Notice sur les travaux scientifiques de Pierre Curie

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NOTICE
SUR LES
TRAVAUXSCIENTIFIQUES
DE
M. P. CURIE.

Voici la liste des travaux scientifiques que j’ai exécutés depuis 1880, époque à laquelle j’ai commencé à faire des recherches :

1o  Une courte étude sur les longueurs d’ondes calorifiques et la distribution de la chaleur dans le spectre (en collaboration avec P. Desains).

2o  Une série de recherches (en collaboration avec mon frère J. Curie) sur la piézo-électricité, phénomène électrique découvert par nous dans certains cristaux.

3o  En collaboration avec mon frère J. Curie, une série de recherches expérimentales sur un phénomène de dilatation électrique des cristaux, phénomène réciproque de la piézo-électricité et dont l’existence avait été prévue par M. Lippmann.

4o  Études théoriques sur la symétrie en Cristallographie et en Physique. Ces études m’ont souvent servi de guides dans mes recherches expérimentales.

5o  Une longue série de recherches sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures. Ces recherches ont porté sur plus de 20 corps différents ; elles étaient faites en vue de préciser les liaisons et les transitions qui peuvent exister entre les propriétés des corps lorsqu’ils sont à l’état diamagnétique, faiblement magnétique ou ferromagnétique.

Les théories propres à expliquer les phénomènes magnétiques devront satisfaire aux lois que j’ai établies.

6o  Une étude faite en collaboration avec Mme Curie sur les substances nouvelles fortement radioactives que nous avons découvertes : le polonium et le radium.

Le radium constitue un élément nouveau de la série des métaux alcalino-terreux.

Les propriétés des rayons émis par le radium sont nouvelles et variées. Il semble y avoir dans l’espace des sources d’énergie qui nous sont inconnues.

7o  Une étude faite en collaboration avec Mme Curie, puis avec M. Debierne, sur la radioactivité induite. Cette étude montre que tous les corps peuvent acquérir temporairement les propriétés fortement radioactives du radium.

8o  Recherches sur la charge électrique des rayons secondaires des rayons de Röntgen (en collaboration avec M. Sagnac).

9o  Réalisation d’un certain nombre d’instruments nouveaux : quartz piézo-électrique, électromètres, condensateur à anneau de garde, balances apériodiques.


RÉSUMÉ ANALYTIQUE.


Recherches sur la chaleur rayonnante.

EN COLLABORATION AVEC M. P. DESAINS.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 28 juin 1880.)

Le but de cette étude était la mesure de la longueur d’onde des rayons calorifiques obscurs très peu réfrangibles et la recherche de la loi de distribution de la chaleur dans les spectres d’émission en fonction de la longueur d’onde. On employait comme source d’émission des corps couverts de noir de fumée portés à diverses températures.

Pour faire les mesures de longueurs d’onde, on formait, à l’aide d’un prisme de sel gemme, le spectre d’un corps incandescent ; on isolait, au moyen d’une fente, dans une région connue du spectre invisible, un pinceau de rayons sensiblement homogènes. On mesurait ensuite la longueur d’onde de ce pinceau de rayons au moyen d’un réseau formé d’une série de fils métalliques tendus et d’une pile thermo-électrique. Après avoir déterminé la longueur d’onde dans les diverses régions du spectre, on cherchait la loi de distribution de la chaleur dans ce spectre pour diverses sources. Nous avons étendu la mesure des grandes longueurs d’onde jusqu’à 7μ.

Le principal mérite de ce travail a été d’être un des premiers en date : la méthode employée par nous a été utilisée depuis dans des recherches plus précises.

Les travaux considérables de Langley, de Rubens, de Paschen, de Lummer, de Wien ont depuis fixé l’attention des physiciens sur ces importantes questions.

Recherches sur la piézo-électricité.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Bulletin de la Société de Minéralogie, t. III, 1880, p. 90. — Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. XCI, p. 383 ; t. XCII, 1881, p. 186 et 350 ; t. XCIII, p. 204. — Journal de Physique, 2e série, t. I, 1882, p. 245.)

Le point de départ de ce travail a été la découverte faite par nous d’un phénomène nouveau : celui de la piézo-électricité. Ce phénomène consiste en un dégagement d’électricité qui se produit dans certains cristaux (quartz, tourmaline, blende, etc.), lors d’une déformation mécanique. La piézo-électricité présente de grandes analogies avec la pyro-électricité, qui est un des phénomènes électriques le plus anciennement connus. Nous avons fait une étude complète du nouveau phénomène, établi les conditions de symétrie nécessaires à sa production dans les cristaux, déterminé les lois du dégagement électrique et mesuré les constantes caractéristiques en valeur absolue pour certains cristaux. Les recherches de MM. Röntgen, Kundt, Czermak, Voigt, Riecke, sur le phénomène que nous avons découvert, ont étendu les résultats de nos travaux.

M. Voigt a édifié une théorie générale complète de la piézo-électricité. Les matières cristallisées se classent naturellement en 32 familles distinctes les unes des autres par les éléments de symétrie de la forme extérieure. Les matières cristallisées qui se rapportent à 21 de ces familles sont susceptibles de donner des phénomènes piézo-électriques, par déformation mécanique homogène. Dans chacune de ces 21 familles, le phénomène piézo-électrique est défini par un certain nombre de coefficients. Il faut, par exemple, 2 coefficients distincts pour complètement définir les propriétés électriques du quartz, lors d’une déformation mécanique homogène quelconque. Il faut 4 coefficients dans le cas de la tourmaline, etc.

