Essai sur le don

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Collectif
L’Année sociologique
Librairie Félix Alcan (1923-1924p. 35-192).
II
ESSAI SUR LE DON
FORME ET RAISON DE L’ÉCHANGE
DANS LES SOCIÉTÉS ARCHAÏQUES

I

INTRODUCTION

Du Don, et en particulier de l’obligation à rendre les présents

ÉPIGRAPHE

Voici quelques strophes de l’Havamál, l’un des vieux poèmes de l’Edda Scandinave[1]. Elles peuvent servir d’épigraphe à ce travail, tant elles mettent directement le lecteur dans l’atmosphère d’idées et de faits où va se mouvoir notre démonstration[2].

39
Je n’ai jamais trouvé d’homme si généreux
et si large à nourrir ses hôtes
que « recevoir ne fût pas reçu »,
ni d’homme si… (l’adjectif manque)
de son bien
que recevoir en retour lui fût désagréable[3].

41
Avec des armes et des vêtements
les amis doivent se faire plaisir ;
chacun le sait de par lui-même (par ses propres expériences),
Ceux qui se rendent mutuellement les cadeaux
sont le plus longtemps amis,
si les choses réussissent à prendre bonne tournure.

42
On doit être un ami
pour son ami
et rendre cadeau pour cadeau ;
on doit avoir
rire pour rire
et dol pour mensonge,

44
Tu le sais, si tu as un ami
en qui tu as confiance
et si tu veux obtenir un bon résultat,
il faut mêler ton âme à la sienne
et échanger les cadeaux
et lui rendre souvent visite.

44
Mais si tu en as un autre
de qui tu te défies
et si tu veux arriver à un bon résultat,
il faut lui dire de belles paroles
mais avoir des pensées fausses
et rendre dol pour mensonge.

46
II en est ainsi de celui
en qui tu n’as pas confiance
et dont tu suspectes les sentiments,
il faut lui sourire
mais parler contre cœur :
les cadeaux rendus doivent être semblables aux cadeaux reçus.

48
Les hommes généreux et valeureux
ont la meilleure vie ;
ils n’ont point de crainte.
Mais un poltron a peur de tout ;
l’avare a toujours peur des cadeaux.

M. Cahen nous signale aussi la strophe 145 :

145
Ilvaut mieux ne pas prier (demander)
que de sacrifier trop (aux dieux) :
Un cadeau donné attend toujours un cadeau en retour.
Il vaut mieux ne pas apporter d’offrande
que d’en dépenser trop.

PROGRAMME

On voit le sujet. Dans la civilisation scandinave et dans bon nombre d’autres, les échanges et les contrats se font sous la forme de cadeaux, en théorie volontaires, en réalité obligatoirement faits et rendus.

Ce travail est un fragment d’études plus vastes. Depuis des années, notre attention se porte à la fois sur le régime du droit contractuel et sur le système des prestations économiques entre les diverses sections ou sous-groupes dont se composent les sociétés dites primitives et aussi celles que nous pourrions dire archaïques. Il y a là tout un énorme ensemble de faits. Et ils sont eux-mêmes très complexes. Tout s’y mêle, tout ce qui constitue la vie proprement sociale des sociétés qui ont précédé les nôtres — jusqu’à celles de la protohistoire. — Dans ces phénomènes sociaux « totaux », comme nous proposons de les appeler, s’expriment à la fois et d’un coup toutes sortes d’institutions : religieuses, juridiques et morales — et celles-ci politiques et familiales en même temps ; économiques — et celles-ci supposent des formes particulières de la production et de la consommation, ou plutôt de la prestation et de la distribution ; sans compter les phénomènes esthétiques auxquels aboutissent ces faits et les phénomènes morphologiques que manifestent ces institutions.

