Page:Freud - La Psychopathologie de la vie quotidienne, 1922, trad. Jankélévitch.djvu/187

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folie – ont provoqué une littérature dans laquelle je ne trouve aucune allusion à une motivation quelconque. Comme cette question ressortit également à la psychologie des névroses, je n’ai pas à m’en occuper ici. Je citerai, en revanche, un exemple singulier et personnel d’illusion de la mémoire; on y reconnaît très nettement et sa motivation par des matériaux inconscients refoulés et la manière dont elle se rattache à ces matériaux.

Alors que j’écrivais les derniers chapitres de mon livre sur la Science des rêves, je me trouvais en villégiature, sans avoir à ma disposition ni bibliothèques, ni livres de référence, de sorte que j’ai été obligé, sous la réserve de corrections ultérieures, d’écrire de mémoire beaucoup de citations et de références. En écrivant le chapitre sur les « rêves éveillés », je me suis souvenu de l’excellente figure du pauvre comptable, de ce personnage du Nabab, auquel Alphonse Daudet attribue des traits qui peuvent bien avoir un caractère autobiographique. Je croyais me souvenir très nettement de l’un des rêves que cet homme (qui, d’après mes souvenirs, devait s’appeler M. Jocelyn) forgeait au cours de ses promenades à travers les rues de Paris et je commençai à le reproduire de mémoire. Or, comme M. Jocelyn se jette à la tête d’un cheval emballé pour l’arrêter, la portière de la voiture s’ouvre, un haut personnage descend du coupé, serre la main de M. Jocelyn et lui dit : « Vous êtes mon sauveur, je vous dois la vie. Que puis-je pour vous? »

Les quelques inexactitudes que j’ai pu commettre en reproduisant ce rêve seront faciles à corriger, pensais-je, quand je serai rentré à la maison et que j’aurai le livre sous la main. Mais lorsque, rentré de vacances, je me suis mis à feuilleter le Nabab, pour confronter le texte avec mon manuscrit, je fus tout honteux et étonné de n’y rien trouver qui ressemblât à la rêverie que j’avais attribuée à M. Jocelyn et même de constater que le pauvre comptable s’appelait, non