Considérons, à titre d’exemple, un parallélépipède rectangle taillé dans un bloc de quartz. Deux faces sont normales à l’axe optique (axe ternaire), deux faces sont normales à un des axes binaires. Si l’on exerce une traction dans un sens normal à la fois à l’axe optique et à l’axe binaire, le cristal se polarise électriquement dans le sens de l’axe binaire et les deux faces qui lui sont normales semblent chargées de deux couches d’électricité de nom contraire. Si l’on recouvre ces faces de feuilles d’étain, on forme un condensateur qui se charge d’électricité quand on exerce la traction. On peut décharger ce condensateur en faisant communiquer un instant les armatures par un fil métallique. Si l’on fait ensuite cesser la traction, le condensateur se charge de nouveau, mais les charges sur chaque face sont égales et de signe contraire à celles obtenues dans la première expérience.

Nous avons réalisé sur ce principe un appareil qui constitue un étalon de quantité d’électricité parfaitement constant : une lame de quartz longue et mince, convenablement taillée, est mastiquée en H et B à ses deux extrémités (fig. 1) dans des pièces métalliques. Fig. 1.
Ces pièces servent à transmettre une traction exercée à l’aide de poids placés dans un plateau (fig. 2). L’extrémité H est suspendue à un crochet fixe. À l’extrémité inférieure B vient s’accrocher une tige qui transmet la traction des poids. Les faces opposées de la lame de quartz (fig. 1) sont recouvertes de feuilles d’étain, telles que mn, m′n′, isolées, sur lesquelles se dégage l’électricité. Les ressorts légers rr′ mettent ces feuilles d’étain en communication avec les appareils électriques.

La quantité d’électricité dégagée par la lame cristalline est proportionnelle au poids placé dans le plateau. Elle est indépendante de la température. On peut utiliser cette lame piézo-électrique comme étalon dans les recherches où l’on a à mesurer des charges électriques faibles.

Pour expliquer les phénomènes pyro- et piézo-électriques on est conduit à imaginer une sorte de polarisation électrique primordiale des molécules des Fig. 2.
corps cristallisés. Une hétérogénéité dans les parties opposées des molécules peut aussi donner une explication suffisante. Nous avons montré, par exemple, qu’on obtiendrait des phénomènes analogues à ceux de la piézo-électricité en utilisant les phénomènes dits de force électromotrice de contact. Il suffit d’empiler sous forme de colonne des bilames zinc-cuivre soudées (éléments de Volta), en ayant soin d’orienter toutes les bilames dans le même sens et de les séparer les unes des autres par des cales de caoutchouc. Les lames extrêmes se chargent d’électricité de nom contraire quand on exerce une pression sur cette colonne. Lord Kelvin considère qu’à cette image des phénomènes correspond la théorie moléculaire la plus satisfaisante des phénomènes piézo-électriques.

Nous avons fait, mon frère et moi, ce travail dans le laboratoire de Friedel, qui venait de publier lui-même des recherches sur la pyro-électricité. Qu’il me soit permis de rendre hommage à la mémoire de ce maître bienveillant, qui savait communiquer à ceux qui l’entouraient son amour pour la Science.

Recherches sur les déformations électriques de la tourmaline et du quartz.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. xciii, 1881, p. 1137 ; t. xcviii, 1882 ; t. cvi, 1888, p. 1287. — Journal de Physique, 2e série, t. viii, 1889, p. 149.)

M. Lippmann a montré, en s’appuyant sur les deux principes de la thermodynamique et sur le principe de la conservation de l’électricité, que les corps piézo-électriques doivent se déformer lorsqu’on les place dans un champ électrique. La théorie de M. Lippmann permet de calculer la nature et la grandeur des déformations lorsque l’on connaît les constantes piézo-électriques de la substance étudiée.

Nous avons établi par trois méthodes expérimentales différentes l’exactitude de ces prévisions et montré que la grandeur des dilatations électriques qui se produisent est en accord avec la théorie. Les déformations sont proportionnelles au champ électrique.

La difficulté de cette recherche résidait dans la petitesse des déformations qu’il s’agissait d’observer. Nous avons mesuré la dilatation ou la contraction qui se produit dans une direction normale à celle du champ électrique, par une méthode directe, en augmentant seulement les déplacements au moyen d’un levier amplificateur dont on observait l’extrémité au microscope. Nous avons ensuite rendu les effets de déformation directement visibles en utilisant l’artifice employé par Bréguet dans son thermomètre métallique. Des lames de quartz sont collées l’une sur l’autre ; les orientations sont telles que l’une des lames se raccourcit tandis que l’autre s’allonge sous l’action d’un champ électrique que l’on crée en établissant une différence de potentiel entre les deux faces argentées de cette bilame. Il en résulte que la bilame se courbe sous l’action électrique.