De tous ces thèmes très complexes et de cette multiplicité de choses sociales en mouvement, nous voulons ici ne considérer qu’un des traits, profond mais isolé ; le caractère volontaire, pour ainsi dire, apparemment libre et gratuit, et cependant contraint et intéressé de ces prestations. Elles ont revêtu presque toujours la forme du présent, du cadeau offert généreusement, même quand, dans ce geste qui accompagne la transaction, il n’y a que fiction, formalisme et mensonge social, et quand il y a, au fond, obligation et intérêt économique. Même, quoique nous indiquerons avec précision tous les divers principes qui ont donné cet aspect à une forme nécessaire de l’échange — c’est-à-dire, de la division du travail social elle-même — de tous ces principes, nous n’en étudions à fond qu’un. Quelle est la règle de droit et d’intérêt qui, dans tes sociétés de type arriéré ou archaïque, fait que le présent reçu est obligatoirement rendu ? Quelle force y a-t-il dans la chose qu’on donne qui fait que te donataire la rend ? Voilà le problème auquel nous nous attachons plus spécialement tout en indiquant les autres. Nous espérons donner, par un assez grand nombre de faits, une réponse à cette question précise et montrer dans quelle direction on peut engager toute une étude des questions connexes. On verra aussi à quels problèmes nouveaux nous sommes amenés : les uns concernant une forme permanente de la morale contractuelle, à savoir : la façon dont le droit réel reste encore de nos jours attaché au droit personnel ; les autres concernant les formes et les idées qui ont toujours présidé, au moins en partie, à l’échange et qui, encore maintenant, suppléent en partie la notion d’intérêt individuel.

Ainsi, nous atteindrons un double but. D’une part, nous arriverons à des conclusions en quelque sorte archéologiques sur la nature des transactions humaines dans les sociétés qui nous entourent ou nous ont immédiatement précédés. Nous décrirons les phénomènes d’échange et de contrat dans ces sociétés qui sont non pas privées de marchés économiques comme on l’a prétendu, — car le marché est un phénomène humain qui selon nous n’est étranger à aucune société connue, — mais dont le régime d’échange est différent du nôtre. On y verra le marché avant l’institution des marchands et avant leur principale invention, la monnaie proprement dite ; comment il fonctionnait avant qu’eussent été trouvées les formes, on peut dire modernes (sémitique, hellénique, hellé­nistique et romaine) du contrat et de la vente d’une part, la monnaie titrée d’autre part. Nous verrons la morale et l’économie qui agissent dans ces tran­sactions.

Et comme nous constaterons que cette morale et cette économie fonctionnent encore dans nos sociétés de façon constante et pour ainsi dire sous-jacente, comme nous croyons avoir ici trouvé un des rocs humains sur lesquels sont bâties nos sociétés, nous pourrons en déduire quelques conclusions mo­rales sur quelques problèmes que pose la crise de notre droit et la crise de notre économie et nous nous arrêterons là. Cette page d’histoire sociale, de socio­logie théorique, de conclusions de morale, de pratique politique et économique, ne nous mène, au fond, qu’à poser une fois de plus, sous de nouvelles formes, de vieilles mais toujours nouvelles questions[4].

MÉTHODE SUIVIE

Nous avons suivi une méthode de comparaison précise. D’abord, comme toujours, nous n’avons étudié notre sujet que dans des aires déterminées et choisies : Polynésie, Mélanésie, nord-ouest améri­cain, et quelques grands droits. Ensuite, naturel­lement, nous n’avons choisi que des droits où, grâce aux documents et au travail philologique, nous avions accès à la conscience des sociétés elles-mêmes, car il s’agit ici de termes et de notions ; ceci restrei­gnait encore le champ de nos comparaisons. Enfin chaque étude a porté sur des systèmes que nous nous sommes astreint à décrire, chacun à la suite, dans son intégrité ; nous avons donc renoncé à cette comparaison constante où tout se mêle et où les ins­titutions perdent toute couleur locale, et les docu­ments leur saveur[5].

PRESTATION, DON ET POTLATCH

Le présent travail fait partie de la série de re­cherches que nous poursuivons depuis longtemps, M. Davy et moi, sur les formes archaïques du con­trat[6]. Un résumé de celles-ci est nécessaire.

Il ne semble pas qu’il ait jamais existé, ni jusqu’à une époque assez rapprochée de nous, ni dans les sociétés qu’on confond fort mal sous le nom de pri­mitives ou inférieures, rien qui ressemblât à ce qu’on appelle l’Économie naturelle[7]). Par une étrange mais classique aberration, on choisissait même pour donner le type de cette économie les textes de Cook concernant l’échange et le troc chez les Polynésiens[8]). Or, ce sont ces mêmes Polynésiens que nous allons étudier ici et dont on verra combien ils sont éloignés, en matière de droit et d’économie, de l’état de nature.

