier groupe de migrants est composé de migrants temporaires et périodiques - Grisons, Tessinois - avec des retours fréquents au pays, et d’émigrés qui, après un séjour plus ou moins prolongé, reviennent au pays et dont les liens ne se sont jamais entièrement rompus avec le lieu de départ. Ils ont pour caractéristique d’être nés en Suisse et/ou d’y avoir vécu. Et si certains d’entre eux, après une absence prolongée, sont devenus moins familiers avec les usages du pays, voire la langue du pays, leur réinsertion dans la société pose moins de problèmes que celle du second groupe composé de personnes qui se caractérisent par une absence totale de familiarité avec le monde suisse.


La durée de l'absence pour qu'il y ait retour

La seconde difficulté liée à l’appréhension de la migration de retour véritable est celle du temps qui s’est écoulé depuis le départ. À partir de quelle durée un déplacement hors des frontières, voire à l’intérieur du pays, peut-il être qualifié de migration de retour, et non pas de simple voyage? En fait, les textes officiels qui reflètent surtout l’opportunisme politique n’apportent guère de réponse précise. En 1910, dans son rapport de gestion, le Conseil fédéral observe que les formes de la migration se sont modifiées, que «par émigration, on n’entend plus seulement ceux qui quittent leur pays pour se créer une nouvelle existence au-delà des mers», mais que les moyens de communication ont permis «l’extension du marché du travail» et que «beaucoup d’émigrants, dès que le travail vient à manquer dans le pays où ils étaient venus, s’en retournent dans leur patrie, quelques-uns pour y rester, la plupart pour émigrer de nouveau au bout de peu de temps».[12] Néanmoins, il est précisé en 1915 que l’émigrant est celui qui reste «un certain temps (plus d’une année)» outre-mer.[13] Et quelques années plus tard, au début des années 1920, dans le contexte très difficile du retour de nombreux Suisses de l’étranger et des secours qu’il faut leur accorder, cette durée minimale s’est accrue. À la suggestion des institutions de bienfaisance privées, seul un séjour ininterrompu pour le moins de deux ans à l’étranger permettait de solliciter des secours publics ou privés.[14] On conçoit sans peine que ces normes légales ne correspondent guère à la réalité dans un contexte de [ 46 ]migrations périodiques devenues coutumières, depuis le XVIe siècle pour le moins, à certaines population des Préalpes et des Alpes, et elles ne sont utiles que pour les personnes démunies qui ont besoin d’être partiellement ou totalement prises en charge.


Le lieu de retour

La troisième difficulté est celle liée à la définition de l’espace réintégré lors du retour. Est-ce celui de la Suisse en général, celui du canton ou bien du lieu dont on est ressortissant ou du lieu dont on est parti? Sans doute faut-il différencier entre la période qui suit 1848 et qui institue la liberté d’établissement en Suisse et celle qui précède. Avant le milieu du XIXe siècle, les pratiques institutionnelles à l’égard des immigrants, notamment communales, diffèrent encore fortement en matière de permis d’établissement, d’accès à la terre, et d’exercice de métiers. Au delà de 1848, les entraves mises à la migration intérieure par delà les frontières cantonales restent encore importantes, en dépit de l’article de la Constitution qui les abroge et parce que certaines dérogations permettent aux cantons d’avoir encore des pratiques assez restrictives en matière d’établissement définitif sur leur territoire non seulement en ce qui concerne les étrangers à la Suisse, mais aussi en ce qui concerne les Suisses d’autres cantons, ceci pour le moins jusqu’à la Première Guerre mondiale, voire au-delà.

En revanche, dès la fin du XIXe siècle, l’éventail des possibilités émigratoires s’accroît considérablement, aussi pour les femmes. Un exemple frappant de l’arc alpin est celui des émigrants temporaires du Haut-Valais à la fin du XIXe siècle. Avec l’amélioration des transports, la baisse du coût des passages, ils s’en vont périodiquement en Amérique et, après plusieurs aller et retour, ils finissent par revenir définitivement en Suisse. Ils sont toutefois nombreux à ne pas s’établir en Valais, pour des raisons d’emploi notamment, mais pas seulement. D’autres facteurs ont contribué à une certaine distanciation par rapport au lieu de départ, aussi bien les facteurs économiques que les questions de mentalité. Un facteur était celui de l’offre de terres rentables susceptibles d’être vendues à des ex-émigrés. Et ici, sans doute, en raison du mode de transfert des terres, par succession égalitaire surtout, l’argent économisé à l’étranger n’a sans doute pas toujours permis l’acquisition de terres pour en faire une exploitation viable. Ensuite, la réinsertion dans la société de départ [ 47 ]était souvent problématique du fait des structures d’une société restée très patriarcale et marquée par un catholicisme intransigeant. Ceux qui reviennent sont confrontés à une société avec laquelle ils ne peuvent plus s’identifier.[15] D’autres causes, plus prosaïques, mais mal étudiées, ont peut-être aussi joué un rôle dans le non-retour définitif au village, ainsi une éventuelle politique restrictive en matière de nouvelles constructions dans les communes de montagne. Des données plus tardives, des années 1950, témoignent encore de la difficulté des conditions de logement lorsque les familles nombreuses devaient parfois s’entasser dans quelques pièces exiguës.[16]