Enfin, nous avons étudié l’effet de déformation, encore beaucoup plus petit, qui se produit dans le sens du champ électrique par un procédé indirect extrêmement sensible et qui pourrait recevoir d’autres applications. Ce procédé repose sur la remarque suivante : Supposons qu’un corps solide, un prisme de verre par exemple, ayant 1cm² de base, éprouve sous l’action d’un agent physique quelconque une variation égale à un millionième dans sa longueur ; cette quantité sera difficilement constatable par un procédé direct. Mais si l’on s’oppose, d’une manière absolue, à ce que cette variation de longueur se produise, en maintenant les deux extrémités du prisme entre deux pièces indéformables, l’action de l’agent physique sera d’accroître considérablement la pression. Cette variation de pression serait de 1kg dans l’exemple que nous avons choisi.

Les blocs de quartz a′, b′, c′ (fig. 3) sont maintenus serrés dans une presse et séparés par des plateaux métalliques entre lesquels on établit une différence de potentiel électrique au moyen de la machine électrique M. Fig. 3.
Pour déceler la variation de pression, on utilise les phénomènes de la piézo-électricité elle-même. Trois lames de quartz a, b, c, serrées dans la même presse, donnent, lors d’une variation de pression, un dégagement électrique que l’on utilise pour faire dévier un électromètre e. Des écrans métalliques T, T′ séparent, au point de vue électrique, les diverses parties de l’appareil. Le dynamomètre piézo-électrique ainsi constitué est capable de déceler un effort de quelques grammes.

Études théoriques sur la symétrie en Cristallographie et en Physique.

Bull. de la Soc. de Min., t. VII, 1884, p. 89 et 418. — Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. C, 1885, p. 1393. — Archives des Sciences phys. et nat. Genève, t. XXIX, 1893, p. 337. — Journal de Physique, 3e série, t. III, 1894, p. 343 et 415. — Journal Lumière électrique, 1895.

L’étude des phénomènes physiques qui se produisent dans un milieu cristallin a fait faire un grand progrès à la Physique proprement dite. L’étude des liaisons qui existent entre les propriétés physiques de la matière et la symétrie cristalline a été l’origine de grandes découvertes dont les travaux de Pasteur donnent l’exemple le plus célèbre. La constitution de la matière cristallisée est extrêmement variée et, par suite, les phénomènes qui se produisent dans cette matière présentent eux-mêmes une grande diversité. La théorie moléculaire de Bravais, qui est en accord parfait avec l’expérience, classe, en effet, les matières cristallisées en 32 familles qui se distinguent les unes des autres par la symétrie des formes extérieures. Les travaux théoriques de Bravais, Jordan, Sohnke, Schoenfliess et Fedorow ont montré que les matières cristallisées de chaque famille peuvent être constituées de plusieurs façons différentes, de telle sorte que l’on peut imaginer 230 types pour la symétrie interne de la matière cristallisée.

Les agents physiques produisent des effets différents dans les divers milieux cristallins, non seulement parce que ces milieux n’ont pas la même symétrie, mais aussi parce que les agents physiques eux-mêmes agissent avec une dissymétrie qui leur est propre.

J’ai cherché à définir la dissymétrie qui accompagne nécessairement un état physique donné de l’espace. Les physiciens invoquent fréquemment la notion de symétrie dans leurs raisonnements, mais ils négligent le plus souvent de préciser la question et, par suite, de tirer de la raison de symétrie tout le parti possible. Je pense qu’il convient d’utiliser en Physique les théories établies par les cristallographes.

Tout milieu, cristallisé ou non, possède dans un état physique déterminé une symétrie déterminée. Les éléments de symétrie ne sont cependant pas associés d’une façon quelconque ; certains groupes seuls sont possibles. Il existe un nombre infini de groupes possibles, et l’on peut les classer en 19 familles générales. Bravais, dans une étude magistrale, a établi cette classification générale qui constitue, en quelque sorte, l’introduction à la théorie de la constitution des corps cristallisés.

J’ai fait une étude sur les théorèmes qui établissent cette classification générale, et j’ai donné à ces théorèmes une forme plus simple, en modifiant certaines définitions. Enfin, j’ai montré que les axes, les plans et les centres de symétrie ne sont pas suffisants pour définir complètement la symétrie d’un système ; il est nécessaire de considérer encore de nouveaux éléments de symétrie, des plans de symétrie rotatoire ou translatoire pour lesquels la transformation symétrique consiste en un mirage accompagné d’une rotation ou d’une translation.

J’ai ensuite examiné l’application de cette classification aux états de l’espace créés par les agents physiques. Pour que l’on puisse réaliser un certain état de l’espace, il faut que les causes qui lui donnent naissance soient dépourvues de certains éléments de symétrie ; autrement dit, une dissymétrie déterminée est indispensable pour qu’un phénomène donné puisse se produire. Conformément à ce qui précède, j’appelle symétrie caractéristique d’un état de l’espace le groupe d’éléments de symétrie le plus élevé compatible avec l’existence de cet état. La dissymétrie nécessaire est alors parfaitement définie. On peut, par exemple, énoncer quelle est la symétrie caractéristique d’un état de tension mécanique, de l’état de champ électrique, de l’état de champ magnétique, d’un milieu homogène doué de pouvoir rotatoire, etc.

Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets produits.

Lorsque certains effets révèlent une certaine dissymétrie, cette dissymétrie doit se retrouver dans les causes qui lui ont donné naissance.

