Reproduction fac-similé d'un dessin (Bartholomeu Lourenço de Gusmão)/Description d'une ingénieuse machine
[ 15 ]Description d’une ingénieuse machine par le moyen de laquelle il est possible de faire, en volant au travers des airs, 200 milles dans l’espace de 24 heures, pour transmettre avec rapidité aux armées très éloignées, outre des ordres, des soldats, des vivres et autres choses nécessaires, de même qu’à des localités assiégées des lettres, des marchandises ou de l’argent, comme cela peut se voir par la copie ci-jointe d’une pétition adressée à S. M. le Roi de Portugal par un religieux brésilien ; une nouvelle épreuve de cette machine (qui a déjà été faite à une hauteur de 10 brasses dans l’air) doit avoir lieu le 24 juillet 1709 prochain.
[ 16 ]EXPLICATION DE L’IMAGE DE LA MACHINE, PAR ORDRE
ALPHABÉTIQUE :
A) désigne les voiles, par lesquelles l’air est coupé, et mobiles selon les nécessités.
B) montre la forme du gouvernail qui dirige la barque, non au hasard mais au gré du pilote, soit du constructeur.
C) désigne le corps de la barque, dont la proue et la poupe sont terminées en forme de conque, et dans l’intérieur de laquelle sont disposés les tuyaux du soufflet qui doit suppléer au manque de vent.
D) ce sont deux ailes destinées à maintenir la barque en équilibre sans quoi elle ne pourrait être dirigée par le vent.
E) deux sphères contenant le secret de l’attraction, lesquelles sont faites de métal soigneusement recouvert, de façon que ne puissent être détruits les aimants enfermés dans les sphères et qui attirent le corps de la barque, qui est fait de lamelles de fer et recouvert de certains osiers tressés, et dont la grandeur est proportionnée au nombre d’hommes que la barque doit porter, soit dix, ou onze en comptant l’inventeur.
F) présente le toit formé de fils de fers, lesquels fils, par le nombre des grandes boules d’ambre qui y sont fixées, aideront puissamment à maintenir la barque suspendue en l’air, et cela par la chaleur des rayons du soleil pour lesquels les dites boules d’ambre attireront les tendeurs.
G) montre l’inventeur qui, avec l’astrolabe, la carte marine et le fil d’aplomb (?) mesure la hauteur du soleil et recherche le point géométrique de la sphère (dans lequel il se trouve).
H) indique la boussole, soit l’aiguille nautique, car à son défaut, cela ira mal pour celui qui se mettra en chemin, nulle route ne pouvant être connue, ni trouvée sans elle.
I) exprime enfin les roues avec les cordes par lesquelles les voiles peuvent être déployées ou repliées selon les besoins.
PÉTITION ADRESSÉE PAR LE DIT RELIGIEUX BRÉSILIEN
A S. M. LE ROI DE PORTUGAL :
Le Père Bartholomeu Lourenço expose qu’il a inventé une machine par le moyen de laquelle il est possible de cheminer en l’air beaucoup plus rapidement que sur terre ou sur mer, ensorte que, dans l’espace de 24 heures et à une distance de 200 milles, des ordres peuvent êtres donnés et des décisions transmises, aussitôt qu’arrêtées, aux forces belligérantes; que cette invention importe d’autant plus à Votre Majesté que ses colonies sont fort éloignées les [ 17 ]unes des autres, et que très souvent, par le retard de ses desseins royaux, les gains des produits et des conquêtes n’ont pu être conservés. Grâce à cette machine il sera possible de transmettre aux marchands leurs lettres et leurs marchandises très rapidement; aux villes assiégées on pourra apporter des secours, des soldats, des provisions, des armes et autres choses nécessaires, et même les personnes qui voudront sortir de ces places pourront le faire sans empêchement de la part de l’ennemi. Et comme aussi les Portugais pourront découvrir les contrées les plus rapprochées des pôles du monde, on ajoutera à la gloire de leurs ancêtres celle d’avoir trouvé cette machine si utile, capable de voler dans l’air, secret que tant de nations ont essayé de découvrir sans pouvoir y parvenir; et comme par le défaut des cartes géographiques tant de malheurs, tant de naufrages arrivent dans le monde; au moyen de cette machine admirable, les régions du globe et la terre pourront être plus facilement connues; et beaucoup d’autres faits mémorables pourront être portés à la connaissance de Votre Majesté; et puisque, à cause de l’utilité de cette machine il pourrait se produire beaucoup de désordres qui pourraient être évités en en réservant l’usage à une seule personne qui dépendrait des ordres de Votre Majesté, et en contraignant par des châtiments tous ceux qui feraient des tentatives contraires; Daigne Votre Majesté accorder au pétitionnaire un privilège, afin que personne d’autre n’ose se servir de cette machine indûment, encore moins en faire quelque imitation sans le consentement exprès du susdit pétitionnaire ou de ses héritiers, sous peine... etc.

IMPRIMERIES RÉUNIES S. A. LAUSANNE.
![]() |
This work was published before January 1, 1930, and is in the public domain worldwide because the author died at least 100 years ago. |