Il est indéniable aussi qu’après la Première Guerre mondiale, la tendance pour les anciens émigrés était de s’établir en ville plutôt que le retour à leur lieu de départ, tout au moins tant qu’ils étaient dans la vie active. Les compétences acquises par les ruraux ne trouvent le plus souvent pas à s’employer dans le monde alpin et préalpin, sauf si de nouveaux secteurs d’emploi se développent, comme le tourisme dans certaines vallées valaisannes. Mais l’espace alpin n’offre que des possibilités limitées aux ruraux de retour spécialisés dans le secteur agricole à l’étranger. C’est le cas des Tessinois actifs dans la production laitière en Californie[17] ou des fromagers des Préalpes essaimés dans de nombreux pays européens. Pour les ruraux ayant acquis de nouvelles compétences, c’est vers la ville et les centres industriels du Plateau que certains se dirigent de préférence, un phénomène bien visible dans l’entre-deux-guerres. Il est alors estimé que les deux tiers de ceux qui reviennent au pays s’établissent en ville.[18] Cela n’est sans provoquer des frictions entre les instances chargées d’une éventuelle prise en charge en cas de chômage ou de ressources insuffisantes. Quant aux migrants d’origine urbaine, les qualifications supplémentaires acquises à l’étranger leur permettent souvent une meilleure ascension sociale, comme je le préciserai plus loin et c’ est souvent aussi leur expérience acquise à l’étranger qui a profité à la Suisse après leur retour.


L'appartenance de la Suisse à un modèle de faibles pratiques de retour

Un premier constat est celui de la proportion réduite des retours par rapport à certains pays voisins, et que les analyses micro-démographiques permettent d’appréhender avec quelques certitudes.[19] Bien entendu, il faut s’entendre sur le terme de retour, puisque sa portée varie grandement selon les époques. Le [ 48 ]terme s’applique aussi bien aux retours des soldats au service étranger aux XVIIIe et XIXe siècles, aux retours des migrants établis préalablement hors du pays pour des raisons très diverses, aux retours temporaires entre deux migrations périodiques des gens de la montagne qu’au retour rendu enfin possible pour la couche moyenne et les élites obligées d’émigrer faute de travail au pays lorsque la conjoncture s’est améliorée. Toutes les données concordent sur la faiblesse des effectifs de retour jusqu’à la Première Guerre mondiale lorsque l’on travaille à l’échelle des communes et que l’on peut suivre le parcours individuel des personnes.


Les retours: une pesée difficile

La pesée exacte des retours s’avère difficile, puisqu’elle varie en fonction des directions de l’émigration et des périodes et que nous ne possédons jusqu’à présent que des données sporadiques et qui ne recouvrent pas la même réalité. Parfois il s’agit des effectifs concernant le retour de tous les émigrés, parfois seulement les retours de ceux qui ont émigré outre-atlantique. En outre, les périodes d’observation ne coïncident pas, ce qui indiscutablement fait problème si la période d’observation s’étend jusque dans l’entre-deux-guerres, voire après la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, les données systématiques concernent surtout les XIXe et XXe siècles.

L’étude du parcours migratoire des générations nées entre 1821 et 1850 dans quatre communes glaronaises fortement marquées par l’émigration montre que moins de 10 pour cent de toutes les personnes qui ont émigré hors de leur commune sont revenues en Suisse. Dans une commune schwyzoise du district d’Einsiedeln, Dorf-Binzen, 9,0 pour cent des émigrés en Amérique sont revenus au pays. La proportion des émigrés outre-mer du district de Schams (GR) est beaucoup plus élevée, 21,6 pour cent, mais elle inclut aussi les retours de la seconde moitié du XXe siècle.[20] L’intérêt des données fournies par P. Michael- Caflisch réside surtout dans les caractéristiques de ceux qui reviennent: peu d’enfants émigrés avant l’âge de 16 ans (3,3 pour cent), beaucoup moins de femmes (14,5 pour cent) que d’hommes (26,5 pour cent), davantage de retours d’Océanie (30,1 pour cent) que d’Amérique (20,7 pour cent). [ 49 ]Un retour qui varie en fonction des formes de l'émigration