Ces deux propositions servent à établir quelle est la symétrie caractéristique des divers états de l’espace et à tirer des raisons de symétrie toutes les conséquences qu’elles sont capables de donner.

Les grandeurs dirigées, dites vectorielles, sont de plusieurs espèces, distinctes au point de vue de la symétrie. Les vecteurs peuvent avoir la symétrie du tronc de cône circulaire droit (vecteurs polaires) ; tels sont une vitesse, un champ électrique. Les vecteurs peuvent avoir la symétrie d’un cylindre circulaire droit en rotation autour de son axe (vecteurs axiaux) ; tel est le champ magnétique. Un état de l’espace peut encore être caractérisé par des grandeurs dirigées qui ne sont pas vectorielles. Ces grandeurs dirigées peuvent, par exemple, avoir comme symétrie caractéristique celle du cylindre circulaire droit (tenseurs) ; tel est le cas d’une tension mécanique linéaire exerçant son action sur un corps solide. J’ai attiré l’attention sur ces distinctions nécessaires. Les noms de vecteur polaire, vecteur axial, tenseur sont dus à M. Voigt.

On peut envisager comme introduction aux théories de la Physique des théories très générales dans lesquelles la nature des phénomènes n’est pas précisée, mais où l’on spécifie la symétrie caractéristique des grandeurs dirigées données qui interviendront comme causes dans la production des phénomènes, et la symétrie caractéristique des grandeurs dirigées qui représenteront les effets produits. On pourra considérer de plus le cas où le milieu dans lequel agissent les causes est lui-même doué d’une certaine dissymétrie (cas de la matière cristallisée). Mallard, dans son Traité de Cristallographie physique, a déjà traité ainsi certaines questions, et récemment M. Voigt est résolument entré dans cette voie dans une étude sur les propriétés physiques des corps cristallisés. Une théorie ainsi généralisée peut ensuite servir à l’étude d’un grand nombre de phénomènes de nature différente, dans lesquels interviennent des grandeurs de symétrie semblable. Mais l’avantage principal d’une pareille théorie est de pouvoir distinguer, dans l’étude d’un phénomène particulier, quels sont les faits qui sont une conséquence nécessaire de la nature générale des phénomènes, quels sont ceux qui peuvent être considérés, au contraire, comme caractéristiques du phénomène étudié.

Recherches sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures.

(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXV, 1892, p. 805 et p. 1292 ; t. CXIV, 1893, p. 136 ; t. CXVIII, 1894, p. 796, 859 et 1134. — Journal de Physique, 3e série, t. IV, 1895, p. 197 et 263. — Annales de Chimie et de Physique, 1895. — Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.)

Les corps se divisent, au point de vue de leurs propriétés magnétiques, en trois groupes distincts : les corps diamagnétiques, les corps faiblement magnétiques, les corps ferro-magnétiques. À première vue, ces trois groupes sont absolument tranchés. Le but principal de ce travail était de rechercher s’il existe des transitions entre ces trois états de la matière et s’il est possible de faire passer progressivement un même corps par ces trois états. J’ai étudié pour cela les propriétés d’un grand nombre de corps à des températures aussi différentes que possible, dans des champs magnétiques de diverses intensités.

Mes expériences n’ont amené aucun rapprochement entre les propriétés des corps diamagnétiques et celles des corps paramagnétiques, et les résultats sont favorables aux théories qui attribuent le magnétisme et le diamagnétisme à des causes de nature différente. Au contraire, les propriétés des corps ferro-magnétiques et des corps faiblement magnétiques sont reliées intimement.

Fig. 4.

D ampoule contenant le corps à étudier entre les branches de l’électro-aimant (sur la figure, le four électrique qui entoure D a été retiré), AF fil de la balance de torsion, BCD charpente soutenant l’ampoule par en dessous, M micromètre sur lequel on lit au microscope les déviations, P palette d’un amortisseur à air.

Le corps à étudier était placé dans un champ magnétique qui n’était pas uniforme et qui était créé par un électro-aimant. On mesurait, dans une étude préalable, le champ magnétique et la dérivée du champ magnétique dans la région utilisée. Les forces agissant sur le corps étaient mesurées à l’aide d’une balance de torsion (fig. 4).

Le corps était porté à une température élevée, tout en étant placé entre les branches de l’électro-aimant. Il était pour cela soutenu par la tige de la balance de torsion au milieu d’un four électrique en porcelaine dure qui était chauffé par un courant électrique circulant dans un fil de platine (fig. 5). On peut, par ce procédé de chauffage dû à M. Ledebœr, obtenir des températures élevées et les maintenir rigoureusement constantes. Le four était seulement ouvert à la partie inférieure pour éviter les courants d’air. Les expériences ont été faites, pour certains corps, depuis la température ambiante jusqu’à 1400°, et j’ai pu dans une enceinte, à cette température élevée, mesurer des forces de l’ordre de grandeur de 1/100 de milligramme.

Fig. 5.

a ampoule contenant le corps à étudier, tt tige de porcelaine soutenant l’ampoule, TTT tube métallique formant charpente et faisant partie de l’équipage mobile de la balance de torsion, pppPPP four en porcelaine, fff fil de platine pour le courant qui sert à chauffer le four, ccc couple Le Chatelier, ABC écran à circulation d’eau, EEEvvv caisse en bois et tube de verre pour protéger des courants d’air.