Dans les économies et dans les droits qui ont pré­cédé les nôtres, on ne constate pour ainsi dire jamais de simples échanges de biens, de richesses et de pro­duits au cours d’un marché passé entre les individus. D’abord, ce ne sont pas des individus, ce sont des collectivités qui s’obligent mutuellement, échangent et contractent[9] ; les personnes présentes au con­trat sont des personnes morales : clans, tribus, familles, qui s’affrontent et s’opposent soit en groupes se faisant face sur le terrain même, soit par l'intermédiaire de leurs chefs, soit de ces deux façons à la fois (1). De plus, ce qu’ils échangent, ce n’est pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles écono­miquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments et où la circulation des richesses n’est qu’un des termes d’un contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent. Enfin, ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, bien qu’elles soient au fond rigoureu­sement obligatoires, à peine de guerre privée ou publique. Nous avons proposé d’appeler tout ceci le système des prestations totales. Le type le plus pur de ces institutions nous paraît être représenté par l’alliance des deux phratries dans les tribus aus­traliennes ou nord-américaines en général, où les rites, les mariages, la succession aux biens, les liens de droit et d’intérêt, rangs militaires et sacerdotaux, tout est complémentaire et suppose la collaboration des deux moitiés de la tribu. Par exemple, les jeux sont tout particulièrement régis par elles (2). Les Tlinkit et les Haïda, deux tribus du nord-ouest américain expriment fortement la nature de ces pratiques en disant que « les deux phratries se mon­trent respect (3) ».

(1) Même un poète aussi tardif que Pindare dit : νεανίᾳ γαμβρῷ προπίνων oἴκoθεν oἴκαδε, Olympique, VIII, 4. Tout le passage se ressent encore de l’état de droit que nous allons décrire. Les thèmes du présent, de la richesse, du mariage, de l’honneur, de la faveur, de l’alliance, du repas en commun et de la boisson dédiée, même celui de la jalousie qu’excite le mariage, tous y sont représentés par dos mots expressifs et dignes do commentaires.

(2) V. en particulier les remarquables règles du jeu de ballo chas les Omaha : Alice Fletcher et la Flesche, Omaha Tribe, Annuel Report 0/ the Bureau 0/ American Anthropology, 1905-1906, XXVII, p. 197 et 366.

(3) Krause, Tlinkil Indianer, p. 234, suiv,, a bien vu ce caractère des fêtes et rites et contrats qu’il décrit, sans leur donner le nom de potlatch. Boursin, in Porter, Report on U10 Population, etc. 0/ Alaska, in Eleventh Censuo (1900), p. 54-66. et Porter, ié., p. 33, ont bien vu œ caractère de glonOcation réciproque du potlatch, cette fois nommé. Mais c’est M. Swanton qui l’a le mieux marqué : Social Conditions, etc. 0/ lhe Tlingit indians, Ann. Rep, 0/ the Bureau 0/ rimer. Ethn. 1905, XXVI, p. 345, etc. Cf. nos observations, rinn. Soc., t. XI, p. 207 et Davy, Foi jurés, p. 172.

Mais, dans. ces deux dernières tribus du nord* ouest américain et dans toute cette région apparaît une forme typique certes, mais évoluée et relative­ ment rare, de ces prestations totales, Nous avons proposé de rappeler « potlatch », comme font (Tailleurs les auteurs américains se servant du nom chinook devenu partie du langage courant des Blancs et des Indiens de Vancouver à l’Alaska. « Potlatch » veut dire essentiellement « nourrir », « consommer » (1), Ces tribus, fort riches, qui vivent dans les îles ou sur la côte ou entre les Rocheuses et la côte, passent leur hiver dans une perpétuelle fête : banquets, foires et marchés, qui sont en même temps rassemblée solennelle de la tribu. Celle-ci y est rangée suivant ses confréries hiérarchiques, ses socié­ tés secrètes, souvent confondues avec les premières et avec les clans j et tout, clans, mariages, initia­ tions, séances de shamanisme et du culte des grands dieux, des totems ou des ancêtres collectifs ou indi­ viduels du clan, tout se mêle en un inextricable lacis de rites, de prestations juridiques et écono­ miques, de fixations de rangs politiques dans la société des hommes, dans la tribu et dans les confédérations de tribus et même internationalement (2). Mais ce qui est remarquable dans ces tribus, c’est le principe de la rivalité et de l’antagonisme qui domine toutes ces pratiques. On y va jusqu’à la bataille, jusqu’à la mise (1) Sur le sens du mot potlatch, v. Barbeau. Bulletin de la Société de Géographie de Québec, 1911 ; Davy, p. 162. Cependant il ne nous parait pas <pie le sens proposé sAit originaire. En effet Boas indique pour le mot potlatch,’en Kwakiutl il est vrai et non pas en Chinook, le sens de Fcoder, nourrisBeur, et littéralement « place oj being satialed », place où on se rassasie. Kwakiutl Texte, Second Sériés, Jesup Expédie, vol. X, P*