Les facteurs déterminants du retour aux XVIIe et XVIIIe siècles ne se différencient pas fortement de ceux prévalant aux XIXe et XXe siècles. Certaines caractéristiques sont récurrentes tout au long de la période étudiée, qu’elles concernent la migration de peuplement, la migration périodique ou temporaire de travail ou de formation, ou la migration viagère.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les retours sont inexistants lorsque l’objectif de la migration est de s’établir définitivement ailleurs, dans les cas d’émigration contrainte - pour raison de religion (Anabaptistes, Mennonites) - ou peu nombreux, dans les cas d’émigration de peuplement, que l’on estime à plusieurs dizaines de milliers entre la fin de la Guerre de Trente Ans et 1800, principalement vers les Etats germaniques.[21] Même en cas l’échec des objectifs visés par l’émigration, les possibilités de réintégration dans une commune que l’on a quittée étaient si onéreuses jusqu’ au début du XIXe siècle qu’ elles ne permettaient que difficilement à des migrants démunis de retourner au pays.[22] C’est aussi parce que ce type de migration propre aux milieux ruraux et agricoles a été longtemps majoritaire, à l’échelle suisse, encore jusque dans le second tiers du XIXe siècle, que les retours des pays d’outre-mer sont proportionnellement moins nombreux que ce soit d’Amérique du sud ou d’Australie. Cette migration était souvent faite de ruraux pauvres ou appauvris - mais pas toujours comme le montre l’exemple du Tavetsch (Grisons)[23] - partis jusqu’à la fin du XIXe siècle avec l’idée qu’ils ne reviendraient pas au pays. Pour ceux dont l’émigration a été assistée par les communes ou par l’Etat, l’échec au lieu d’immigration, l’absence de moyens pour payer le passage de retour et pour s’établir à nouveau en Suisse rendait le retour difficile, souvent impossible, en dépit de la volonté de retour.[24] L’absence de retours de certains espaces est donc à mettre directement au compte du coût trop élevé du retour et de la trop grande pauvreté des colons émigrés. C’est le cas, en particulier, des ressortissants valaisans, glaronais, et tessinois émigrés en Amérique du Sud. Le constat rétrospectif qu’établit le Conseil fédéral en 1935 confirme les grandes difficultés rencontrées par tous les colons s’établissant sur les colonies agricoles: «Les sociétés suisses de bienfaisance peuvent en dire long sur la misère et le rapatriement de familles malheureuses.»[25]

Toutefois, nous l’avons vu, une minorité d’émigrés partis avec l’intention de s’établir ailleurs revient au pays. Leurs motifs sont souvent liés à un changement dans leurs circonstances personnelles et le retour ne résulte pas seulement de [ 50 ]l’accumulation d’une épargne leur permettant de finir leurs jours en Suisse. On se bornera ici à mentionner quelques motifs qui semblent avoir incité des émigrés glaronais à revenir au pays avant la Première Guerre mondiale. En premier lieu, les changements induits dans la constellation familiale: la perte d’un conjoint est parfois l’une des raisons du retour, à plus forte raison lorsque les enfants mariés sont décédés au lieu d’expatriation. Pour les veufs, toutefois, le décès d’une épouse signifie parfois le retour temporaire, surtout à la fin du XIXe siècle, pour s’y remarier. L’inadaptation au pays d’accueil (le Heimweh) a été parfois aussi un motif de retour, mais lié souvent à l’âge auquel s’est faite l’émigration. Les questions de santé (tuberculose) ont provoqué certains retours, les possibilités de rétablissement étant plus appropriées en Suisse.

Jusqu’au début du XIXe siècle, l’engagement au service étranger a été la forme la plus visible de l’émigration temporaire de la population masculine sans qualification. D’une génération d’hommes survivant à 16 ans, la proportion de jeunes gens recrutés pour le service étranger fluctuait entre 10 et 25 pour cent aux XVIIe et XVIIIe siècles suivant les régions et suivant les périodes. Trois facteurs influençaient la proportion de retours: la mortalité liée aux conflits armés et aux épidémies, le degré d’endettement des soldats puisque seule l’absence de dettes envers le capitaine de la Compagnie permettait, en principe, d’obtenir son congé de l’armée, et la puissance étrangère qui avait recruté. L’endettement était l’arme principale du capitaine pour «fidéliser» le soldat dans sa compagnie et l’empêcher d’obtenir son congé, d’où une proportion importante de soldats ayant de longues durées de service, d’où aussi le fort taux de désertions qui ne s’accompagnent pas d’un retour au pays. Par ailleurs, les chances d’ascension sociale plus grande des anciens soldats, au service de Hollande par exemple, ont fortement réduit les velléités de retour en Suisse, déjà à la fin du XVIIe siècle. Pour la France, en revanche, les contemporains évaluent la proportion des soldats rentrés au pays à 30-40 pour cent des effectifs engagés au milieu du XVIIIe siècle, proportions sans doute trop optimistes si l’on tient compte de la mortalité. Mais sans doute aucun, le bilan du service étranger pour le soldat rentré au pays était souvent défavorable, au contraire du bilan des officiers et des familles possédant les compagnies et les régiments. Aux difficultés de réinsertion dans le monde rural du fait de l’adoption d’un mode de vie différent, de l’absence d’économies, voire de l’endettement de certains, de leurs blessures et de leurs infirmités s’ajoutait le fait que, sauf rares exceptions, les compétences acquises au service étranger n’étaient que peu demandées en Suisse et que les causes économiques ayant [ 51 ]incité à l’engagement au moment du départ (sous-emploi, basse rémunération) prévalaient encore au moment du retour après quelques années de service. Une exception semble avoir été celle de certains soldats du Tavetsch (Grisons) qui, rentrés au Pays, auraient acquis, aux Pays-Bas, des compétences dans le domaine des laitages très utiles pour la vie civile.[26]