Le coefficient d’aimantation des corps diamagnétiques est remarquablement constant ; en général, il ne varie pas avec la température d’une façon notable et n’éprouve que des variations peu sensibles lorsqu’il se produit un changement d’état physique, Le bismuth fait exception ; le coefficient d’aimantation du bismuth solide diminue linéairement en valeur absolue quand la température s’élève. Le coefficient d’aimantation spécifique du bismuth devient, par fusion, 25 fois plus faible (fig. 6).

Fig. 6.

Coefficient d’aimantation spécifique de quelques corps diamagnétiques à diverses températures.

Fig. 7.

Coefficient d’aimantation spécifique de l’oxygène à diverses températures.

Le coefficient d’aimantation spécifique des corps faiblement magnétiques varie en raison inverse de la température absolue, et cette loi simple se vérifie pour les corps solides et liquides, et aussi pour l’oxygène gazeux (fig. 7).

Les corps ferro-magnétiques se transforment quand on les chauffe au-dessus d’une certaine température (température de transformation magnétique). Ils deviennent faiblement magnétiques.

Fig. 8.

Intensité d’aimantation spécifique du fer à diverses températures pour divers champs magnétisants , depuis jusqu’à . À partir de 750° on a seulement représenté pour . À partir de 770°, décroît avec une telle rapidité que les courbes (2), (3), (4), (5) représentent respectivement multiplié par 10, 100, 1000, 5000.

J’ai étudié, pour divers champs magnétisants, la manière dont se fait cette transformation. Le coefficient d’aimantation éprouve une baisse considérable quand la température s’élève. Pour une température suffisamment élevée au-dessus du point de transformation, le coefficient d’aimantation devient indépendant du champ magnétisant et varie en raison inverse de la température absolue. Cette loi de variation qui caractérise les corps faiblement magnétiques constitue donc une loi limite pour les corps ferro-magnétiques aux températures élevées (fig8 et 9).

La loi de variation de l’intensité d’aimantation en fonction de la température absolue pour les corps faiblement magnétiques est la même que celle qui relie la densité d’un gaz parfait à la température absolue. Cette analogie se poursuit plus loin, et la loi de variation de l’intensité d’aimantation avec la température pour divers champs magnétisants, dans le voisinage de la température de transformation magnétique, est entièrement analogue à la façon dont varie la densité d’un fluide en fonction de la température pour diverses pressions dans le voisinage de la température critique.

Les lois que j’ai trouvées pour la variation des coefficients d’aimantation avec la température, pour les corps magnétiques et diamagnétiques, constituent des conditions bien nettes auxquelles devront satisfaire les théories par lesquelles on cherchera à expliquer ces phénomènes.

Fig. 9.

Logarithme du coefficient d’aimantation spécifique en fonction du logarithme de la température absolue pour divers corps magnétiques. Pour l’oxygène, le sulfate de fer, le palladium, varie en raison inverse de , et les courbes en logarithmes sont des droites parallèles entre elles. Les corps ferro-magnétiques tendent à devenir des droites de même inclinaison aux températures élevées. À 860° et à 1280° on voit l’effet produit par les transformations allotropiques du fer.

Enfin, l’étude des propriétés magnétiques du fer a permis d’obtenir des indications utiles sur les transformations allotropiques de ce métal aux températures élevées. En plus de la transformation avec perte des propriétés ferro-magnétiques qui s’accomplit progressivement vers 750°, le coefficient d’aimantation du fer à l’état faiblement magnétique éprouve des variations brusques à 860° et 1280°.

Recherches sur les substances radioactives nouvelles.

EN COLLABORATION AVEC Mme M.-S. CURIE.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXXVII, 1898, p. 175 et 1215 ; t. CXXIX, 1899, p. 714, 760 et 823 ; t. CXXX, 1900, p. 73, 647 et 1072 ; t. CXXXI, p. 382 ; t. CXXXII, 1901, p. 1289 ; t. CXXXIV, 1902, p. 420. — Congrès de Physique, Paris, 1900.)

Ces recherches ont leur point de départ dans les travaux de M. Becquerel sur les rayons nouveaux émis spontanément par l’uranium et ses composés. Les rayons émis traversent les corps opaques à la lumière ; ils impressionnent les plaques photographiques et rendent l’air conducteur de l’électricité.

Les recherches de M. Becquerel, de M. Schmidt, de Mme Curie ont établi que la radioactivité est une propriété atomique attachée aux atomes d’uranium et de thorium. Mme Curie a montré par de nombreuses mesures que le rayonnement de l’uranium est constant et reprend la même valeur quand, après diverses transformations chimiques et physiques, la substance reprend son état initial. De tous les corps connus, l’uranium, le thorium et leurs composés s’étaient seuls montrés radioactifs. Les matières qui renferment ces métaux émettent un rayonnement d’autant plus faible qu’elles contiennent une plus forte proportion de substances inactives.

Mme Curie avait remarqué cependant que certains minéraux contenant de l’uranium et du thorium sont plus actifs que ces métaux eux-mêmes. Nous avons recherché si ces minéraux (pechblende, chalcolite, etc.) contiennent en petite proportion quelque substance nouvelle fortement radioactive. L’expérience a confirmé cette prévision.

