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De la linguistique de la langue à la linguistique du discours, et retour 11
 

peut signifier ‘jeune’ ou ‘vieux’, si « intellectuel » peut signifier une qualité positive ou négative, ce n’est pas que ces termes soient directement porteurs de ces sens (une fois de plus on ne pourrait les répertorier dans un dictionnaire), c’est que ces mots ont dans leur sémantisme quelque chose (un ou des traits) qui — sans être explicite — est potentiellement disponible, ce qui leur donne la capacité d’« accueillir » des sens non prévus qui sont apportés par le contexte interdiscursif dont j’ai parlé. C’est aussi cette virtualité qui permet d’expliquer l’évolution du sens des mots. Comment est-on passé du « purros » grec qui signifiait ‘roux’ et ‘feu’ au latin « burra » qui signifiait ‘étoffe de longs poils’ à « robe de bure », « bourrelet » et « bourreau », si ce n’est par ce jeu de virtualités successives qui ont accueilli du sens qui n’était pas prévu à chacun de ces stades et qui s’est construit dans l’interdiscursivité ?

C’est donc bien par le biais du processus d’énonciation que s’établit un lien potentiel entre sens de langue et sens de discours, à condition d’admettre cependant que cela ne se fait pas nécessairement par continuité. C’est plutôt que le sens de discours arrivant par les savoirs qui se construisent dans la pratique sociale, il se trouve ensuite comme ‘inoculé’ dans le sens de langue qui après quelques hésitations finit par l’accepter, voire l’intégrer au point, peut-être, de se l’approprier et de le catégoriser dans une nouvelle dénotation.

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Pour en revenir à la proposition de départ, on voit au terme de cette démonstration, qu’une linguistique du discours présuppose une linguistique de la langue : la première ne peut exister sans la seconde. Mais en retour, il faut accepter de considérer qu’une linguistique de la langue ne peut, à elle seule, prétendre rendre compte du sens des actes de langage produits en situation de communication réelle : elle a besoin d’être complétée par une linguistique du discours. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de « traquer » le sens. Une double traque, à travers un calcul d’ordre probabiliste et d’ordre inférentiel, non nécessairement prévisible, sur un même terreau de virtualités de sens, et toujours dans un mouvement de va-et-vient entre le général et le particulier.

Notes