Tout comme au XIXe et début du XXe siècle, les migrations temporaires ou viagères de spécialisation professionnelle sont surtout masculines, mais leurs formes varient dans leurs objectifs.[27] Elles concernent aussi bien les milieux urbains que les milieux ruraux, mais les comportements de ces deux groupes ne se confondent pas. L’émigration des ressortissants issus de classes dirigeantes ou du milieu artisan vise au perfectionnement de leurs connaissances par des séjours de plusieurs années à l’étranger avant de retourner au pays: voyez les ressortissants issus des grosses bourgades glaronaises, ceux des Grisons ou de St-Gall. L’objectif n’est pas l’établissement durable à l’étranger: il dépend du besoin des affaires, mais aussi des possibilités d’emploi au pays.[28] En cas d’absence d’emploi, cette migration que je qualifie d’attente d’opportunités se transforme en migration définitive. Mais comme on peut l’observer dans le cas des ressortissants de la ville de St-Gall, ou de ceux de Glaris, avec le développement de l’Etat fédéral, les qualifications acquises à l’étranger leur ont permis d’accéder à de hautes charges dans l’administration fédérale au XIXe siècle. Mais pour certaines formes de migration tessinoise ou grisonne, le retour au pays ne peut se faire qu’en fin de vie si suffisamment de capital a été accumulé à l’étranger, l’absence de demande pour leurs qualifications très spécialisées prévenant un retour définitif durant la vie active. C’est aussi le cas des fromagers en Russie, leur séjour ayant été souvent «un mal nécessaire».[29] Toutefois, jusqu’à la Première Guerre mondiale, c’est aussi dans le milieu entrepreneurial que le retour se fait progressivement plus rare, quel qu’ait été le lieu de création des maisons de commerce ou des fabriques. Même les cafetiers grisons et glaronais rentrent plus rarement au pays et n’y retournent pas en fin de vie.[30]

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le retour est fortement associé, dans l’esprit des contemporains, aux migrations périodiques aussi bien des femmes que des hommes, qu’il s’agisse de celles des Grisons du Tavetsch vers l’Allemagne, de ceux de l’Engadine ou du Rheinwald vers les métropoles européennes, de celles des Hauts-Valaisans vers les Etats-Unis, ou celles des Tessinois vers la Suisse alémanique ou les destinations européennes. L’émigration périodique a été un facteur déterminant dans la proportion de retours. C’est elle justement [ 52 ]qui, à certaines périodes, explique le faible taux d’émigration définitive de certaines populations montagnardes, vers l’outre-mer ou ailleurs. C’est ce type de migration de maintien qui permet de limiter l’émigration définitive et favorise les retours. Par ses apports à l’économie familiale, l’émigration périodique remédie aux insuffisances de l’économie familiale surtout, voire se substitue à l’exploitation familiale micro-fondiaire non viable.[31] Mais ce type d’émigration dépend de la demande urbaine, des marchés tant suisses qu’étrangers, et lorsque celle-ci se modifie fortement après la Première Guerre mondiale, à l’exception de quelques secteurs, comme celui de la construction, il perd une partie de son importance.


Un aspect trop négligé: les départs dans un contexte de contrainte qui préviennent le retour, et son pendant: les rapatriements forcés


Si le nombre de retours varie fortement en fonction des périodes, des espaces d’immigration, des modalités de la migration, de la mortalité, du profil des migrants (origine socio-économique, sexe, état civil, âge, etc.), ces différentes variables ne sont pas suffisantes pour expliquer la faible proportion de retours dans certaines régions élevées de Suisse pour les générations nées jusqu’au milieu du XIXe siècle. D’autres facteurs rendent le retour impossible, notamment ceux qui résultent des circonstances ayant prévalu au départ. Pendant plusieurs décennies, pour bon nombre de migrants, l’émigration n’a pas été voulue, mais imposée par les institutions étatiques, ce qui a réduit fortement les possibilités de retour. Les deux formes d’intervention les plus courantes ont été l’engagement forcé au service étranger et l’expédition outre-atlantique des personnes indésirables ou des pauvres assistés par la commune. Les premières traces d’une politique systématique de l’Etat visant à se débarrasser de ses citoyens jugés indésirables se constatent en Suisse centrale au XVIIIe siècle.

Pour bon nombre d’hommes condamnés par les Tribunaux cantonaux, la sanction est l’engagement forcé au service étranger pendant plusieurs années, sans possibilité de retour. Le second type d’émigration contrainte est celui imposé par la commune qui finance le voyage pour se débarrasser de ses citoyens qui émargent au budget communal ou dont le comportement laisse à désirer. Ce type de migration a souvent été une migration de groupe, mais pas uniquement. Elle est caractérisée par un désintérêt de la commune pour le sort des migrants une fois qu’ils sont partis; leur sort est inconnu, et il n’est donc [ 53 ]jamais question d’un retour.[32] Les «expéditions» de personnes outre-atlantique ont touché un large pan de la population, souvent les personnes en infraction avec les normes de la société d’alors: vagabonds, heimatloses, faillis, infirmes, voire orphelins,[33] et la formule utilisée par une commune glaronaise pour se débarrasser d’un citoyen ne laisse aucun doute sur l’aspect contraignant du départ: «von der Gemeinde nach Nordamerika geliefert». On rappellera, pour mémoire, que dans certains cantons, dont Genève, la pratique de l’expulsion était encore monnaie courante avant la Première Guerre mondiale. Elle concernait quelques centaines de personnes chaque année, aussi bien des étrangers, que des Suisses, renvoyés dans leur pays ou commune d’origine, et quelques dizaines de Genevois qui, selon la formule utilisée alors, étaient «expédiées à l’étranger», généralement vers l’Amérique du Sud.[34] Les raisons de ces expulsions étaient soit d’origine économique, les personnes ne pouvant légitimer leurs moyens d’existence, soit d’origine morale, à savoir un comportement jugé contraire aux bonnes mœurs de l’époque.