La méthode de recherche que nous avons employée rappelle celle fournie par l’analyse spectrale. On opère des séparations chimiques au moyen de certains réactifs ; puis on recherche avec un dispositif électrométrique quels sont, parmi les produits séparés, ceux qui rendent l’air conducteur de l’électricité. L’électromètre devient ainsi l’auxiliaire indispensable de la recherche.

Nous avons d’abord séparé un nouveau corps extrêmement actif, qui est voisin du bismuth par ses propriétés chimiques, et nous avons appelé polonium cette espèce de bismuth actif. Puis nous avons (en collaboration avec M. Bémont) isolé un nouveau corps, le radium, excessivement actif. Le radium est un nouveau corps simple  ; il a été isolé à l’état de sel pur ; c’est l’homologue supérieur du baryum dans la série des métaux alcalino-terreux. Son poids atomique, déterminé récemment par Mme Curie, est environ 223 (recherche encore inédite). M. Demarçay a découvert et étudié le spectre du radium, qui est différent de celui de tous les autres corps et qui caractérise le nouvel élément. Enfin, M. Debierne a séparé un troisième corps extrêmement actif, l’actinium, voisin du thorium par ses propriétés. Le polonium et l’actinium sont deux substances nouvelles fortement radioactives et fort curieuses par les particularités de leur rayonnement, qui diffère de celui du radium, mais l’existence de deux nouveaux corps simples correspondants n’est encore nullement prouvée. Les trois nouvelles substances se trouvent en proportion extraordinairement faible dans les minerais d’où on les retire, et leur extraction représente un travail coûteux et pénible (une tonne de minerai renferme environ 2dg de radium).

Les rayons émis par le radium ont été étudiés par MM. Becquerel, Giesel, Meyer et Schweidler, Elster et Geitel, Kauffmann, Himstedt, par Mme Curie et par moi-même. Il serait trop long d’expliquer ici la part due à chacun et de décrire les dispositifs expérimentaux que nous avons employés. Les rayons du radium sont un million de fois plus intenses que ceux émis par l’uranium. Les rayons du radium se propagent rectilignement ; ils ne se réfléchissent pas, ne se réfractent pas. Ils agissent sur les plaques photographiques et rendent l’air conducteur de l’électricité. Ils sont formés d’un mélange de rayons analogues aux rayons de Röntgen (non déviables par un champ magnétique), et de rayons analogues aux rayons cathodiques, déviables par un champ magnétique. Les rayons analogues aux rayons cathodiques dévient aussi sous l’action du champ électrique et entraînent avec eux de l’électricité négative.

Un sel de radium, dans une ampoule scellée isolante, émet à l’extérieur de l’électricité négative et se charge spontanément d’électricité positive : c’est le premier exemple d’un corps se chargeant spontanément d’électricité.

Les rayons du radium sont formés d’un mélange de rayons de pénétrations très diverses ; certains d’entre eux sont arrêtés par une lame d’aluminium de 1/100 de millimètre d’épaisseur ; d’autres traversent plusieurs centimètres de plomb et font sentir leur action à plusieurs mètres de distance dans l’air.

Les rayons du radium provoquent la fluorescence d’un grand nombre de corps qui deviennent lumineux sous leur action. (Nous citerons les sels alcalins, les sels alcalino-terreux, les sels d’urane, le verre, le papier, la peau, etc. Mais le platinocyanure de baryum, le sulfure de zinc phosphorescent, le diamant sont particulièrement brillants.) Les corps rendus lumineux s’altèrent, changent de teinte et finissent par perdre à la longue leur propriété phosphorescente. Les sels alcalins se colorent alors en bleu, en vert ou en noir, le verre en violet ou en noir, etc.

Les sels de radium sont spontanément lumineux ; on peut admettre que leur rayonnement de Becquerel provoque sur eux-mêmes la phosphorescence.

Lorsque l’on place devant l’œil une boîte fermée, opaque pour la lumière, et renfermant du radium, on voit une lueur générale qui semble venir de tous les côtés (fig. 10). Cet effet est dû à l’action des rayons invisibles du radium sur les milieux de l’œil, qui deviennent phosphorescents et émettent de la lumière.

Fig. 10.

Radiographie obtenue avec les rayons du radium.

Les rayons du radium agissent sur l’épiderme, le rendent phosphorescent et déterminent des brûlures persistantes formant des plaies difficiles à guérir.

Les rayons du radium rendent conducteurs de l’électricité un certain nombre de liquides diélectriques, tels que l’éther de pétrole, l’huile de vaseline, l’amylène, le sulfure de carbone, l’air liquide.

La spontanéité et la constance parfaite du rayonnement de l’uranium et du radium sont des causes d’étonnement profond ; on est obligé d’imaginer qu’il y a eu là autrefois un assez grand emmagasinement d’énergie sous une forme qui nous est inconnue, ou bien qu’il y a actuellement dans l’espace des sources d’énergie qui nous échappent et que ces corps savent utiliser.

Recherches sur la radioactivité induite.

EN COLLABORATION SOIT AVEC Mme CURIE, SOIT AVEC M. A. DEBIERNE.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXXIX, 1899, p. 714 ; t. CXXXII, 1901. p. 548 et 768 ; t. CXXXIII, 1901, p. 276 et 931.)

