Odes (Horace, Séguier)/II/3 - À Q/ Dellius

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Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 58-59).


III

À Q. DELLIUS


Au sein des revers souviens-toi de nourrir
Une humeur égale, et jamais ne déploie
      Dans la chance une insolente joie,
   Ô Dellius, puisque tu dois mourir,

Soit que le malheur sans répit te consterne,
Soit qu’aux jours chômés pressant un doux gazon,
      À l’écart, de sa vieille prison
   Ta main ravie épanche un gai falerne.

Vois-tu ce pin svelte et ce blanc peuplier
Aimant à confondre, en voûte hospitalière,
      Leurs rameaux ? Vois-tu cette onde claire
   Précipitant son cours irrégulier ?


Que là, par tes soins, vins et parfums s’apprêtent,
Mêlés à la rose, éphémère ornement,
      Tant que l’âge et l’horizon clément
   Et les fils noirs des trois Sœurs le permettent.

Il faudra quitter ces beaux parcs, ce palais,
Et cette villa que baigne l’or du Tibre :
      Tout quitter ! un héritier sans fibre
   S’emparera de ces trésors complets.

Riche, et descendant de l’Inachus antique,
Ou bien, sur la paille, infime rejeton
      D’indigents, il n’importe : Pluton
   Te rangera sous son sceptre horrifique.

Chacun va poussé vers le même séjour,
Le nom de chacun tourne en l’urne fatale :
      Qu’on l’appelle, et la barque infernale
   Mène à l’exil qui n’a point de retour.