D’autres pratiques communales ont également rendu le retour difficile. Dans bon nombre de régions de montagne (Schwyz, Glaris, etc.), la population la plus pauvre souhaitant émigrer recevait l’aide de la commune pour financer son passage. Mais la contrepartie en était la suspension du droit de bourgeoisie pour une période plus ou moins longue - parfois jusqu’à 20 ans. Et parfois aussi, le retour n’était autorisé qu’au prix du remboursement des sommes avancées par la commune.

Contrepartie des départs forcés, il existait aussi des retours forcés résultant de circonstances très variées: criminalité, vagabondage, mais aussi maladie et pauvreté sont des motifs de rapatriement par suite d’accords internationaux. Une spécificité suisse est le rapatriement suite à une analyse de la situation de l’émigré et de sa famille par la Confédération, son canton et sa commune d’origine. Ce type de rapatriement (Heimnahme) qui existe depuis la fin du XIXe siècle était en général précédé d’une prise en charge par la Suisse au lieu d’expatriation. Il était jugé préférable, dans une première démarche, d’assister le migrant et/ou sa famille dans son lieu de résidence plutôt que de le rapatrier en Suisse, pour deux raisons.[35] La première était financière, une prise en charge sur place étant moins coûteuse. La seconde était qu’il était jugé préférable de laisser l’émigré dans son environnement familier, plutôt que de provoquer une acculturation susceptible de diminuer ses chances de retrouver un emploi.[36] Cette politique explique les écarts très importants observés en comparant les effectifs d’assistés dans les pays d’immigration et le nombre de personnes effectivement rapatriées.[37] [ 54 ]Conclusion

La notion de retour ne peut s’appliquer qu’à une partie de ceux qui reviennent en raison de l’ambiguïté de la terminologie et des règles institutionnelles prévalant dans la conservation du droit de citoyenneté suisse. Le retour des émigrés partis de Suisse est fortement corrélé avec différents facteurs, dont les principaux sont les formes que revêt la migration, la capacité de financer le retour et la réinsertion au pays, de même que les circonstances personnelles.

Au départ déjà, les objectifs des migrants du monde préalpin et alpin divergent selon qu’il s’agit d’une émigration temporaire liée au cycle de vie (le service étranger), d’une émigration périodique des ruraux et des urbains avec conservation d’un lieu de domicile et qui vise donc au maintien sur place ou d’une émigration qui vise à l’établissement définitif hors du pays. Mais même dans cette dernière catégorie de migrants formée surtout de ruraux, les différences socio-économiques prévalant au départ déterminent fortement les possibilités de retour: quasi inexistantes pour les migrants de la pauvreté ne possédant rien déjà au départ, plus fortes pour ceux qui partent avec l’argent obtenu de la vente de leurs biens. Les circonstances du départ, départ forcé ou non, influencent aussi le nombre de retours. Mais jusqu’au milieu du XIXe siècle, le retour en Suisse est influencé non seulement par les circonstances personnelles, mais aussi par des règles institutionnelles strictes, notamment en matière de droit de bourgeoisie qui peuvent prévenir le retour. À la fin du XIXe siècle, les formes de l’émigration se modifient: de dominante, l’émigration d’établissement devient minoritaire, aussi en raison de ses avatars. Désormais les départs et les retours sont davantage scandés par les mouvements conjoncturels, et de manière très frappante dans l’entre-deux-guerres. Mais, en fait, même l’objectif d’un retour définitif peut ne pas être atteint. Preuve en est, les cas de personnes qui, revenues au pays, émigrent à nouveau faute d’avoir pu se réintégrer à la société suisse.


Notes

1 W. Bickel, Bevölkerungsgeschichte und Bevölkerungspolitik der Schweiz seit dem Augag des Mittelalters, Zürich 1947, pp. 210-211. L’étude de O. Blättler consacrée à la migration de retour, notamment à celle de l’entre-deux-guerres, est une exception intéressante. Cf. O. Blättler, Die private und volkswirtschaftliche Stellung des schweizerischen Rückwanderers, Diss., Bern 1943, p. 14.

2 Une assertion de O. Blättler qui mériterait d’être fortement nuancée.

3 J. Voegeli, Die Rückkehr der Auslandschweizer, 1917-1945, Mémoire de licence, Université de Zurich 1979, p. 10 citant O. Blättler (note 1). [ 55 ] 4 Le nombre de Suisses de Russie rapatriés en Suisse entre 1917 et 1945 est estimé par J. Voegeli à 7500-8000 personnes, la période de plus fortes arrivées étant celle de la mi-1918 à 1922. Cf. Voegeli (voir note 3), p. 15.