Nous avons vu que le radium émet des rayons déviables et des rayons non déviables. Il émet encore quelque chose qui n’est pas un rayonnement et qui se propage de proche en proche dans l’air et dans le vide.

Toute substance placée un temps suffisant au voisinage du radium ou de l’actinium acquiert, en effet, des propriétés radioactives qu’elle conserve encore quelque temps lorsqu’on l’éloigne du corps radioactif : c’est la radioactivité induite. Le phénomène se produit régulièrement et d’une façon intense quand on place le corps que l’on désire activer dans une même enceinte fermée avec un sel de radium. Enfin l’intensité de la radioactivité induite est encore plus forte si le sel de radium, au lieu d’être à l’état solide, est dissous dans l’eau, la solution étant placée dans l’enceinte close. Toutes les parois de l’enceinte, tous les corps placés dedans sont activés.

La radioactivité induite ainsi créée n’est pas due au rayonnement, car elle se manifeste sur tous les corps placés dans l’enceinte, même sur ceux qui sont protégés par un écran de l’action des rayons. Enfin, si le radium est enfermé dans un tube de verre scellé à la lampe, la radioactivité induite ne se produit pas à l’extérieur du tube, qui cependant est traversé par une partie des rayons. La radioactivité induite est due à quelque chose de nature inconnue, qui émane du radium, se propage de proche en proche dans l’air et dans le vide et ne peut traverser une paroi solide.

La radioactivité induite est indépendante de la nature du corps influencé. Le papier, le verre, le plomb s’activent de la même manière quand ils sont placés dans les mêmes conditions, dans une enceinte activante. Tous les corps solides, liquides, gazeux peuvent ainsi être amenés à un état tel qu’ils soient temporairement radioactifs aussi fortement que le radium lui-même ; ils émettent alors le même rayonnement que lui.

Quand on retire de l’enceinte le corps activé, l’activité disparaît avec le temps suivant une loi exponentielle. Si le corps activé est laissé à l’air libre, l’activité disparaît en un jour ; si le corps activé est laissé dans une enceinte close qui ne contient pas le radium, l’activité disparaît encore progressivement, mais bien plus lentement qu’à l’air libre ; elle disparaît presque complètement en un mois.

Une solution de radium située dans un premier ballon B (fig. 11) peut communiquer son activité à distance par un tube de verre T aux parois d’un second ballon B′ ; le phénomène se produit encore quand le tube de verre Fig. 11.
de communication est un tube capillaire de plusieurs mètres de long. Une substance phosphorescente placée en CD dans le deuxième ballon devient brillamment lumineuse.

Dans une expérience de ce genre, la solution de radium perd une partie de son activité, qui, au lieu de se dégager là où se trouve le radium, se dégage au loin par une sorte d’extériorisation de l’activité radiante. Le mécanisme qui précède est bien mis en évidence quand on laisse une solution de radium dans un vase ouvert dans une chambre. La solution, bien que renfermant le radium, perd toute son activité, qui se répand au contraire sur les parois de la pièce. Si l’on met ensuite la solution de radium en tube scellé, elle reprend spontanément mais assez lentement son activité primitive.

Le polonium ne provoque pas l’activité induite. Au contraire, l’actinium donne ces phénomènes avec une intensité extrême. Le thorium les donne, comme l’a montré M. Rutherford, mais avec une intensité bien moindre. M. Rutherford a montré aussi que l’activité induite se produit d’une façon plus intense sur les corps chargés d’électricité négative. Il y a là un fait nouveau très important.

En résumé, il émane de certains corps radioactifs quelque chose qui est capable de transporter au loin, d’extérioriser l’activité, et ce qui rend ce phénomène remarquable, c’est que rien d’analogue ne se produit dans aucun phénomène connu. Un tube de Crookes nous fournit des rayons déviables et non déviables très analogues à ceux émis par les corps radioactifs, mais on ne sait encore avec aucun appareil créer les phénomènes de radioactivité induite.

Recherches sur la charge électrique des rayons secondaires des rayons de Röntgen.

EN COLLABORATION AVEC M. G. SAGNAC.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXXX, p. 1013. — Journal de Physique, 1901)

Les rayons secondaires découverts par M. Sagnac prennent naissance partout où les rayons de Röntgen rencontrent un corps matériel. Ce rayonnement secondaire, moins pénétrant que le rayonnement de Röntgen qui lui donne naissance, rappelle par ses propriétés le rayonnement spontané des corps radioactifs. Nous avons trouvé que l’analogie se poursuit assez loin et que les rayons secondaires transportent avec eux des charges négatives, pendant que les corps qui les émettent se chargent positivement. Une partie du rayonnement est donc formée de rayons analogues aux rayons cathodiques.

On ne peut constater dans l’air les faibles charges électriques transportées par les rayons secondaires, parce que l’air est rendu conducteur par les rayons qui le traversent. Pour constater le phénomène, nous avons opéré dans un vide très parfait : une lame de métal, située dans le vide et en relation électrique avec un électromètre, reçoit un faisceau de rayons de Röntgen ; le métal émet des rayons secondaires et se charge positivement pendant que les corps environnants se chargent négativement en absorbant les rayons. Le phénomène est intense lorsque le métal soumis à l’action des rayons de Röntgen possède un gros poids atomique.