vo’ U !, p. 255, p. 517, s. v, PoL. Mais les deux sens de potlatch : don et aliment ne sont pas exclusifs, la forme essentielle de la prestation étant ici alimentaire, on théorie du moins. Sur ces v. plus loin, p. 110 n. 1,

(2) Le côté juridique du potlatch est celui qu’ont étudié M. Adam, dans ses articles de la Zeitechr, /. vergleich. Bechüiuiesenadiaft, 1911 et Buiv. et FeeUchriji à Seler, 1920, et M. Davy dans sa Foi jurée. Le côté religieux et F économique ne sont pas moins essentiels et doivent être traités non moins à fond. La nature religieuse des pamonnes impliquées et des choses échangées ou détruites ne sont en effet pas indifférentes à la nature même des contrats, pas plus que les valeurs qui leur sont affectées. Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/44 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/45 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/46 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/47 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/48 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/49 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/50 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/51 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/52 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/53 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/54 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/55 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/56 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/57 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/58 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/59 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/60 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/61 Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/62 Page:L'Année 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Il est là, dans la paix imposée, dans le travail bien rythmé, en commun et solitaire alternativement, dans la richesse amassée puis redistribuée, dans le respect mutuel et la généro­sité réciproque que l’éducation enseigne.

On voit comment on peut étudier, dans certains cas, le comportement humain total, la vie sociale tout entière ; et on voit aussi comment cette étude concrète peut mener non seulement à une science des mœurs, à une science sociale partielle, mais même à des conclusions de morale, ou plutôt — pour reprendre le vieux mot — de « civilité », de « civisme », comme on dit maintenant. Des études de ce genre permettent en effet d’entrevoir, de mesurer, de balancer les divers mobiles esthétiques, moraux, religieux, économiques, les divers facteurs matériels et démographiques, dont l’ensemble fonde la société et constitue la vie en commun, et dont la direction consciente est l’art suprême, la Politique, au sens socratique du mot.

Marcel Mauss
.

    Wirtschaftslehen der primitiven Volker, 1911 ; mais il considère le vol comme primitif et confond en somme le droit de prendre avec le vol. On trouvera un bon exposé des faits Maori dans W. von Brun, Wirtschaftorganisation der Maori (Beitr. de Lamprecht, 18), Leipzig, 1912, où un chapitre est consacré à l’échange. Le plus récent travail d’en­semble sur l’économie des peuples dits primitifs est : Koppers, Ethnologische Wirtschaftsordnung, Anthropos, 1915-1916, p. 611 à 651, p. 971 à 1079 ; surtout bon pour l’exposé des doctrines ; un peu dia­lectique pour le reste.

  1. C’est M. Casse qui nous a mis sur la voie de ce texte, Theory of Social Economy, vol. II, p. 345. Les savants scandinaves sont familiers avec ce trait de leur antiquité nationale.
  2. M. Maurice Cahen a bien voulu faire pour nous cette traduction.
  3. La strophe est obscure, surtout parce que l’adjectif manque au
    vers 4, mais le sens est clair quand on supplée, comme on fait d’ordinaire,
    un mot qui veux dire libéral, dépensier. Le vers 3 est lui aussi
    difficile. M. Casse traduit : « qui ne prenne pas ce qu’on lui offre ».
    La traduction de M. Casse au contraire est littérale. « L’expression est
    ambiguë, nous écrit-il, les uns comprennent : « que recevoir ne lui fût
    pas agréable », les autres interprètent : « que recevoir un cadeau ne
    comportât pas l’obligation de le rendre ». Je penche naturellement pour
    la seconde explication. » Malgré notre incompétence en vieux norrois,
    nous nous permettons une autre interprétation. L’expression correspond évidemment à un vieux centon qui devait être quelque chose comme « recevoir est reçu ». Ceci admis, le vers ferait allusion à cet état d’esprit dans lequel sont le visiteur et le visité. Chacun est supposé offrir son hospitalité ou ses présents comme s’ils devaient ne jamais lui être rendus. Cependant chacun accepte tout de même les présents du visiteur ou les contre-prestations de l’hôte, parce qu’ils sont des biens et aussi un moyen de fortifier le contrat, dont ils sont partie intégrante.