5 Feuille fédérale (désormais FF), 1916, vol. 2, p. 533.

6 FF, 1920, vol. 1, p. 650.

7 Voegeli (voir note 3), p. 10.

8 Pour le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle, rappelons les éléments principaux des politiques cantonales en la matière: renouvellement périodique de la citoyenneté (tous les dix ou 20 ans) qui était coûteux et que certains migrants établis hors de leurs frontières cantonales étaient souvent incapables de financer; mariages conformes aux règles cantonales au cas où l’épouse n’était pas une ressortissante du canton; démarches difficiles et onéreuses pour faire admettre à la citoyenneté l’enfant d’un Suisse né hors de son canton.

9 FF, 1946, vol. 2, p. 116.

10 FF, 1911, vol. 2, p. 577.

11 FF, 1914, vol. 1, p. 565.

12 FF, 1911, vol. 2, p. 577.

13 FF, 1916, vol. 2, p. 533.

14 R. Stössel, Die Rückwanderung von Auslandschweizern seit 1939, Diss., Bern 1958, pp. 6-7.

15 K. Anderegg, «Oberwalliser Emigration nach Übersee im dritten Viertel des 19. Jahrhunderts: Ursachen und Stellungnahmen», Schweizerisches Archiv für Volkskunde, 76, 1980, pp. 175-196.

16 Ainsi à Embd. Cf. A. Imboden, Die Produktions- und Lebensverhältnisse der Walliser Hoch-gebirgsgemeinde Embd und Möglichkeiten zur Verbesserung der gegenwärtigen Lage, Brugg 1956.

17 Quel avenir y aurait-il eu pour eux en Suisse? Aucun, l’agriculture tessinoise étant encore davantage en crise que celle du reste de la Suisse. Sur les secteurs d’activité des Tessinois en Australie et en Californie, voyez J. Gentilli, The Settlement of Swiss Ticino Immigrants in Australia, Nedlands (Australie) 1988, p. 7, 12.

18 Stössel (voir note 14), p. 29.

19 Mais s’il est relativement aisé de repérer les retours à l’aide des registres de l’état civil et des registres de famille, le repérage du retour des étrangers émigrés nés en Suisse s’avère quasiment impossible. Quant aux données officielles de l’entre-deux-guerres concernant l’immigration en Suisse des hommes soumis au contrôle militaire, elles ne peuvent être utilisées telles quelles, car elles concernent une population très composite.

20 P Michael-Caflisch, Hier hört man keine Glocken. Geschichte der Schamser Auswanderung nach Amerika und Australien, Baden 2008, p. 408ss.

21 Probablement entre 40’000 et 50’000 personnes selon H.-U. Pfister, Fremdes Brot in deutschen Landen. Wanderungsbeziehungen zwischen dem Kanton Zürich und Deutschland 1648-1800, Zurich 2001, p. 3, mais certains auteurs avancent des chiffres bien plus élevés.

22 Et souvent le retour était aussi rendu impossible du fait de la perte du droit de bourgeoisie.

23 Au contraire d’autres régions des Grisons, il n’existe pas d’émigration assistée dans le Tavetsch avant 1890. Ceux qui partent outre-mer ne sont pas les plus pauvres, et ils ne reviennent pas au pays. G. Decurtins, Viehzüchter, Dorfpolitiker und Emigranten. Wirtschaft und Bevölkerung des Bündner Bergtals Tavetsch um die Mitte des 19. Jahrhunderts, Mémoire de licence, Université de Zurich 1985, p. 147.

24 B. Boller, Misiones hin und zurück. Die Geschichte einer gescheiterten Wanderung aus der Sicht von remigrierten Schweizern aus Misiones in Argentinien, Mémoire de licence, Université de Fribourg 1991.

25 FF, 1935, vol. 2, p. 305: «Nous ne connaissons aucun exemple de colonies suisses qui n’aient à se souvenir de lourds sacrifices et de déboires, et nombreuses sont celles qui ont succombé.»

26 Descurtins (voir note 23), p. 139.

27 A.-L. Head-König, «Les migrations traditionnelles des Suisses: migrations de masse et migrations [ 56 ]des élites (XVIP-milieu du XIXe siècle)», in: A. Eiras Roel, D. L. Gonzalez Lopo (éd.), Mobilité et migrations internes de VEurope latine, Santiago de Compostela 2002, p. 47 ss.

28 A.-L. Head-König, «Hommes et femmes dans la migration: la mobilité des Suisses dans leur pays et en Europe (1600-1900)», in: A. Eiras Roel, O. Rey Castelao (éd.), Migrations internes et medium-distance en Europe, 1500-1900. Ière Conférence européenne de la Commission internationale de démographie historique, Santiago de Compostela 1993, Santiago de Compostela 1993, p. 205-225, ici p. 234 ss.

29 R. Bühler et al., Schweizer im Zarenreich. Zur Geschichte der Auswanderung nach Russland, Zürich 1985, p. 299.

30 Pour les Grisons, voyez J. Mathieu, Bauern und Bären: eine Geschichte des Unterengadins von 1650 bis 1800, Chur 1987, p. 229.