Ainsi, lorsque les rayons cathodiques rencontrent un corps, celui-ci devient le siège d’une émission de rayons de Röntgen, et, réciproquement, quand les rayons de Röntgen rencontrent un corps matériel, ce corps émet un rayonnement en partie analogue à celui des rayons cathodiques.


RECHERCHES DIVERSES.


Sur la formation des cristaux et sur les constantes capillaires des diverses faces.

(Bulletin de la Société de Minéralogie, t. VIII, 1885, p. 145.)

Études sur le mouvement oscillatoire amorti.

(Journal Lumière électrique, 1891.)

Sur l’équation réduite de Van der Waals.

(Archives des Sciences physiques et naturelles de Genève, t. XXVI, 1897, p. 13.)

Sur l’emploi des condensateurs à anneau de garde et des électromètres absolus.

(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXV, 1892, p. 1068. — Journal de Physique, 3e série, t. II, 1893, p. 265.)

APPAREILS NOUVEAUX.


Quartz piézo-électrique.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Journal Lumière électrique, t. XXII, 1886, p. 57. — Annales de Chimie et de Physique, 6e série, t. XVII, 1889, p. 385.)

Cet appareil constitue un étalon d’électricité statique parfaitement constant. On provoque le dégagement électrique en plaçant des poids dans un plateau ; le dégagement est proportionnel à la charge dans le plateau (voir fig1 et 2).

Électromètre apériodique.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Journal Lumière électrique, t. XXII, 1886, p. 57 et 145.)

Les quadrants de cet électromètre sont en acier aimanté. Les courants d’induction prennent naissance dans l’aiguille mobile et déterminent l’amortissement.

Électromètre à bilame de quartz.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CVI, 1888, p. 1287. — Journal de Physique, 2e série, t. VIII, 1889, p. 149.)

Cet appareil n’a pas donné de bons résultats pratiques ; au bout de quelques mois, les lames de quartz, très minces, se clivent spontanément lorsque le baume de Canada qui sert à les coller se dessèche.

Électromètre astatique pouvant servir comme wattmètre.

EN COLLABORATION AVEC M. R. BLONDLOT.
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CII, 1888, p. 811.
Journal de Physique, t. VIII, p. 80.)

Cet instrument est une modification de l’électromètre à quadrants de lord Kelvin. L’équipage mobile est seulement formé d’un système de quatre secteurs métalliques analogues aux secteurs fixes. L’appareil étant plus symétrique, la formule qui donne les déviations est plus simple et plus rigoureuse. La déviation est proportionnelle au produit de deux différences de potentiel.

Électroscope pour l’étude des corps radioactifs.

(Bulletin de la Société de Physique, janvier 1900.)

Condensateur absolu à anneau de garde.

EN COLLABORATION AVEC M. J. CURIE.
(Annales de Chimie et de Physique, 6e série, t. XVIII, p. 385.)

Nous avons réalisé, mon frère et moi, un condensateur à anneau de garde en prenant comme plateaux deux plaques de verre épaisses argentées à la surface. La séparation entre l’anneau de garde et la partie centrale du plateau se fait à l’aide d’un trait très fin tracé dans l’argenture. Les surfaces de verre sont très bien travaillées et les conditions théoriques se trouvent parfaitement réalisées. Les deux plateaux sont séparés par des cales de quartz qui isolent très bien, parce que l’axe optique est parallèle aux plateaux.

Dans les mesures, il y a avantage à charger la partie centrale du plateau à anneau de garde avec une pile et à mettre l’anneau de garde à terre ; on utilise pour la mesure la charge induite sur le deuxième plateau. Bien que la disposition des lignes de force soit alors complexe (fig. 12), la charge induite se calcule (d’après un théorème connu d’Électrostatique) Fig. 12.
par la même formule simple que dans le dispositif ordinaire à champ uniforme (les fig12 et 12 bis donnent la disposition des lignes de force Fig. 12 bis.
dans les deux cas). En opérant par cette méthode, on a un très bon isolement électrique pour le conducteur dont la charge est utilisée dans les mesures.

Dynamomètre de transmission avec système de mesure optique.

(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CIII, 1886, p. 45.)

Balance de précision apériodique et à lecture directe des derniers poids.

(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CIII, 1888. — Journal de Physique, 2e série, t. IX, 1890, p. 138.)

Les oscillations de la balance sont amorties par des amortisseurs à air. L’usage des petits poids est supprimé par l’emploi d’un microscope et Fig. 13.
d’un micromètre. Lorsque l’équilibre est établi à 1dg près, par exemple, on laisse le fléau s’incliner sous l’action de la différence de charge, et on lit sur le micromètre le poids nécessaire pour l’équilibre avec la précision de 1/10 de milligramme. On réalise encore sur le même principe des balances précises au 1/100 de milligramme.

La très grande rapidité des pesées est souvent un gage de précision dans bien des opérations.

Depuis 1889, j’ai constamment surveillé la fabrication de ces instruments et j’ai pu introduire divers perfectionnements dans les méthodes de réglage des balances ; en particulier, j’ai réalisé un outil très simple qui permet de régler méthodiquement avec une grande précision le parallélisme des arêtes des trois couteaux.