Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/73

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cette matière par la tante en question. Il finit par découvrir que la différence entre garçon et fille est la même qu’entre m et n, à savoir que le garçon a quelque chose de plus que la fille, et c’est à l’époque où il a acquis cette connaissance que s’est éveillé en lui le souvenir de la leçon d’alphabet.

Voici un autre exemple se rapportant à la seconde enfance. Il s’agit d’un homme âgé de 40 ans, ayant eu beaucoup de déboires dans sa vie amoureuse. Il est l’aîné de neuf enfants. Il avait déjà quinze ans lors de la naissance de la plus jeune de ses sœurs, mais il affirme ne s’être jamais aperçu que sa mère était enceinte. Me voyant incrédule, il fait appel à ses souvenirs et finit par se rappeler qu’à l’âge de onze ou douze ans, il vit un jour sa mère défaire hâtivement sa jupe devant une glace. Sans être sollicité cette fois, il complète ce souvenir en disant que ce jour-là sa mère venait de rentrer et s’était sentie prise de douleurs inattendues. Or, le délaçage (Aufbinden) de la jupe n’apparaît dans ce cas que comme un « souvenir-écran » pour accouchement (Entbindung). Il s’agit là d’une sorte de « pont verbal » dont nous retrouverons l’usage dans d’autres cas.

Je veux encore montrer par un exemple la signification que peut acquérir, à la suite d’une réflexion analytique, un souvenir d’enfance qui semblait dépourvu de tout sens. Lorsque j’ai commencé, à l’âge de 43 ans, à m’intéresser aux vestiges de souvenirs de ma propre enfance, je me suis rappelé une scène qui, depuis longtemps (et même, d’après ce que je croyais, de tout temps), s’était présentée de temps à autre à ma conscience et que de bonnes raisons me permettent de situer avant la fin de ma troisième année. Je me voyais criant et pleurant devant un coffre dont mon demi-frère, de 20 ans plus âgé que moi, tenait le couvercle relevé, lorsque ma mère, belle et svelte, entra subitement dans la pièce comme venant de la rue.