31 L. Lorenzetti, «L’emigrazione ticinese tra il 1850 e il primo dopoguerra: tendenze, specificità regionali, percorsi», in: Partire per il mondo. Emigranti ticinesi dalla metà dell Ottocento,Castagnola 2007, p. 47.

32 Ainsi la commune de Rothrist, en Argovie, finance le départ de 305 personnes en 1855, soit 13% de la population, mais moins de la moitié des personnes part de son plein gré. Cf. A. Schriber-Wyss, Die Rothrister Auswanderung von 1855, Zofingen 1994, pp. 45, 64, 79.

33 A titre d’exemple, voyez K. Anderegg, «Auswanderung und Delinquenz: das Abschieben von Walliser Strafgefangenen nach Amerika im dritten Viertel des 19. Jahrhunderts», Schweizerisches Archiv für Volkskunde, 80, 1984, pp. 183-200.

34 Il s’agit d’un phénomène non négligeable. Entre 1875 et 1898, le canton procède à l’expulsion de 10’319 personnes.

35 M.-R. Stahel, «Rückwanderung in die Schweiz. Dargestellt in einzelnen Fällen aus den Kantonen Zürich, Bern, Genf. Diplomarbeit der sozialen Frauenschule Genf», Schweizerische Zeitschrift für Hygiene und Archiv für Wohlfahrtspflege, 13, 1933, pp. 725-726.

36 Les grandes difficultés qu’entraîne le retour forcé est bien décrit dans le cas du retour des Russes à Mollis considéré comme un déclassement social. L’exil géographique se double d’un exil intériorisé et le refus d’intégration des parents s’accompagne de l’interdiction faite aux enfants de parler une langue autre que le russe alors qu’ils fréquentent l’école du village. Cf. Bühler et al. (voir note 29), pp. 213-214.

37 Ainsi, en 1927, 7164 émigrés sont assistés par les sociétés de bienfaisance suisses à l’étranger et 575 sont rapatriés; en 1932, 9445, respectivement 718. Cf. Stahel (voir note 35), p. 726.