    Il nous semble méme que l’on peut démêler dans ces strophes une partie plus ancienne. La structure de toutes est la même, curieuse et claire. Dans chacune un centon juridique forme centre : « que recevoir ne soit pas reçu » (39), « ceux qui se rendent les cadeaux sont amis » (41), « rendre cadeaux pour cadeaux » (42), « il faut mêler ton âme à la sienne et échanger les cadeaux » (44), « l’avare a toujours peur des cadeaux » (48), « un cadeau donné attend toujours un cadeau en retour » (145), etc. C’est une véritable collection de dictons. Ce proverbe ou règle est entou­ré d’un commentaire qui le développe. Nous avons donc affaire ici non seulement à une très ancienne forme de droit, mais même à une très ancienne forme de littérature.

  4. Je n’ai pas pu consulter Burckhard, Zum Begriff der Schankung p. 53 sq.

    Mais pour le droit anglo-saxon, le fait que nous allons mettre en lumière a été fort bien senti par Pollock and Maitland, History of English Law, t. II, p, 82 : « The wide word gift, which will cover sale, exchange, gage and lease ». Cf. ib., p. 12, ib., p. 212-214 : « il n’y a pas de don gratuit qui tienne force de loi ».

    Voir aussi toute la dissertation de Neubecker, à propos de la dot ger­manique, Die Mitgift, 1909, p. 65 sq.

  5. Les notes et tout ce qui n’est pas on gros caractères ne sont indispensables qu’aux spécialistes.
  6. Davy, Foi Jurée (Travaux de l’Année Sociologique, 1922) ; voir indications bibliographiques dans : Mauss, Une forme archaïque de contrat chez les Thraces, Revue des Études grecques, 1921 ; R. Lenoir, L’Institution du Potlatch, Revue Philosophique, 1924.
  7. M. F. Somlo, Der Güterverhehr in der Urgesellschaft (Institut Solvay, 1909), a donné de ces faits une bonne discussion et un aperçu où, p. 156, il commence à entrer dans la voie où nous allons nous enga­ger nous-même.
  8. Grierson, Silent Trade, 1903, a déjà donné les arguments néces­saires pour en finir avec coe préjugé. De même Von Moszkowski, Vom
  9. Depuis nos dernières publications, nous avons constaté, en Aus­tralie, un début de prestation réglée entre tribus, et non plus seulement entre clans et phratries, en particulier à l’occasion de mort. Chez les Kakadu, du Territoire Nord, il y a une troisième cérémonie funéraire après le deuxième enterrement. Pendant cette cérémonie les hommes procèdent à une sorte d’enquête judiciaire pour déterminer au moins fictivement qui a été l’auteur de la mort par envoûtement. Mais con­trairement à ce qui suit dans la plupart des tribus australiennes, aucune vendetta n’est exercée. Les hommes se contentent de rassembler leurs lances et de définir ce qu’ils demanderont en échange. Le lendemain ces lances sont emportées dans une autre tribu, les Umoriu par exemple, au camp desquels on comprend parfaitement le but de cet envoi. Là les lances sont disposées par paquets suivant leurs propriétaires. Et suivant un tarif connu à l’avance, les objets désirés sont mis an face de ces paquets. Puis tous sont ramenés aux Kakadu (Baldwin Spencer, Tribes of the Northern Territory, 1914, p. 247). Sir Baldwin mentionne que ces objets pourront être de nouveau échangés contre des lances, fait que nous ne comprenons pas très bien. Au contraire il trouve dif­ficile de comprendre la connexion entre ces funérailles et ces échanges et il ajoute que « les natifs n’en ont pas idée ». L’usage est pourtant parfaitement compréhensible : c’est en quelque sorte une composition juridique régulière, remplaçant la vendetta, et servant d’origine à un marché intertribal. Cet échange de choses est en même temps échange de gages de paix et de solidarité dans le deuil, comme cela a lieu d’or­dinaire, en Australie entre clans et familles associées et alliées par mariage. La seule différence est que cette fois l’usage est devenu intertribal.