  1. 1 W. Bickel, Bevölkerungsgeschichte und Bevölkerungspolitik der Schweiz seit dem Augag des Mittelalters, Zürich 1947, pp. 210-211. L’étude de O. Blättler consacrée à la migration de retour, notamment à celle de l’entre-deux-guerres, est une exception intéressante. Cf. O. Blättler, Die private und volkswirtschaftliche Stellung des schweizerischen Rückwanderers, Diss., Bern 1943, p. 14.
  2. 2 Une assertion de O. Blättler qui mériterait d’être fortement nuancée.
  3. 3 J. Voegeli, Die Rückkehr der Auslandschweizer, 1917-1945, Mémoire de licence, Université de Zurich 1979, p. 10 citant O. Blättler (note 1).
  4. 4 Le nombre de Suisses de Russie rapatriés en Suisse entre 1917 et 1945 est estimé par J. Voegeli à 7500-8000 personnes, la période de plus fortes arrivées étant celle de la mi-1918 à 1922. Cf. Voegeli (voir note 3), p. 15.
  5. 5 Feuille fédérale (désormais FF), 1916, vol. 2, p. 533.
  6. 6 FF, 1920, vol. 1, p. 650.
  7. 7 Voegeli (voir note 3), p. 10.
  8. 8 Pour le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle, rappelons les éléments principaux des politiques cantonales en la matière: renouvellement périodique de la citoyenneté (tous les dix ou 20 ans) qui était coûteux et que certains migrants établis hors de leurs frontières cantonales étaient souvent incapables de financer; mariages conformes aux règles cantonales au cas où l’épouse n’était pas une ressortissante du canton; démarches difficiles et onéreuses pour faire admettre à la citoyenneté l’enfant d’un Suisse né hors de son canton.
  9. 9 FF, 1946, vol. 2, p. 116.
  10. 10 FF, 1911, vol. 2, p. 577.
  11. 11 FF, 1914, vol. 1, p. 565.
  12. 12 FF, 1911, vol. 2, p. 577.
  13. 13 FF, 1916, vol. 2, p. 533.
  14. 14 R. Stössel, Die Rückwanderung von Auslandschweizern seit 1939, Diss., Bern 1958, pp. 6-7.
  15. 15 K. Anderegg, «Oberwalliser Emigration nach Übersee im dritten Viertel des 19. Jahrhunderts: Ursachen und Stellungnahmen», Schweizerisches Archiv für Volkskunde, 76, 1980, pp. 175-196.
  16. 16 Ainsi à Embd. Cf. A. Imboden, Die Produktions- und Lebensverhältnisse der Walliser Hoch-gebirgsgemeinde Embd und Möglichkeiten zur Verbesserung der gegenwärtigen Lage, Brugg 1956.
  17. 17 Quel avenir y aurait-il eu pour eux en Suisse? Aucun, l’agriculture tessinoise étant encore davantage en crise que celle du reste de la Suisse. Sur les secteurs d’activité des Tessinois en Australie et en Californie, voyez J. Gentilli, The Settlement of Swiss Ticino Immigrants in Australia, Nedlands (Australie) 1988, p. 7, 12.
  18. 18 Stössel (voir note 14), p. 29.
  19. 19 Mais s’il est relativement aisé de repérer les retours à l’aide des registres de l’état civil et des registres de famille, le repérage du retour des étrangers émigrés nés en Suisse s’avère quasiment impossible. Quant aux données officielles de l’entre-deux-guerres concernant l’immigration en Suisse des hommes soumis au contrôle militaire, elles ne peuvent être utilisées telles quelles, car elles concernent une population très composite.
  20. 20 P Michael-Caflisch, Hier hört man keine Glocken. Geschichte der Schamser Auswanderung nach Amerika und Australien, Baden 2008, p. 408ss.
  21. 21 Probablement entre 40’000 et 50’000 personnes selon H.-U. Pfister, Fremdes Brot in deutschen Landen. Wanderungsbeziehungen zwischen dem Kanton Zürich und Deutschland 1648-1800, Zurich 2001, p. 3, mais certains auteurs avancent des chiffres bien plus élevés.
  22. 22 Et souvent le retour était aussi rendu impossible du fait de la perte du droit de bourgeoisie.
  23. 23 Au contraire d’autres régions des Grisons, il n’existe pas d’émigration assistée dans le Tavetsch avant 1890. Ceux qui partent outre-mer ne sont pas les plus pauvres, et ils ne reviennent pas au pays. G. Decurtins, Viehzüchter, Dorfpolitiker und Emigranten. Wirtschaft und Bevölkerung des Bündner Bergtals Tavetsch um die Mitte des 19. Jahrhunderts, Mémoire de licence, Université de Zurich 1985, p. 147.
  24. 24 B. Boller, Misiones hin und zurück. Die Geschichte einer gescheiterten Wanderung aus der Sicht von remigrierten Schweizern aus Misiones in Argentinien, Mémoire de licence, Université de Fribourg 1991.
  25. 25 FF, 1935, vol. 2, p. 305: «Nous ne connaissons aucun exemple de colonies suisses qui n’aient à se souvenir de lourds sacrifices et de déboires, et nombreuses sont celles qui ont succombé.»
  26. 26 Descurtins (voir note 23), p. 139.
  27. 27 A.-L. Head-König, «Les migrations traditionnelles des Suisses: migrations de masse et migrations
  28. 28 A.-L. Head-König, «Hommes et femmes dans la migration: la mobilité des Suisses dans leur pays et en Europe (1600-1900)», in: A. Eiras Roel, O. Rey Castelao (éd.), Migrations internes et medium-distance en Europe, 1500-1900. Ière Conférence européenne de la Commission internationale de démographie historique, Santiago de Compostela 1993, Santiago de Compostela 1993, p. 205-225, ici p. 234 ss.
  29. 29 R. Bühler et al., Schweizer im Zarenreich. Zur Geschichte der Auswanderung nach Russland, Zürich 1985, p. 299.
  30. 30 Pour les Grisons, voyez J. Mathieu, Bauern und Bären: eine Geschichte des Unterengadins von 1650 bis 1800, Chur 1987, p. 229.
  31. 31 L. Lorenzetti, «L’emigrazione ticinese tra il 1850 e il primo dopoguerra: tendenze, specificità regionali, percorsi», in: Partire per il mondo. Emigranti ticinesi dalla metà dell Ottocento,Castagnola 2007, p. 47.
  32. 32 Ainsi la commune de Rothrist, en Argovie, finance le départ de 305 personnes en 1855, soit 13% de la population, mais moins de la moitié des personnes part de son plein gré. Cf. A. Schriber-Wyss, Die Rothrister Auswanderung von 1855, Zofingen 1994, pp. 45, 64, 79.
  33. 33 A titre d’exemple, voyez K. Anderegg, «Auswanderung und Delinquenz: das Abschieben von Walliser Strafgefangenen nach Amerika im dritten Viertel des 19. Jahrhunderts», Schweizerisches Archiv für Volkskunde, 80, 1984, pp. 183-200.
  34. 34 Il s’agit d’un phénomène non négligeable. Entre 1875 et 1898, le canton procède à l’expulsion de 10’319 personnes.
  35. 35 M.-R. Stahel, «Rückwanderung in die Schweiz. Dargestellt in einzelnen Fällen aus den Kantonen Zürich, Bern, Genf. Diplomarbeit der sozialen Frauenschule Genf», Schweizerische Zeitschrift für Hygiene und Archiv für Wohlfahrtspflege, 13, 1933, pp. 725-726.
  36. 36 Les grandes difficultés qu’entraîne le retour forcé est bien décrit dans le cas du retour des Russes à Mollis considéré comme un déclassement social. L’exil géographique se double d’un exil intériorisé et le refus d’intégration des parents s’accompagne de l’interdiction faite aux enfants de parler une langue autre que le russe alors qu’ils fréquentent l’école du village. Cf. Bühler et al. (voir note 29), pp. 213-214.
  37. 37 Ainsi, en 1927, 7164 émigrés sont assistés par les sociétés de bienfaisance suisses à l’étranger et 575 sont rapatriés; en 1932, 9445, respectivement 718. Cf. Stahel (voir note 35), p. 726.